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SYMBOLIQUE

Le symbolique constitue une topique, la topique du symbole. Alors que le signe est arbitraire, inventé, unilatéral, sans vie, épuisé dans sa définition, clair et défini dans sa signification, le symbole est plus qu'un signe quelconque ; c'est originairement un signe de reconnaissance, puisque l'étymologie du terme renvoie à une communauté et à une réciprocité (σ́υν) d'échange ou de mise en commun et d'évaluation portant sur un objet ponctuant la rencontre (συμϐολ́η) de ce qui cependant demeure séparé, coupé en deux, comme l'objet primitif auquel se réfère l'étymologie et dont chacun des deux hôtes par-devers soi gardait une moitié (σ́υμϐολον), ce partage constituant ainsi sacralement un pacte (συμϐ́ολαιον). Si le symbole, comme le signe, est un repræsentamen (quelque chose qui est mis pour quelque chose ou quelqu'un), on peut dire que le symbolique est le fondement du repræsentamen en même temps que son accomplissement. La psychanalyse a permis d'établir la théorie du symbolique : le concept de symbolique intervient dans la psychanalyse de Jacques Lacan comme recouvrant un ordre autonome, à la fois manifeste et latent, baignant l'homme, qui, en tant que tel, y est soumis, pris qu'il est, ainsi que disait Nietzsche, « dans les filets du langage ».

L'efficacité du symbolique

Les contenus symboliques et les relations symboliques démontrent l'efficacité du symbolique : ce dernier syntagme est repris, par Lacan, de Claude Lévi-Strauss, qui traite de la notion dans un chapitre de son Anthropologie structurale et qui, par ailleurs, définit toute culture « comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion » (« Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss », in M. Mauss, Sociologie et Anthropologie). L'ethnologie contemporaine prend appui sur une notion de la fonction symbolique intervenant dans toutes les communautés comme le véritable auteur de leurs systèmes symboliques, qui constituent l'objet propre de l'étude des anthropologues. L'anthropologue est donc placé dans la même situation que celui qui cherche à comprendre ce que Hegel désignait par l'expression d'« art symbolique » : une architecture représentant des significations générales dépourvues de formes.

Ce caractère de disproportion entre l'être, ou le réel informulable et irreprésentable, et la forme est ce qui est impliqué dans la notion de symbolique qui est saisie par Hegel et que F.  Creuzer avait déjà approfondie dans sa Symbolique (publiée de 1810 à 1812, et traduite en français en 1825). Bien que le fini ne puisse représenter l'infini, c'est pourtant ce vers quoi oriente le symbole : la formulation de l'informulable, la représentation de l'irreprésentable, en tant qu'il est, selon ce que Creuzer avait vu, « la racine et la souche de toute expression, de toute expression figurée, dont il est en même temps le plus haut développement ». Figuration condensée, tel est déjà le symbole pour Creuzer : à cette activité condensatrice du symbole supplée le mythe en tant que narratif et déployant un univers d'images et de paroles, tandis que le symbole indique une idée générale, un symbolisé résultant d'un symbolisant mis à la masse par et pour des interprétants. Symboliser est l'acte essentiellement fondateur : dans le sens où fonder, c'est ici poser à la fois la condition de possibilité et l'accomplissement de la convention humaine, du pacte incontournable. Si la psychanalyse met au jour la topique symbolique, l'ethnologie la confirme et les sciences humaines l'impliquent. Le discours scientifique en matière de politique et de droit a recours de plus[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, maître de conférences de philosophie à l'université d'Amiens

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Pour citer cet article

Angèle KREMER-MARIETTI. SYMBOLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ernst Cassirer - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Ernst Cassirer

Wilhelm von Humboldt - crédits : Bildagentur-online/ Universal Images Group/ Getty Images

Wilhelm von Humboldt

Autres références

  • ORDRE SYMBOLIQUE

    • Écrit par Alexandre ABENSOUR
    • 1 400 mots

    L'expression « ordre symbolique » est peu attestée sinon chez le psychanalyste Jacques Lacan. Ce dernier reprenait ainsi sous une forme originale un courant de pensée, qui, avec des variantes, est représenté par le philosophe Ernst Cassirer, les linguistes Ferdinand de Saussure et Roman...

  • ANALYSE & SÉMIOLOGIE MUSICALES

    • Écrit par Jean-Jacques NATTIEZ
    • 5 124 mots
    • 1 média
    ...été exposée pour la première fois à propos de la musique (J. Molino, 1975). Selon cette théorie, les domaines que la sémiologie étudie sont des faits symboliques dans la mesure où il n'y a pas de textes ou d'œuvres musicales qui ne soient le produit de stratégies compositionnelles (ce qu'étudie la ...
  • ASTROLOGIE

    • Écrit par Jacques HALBRONN
    • 13 311 mots
    Ces observations nous permettent de comprendre l'émergence de la symbolique zodiacale telle que nous la connaissons encore de nos jours. Les signes sont des hypostases des planètes. Si le zodiaque est globalement structuré à partir des équinoxes et des solstices, en revanche, les signes du zodiaque...
  • CASSIRER ERNST (1874-1945)

    • Écrit par Gilbert DURAND
    • 2 341 mots
    • 1 média
    ...de l'art. Par sa fonction de dénomination, le langage impose la permanence au sein du devenir, de la confusion. Il cristallise et articule le monde des intuitions. Il objective un monde de l'image pure, mais aussi déjà codifiée.Il est donc au cœur de la fonction symbolique qui caractérise l'homme.
  • CHIASME, symbolisme

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 1 175 mots

    Le mot « chiasme » vient de la lettre grecque khi, qui s'écrit X ; il désigne toute structure qui se figure par la croix dite de Saint-André. Il exprime donc un aspect majeur du symbolisme de la croix : une croisée, une rencontre d'axes qui répartissent une réalité en régions différenciées....

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Voir aussi