Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PROJECTION, psychanalyse

Dans la doctrine psychanalytique, la projection est un mécanisme de défense inconscient par lequel le sujet projette sur autrui les craintes et les désirs qu'il ressent comme interdits et dont la représentation consciente serait chargée d'angoisse ou de culpabilité ; elle participe à la constitution des phobies dans la névrose et du délire dans la psychose.

Le concept dans l'œuvre de Freud

Aux deux mécanismes de défense qu'il avait décrits en 1894, à savoir la conversion (transposition de l'affect désagréable sur le registre somatique, chez l'hystérique) et le déplacement (qui fait qu'une représentation intense, chez l'obsessionnel, est remplacée par une autre plus neutre, en vertu d'un lien associatif), Freud ajoute en 1896 la projection paranoïaque, par laquelle le sujet, au cours d'un délire de persécution, projette sur autrui la représentation, laquelle reste alors liée à son affect (« Nouvelles Remarques sur les psychonévroses de défense ») : Frau P. projette sur le voisinage les reproches qu'elle peut se faire au sujet de ses jeux sexuels infantiles avec son frère, ravivés par son mariage. Cela s'exprime par la formation d'un « symptôme défensif de méfiance vis-à-vis d'autrui : ainsi, le reproche est soustrait à la reconnaissance, tandis que la protection manque contre les reproches, qui reviennent de l'extérieur sous forme de persécution ». En 1911, dans les « Remarques psychanalytiques » sur les Mémoires du Président Schreber, Freud complète l'explication pathogénique de la paranoïa : la projection est une défense contre un conflit homosexuel. Mais la projection n'appartient pas seulement au délire ; elle est aussi à l'œuvre dans la névrose. À propos du cas Dora, Freud montre que sa patiente utilise, outre les mécanismes hystériques de conversion, ceux de la projection. Il s'agit, d'une part, d'une projection délirante : dans son conflit avec son père, Dora est poussée par un intérêt homosexuel sous-jacent pour la maîtresse de celui-ci ; les accusations qu'elle lui lance ne sont que des auto-reproches inversés. D'autre part, elle présente des symptômes d'une projection purement hystérique, c'est-à-dire projetée sur le corps. En 1915, dans l'article de la Métapsychologieintitulé « L'Inconscient », Freud précise le rôle de la projection dans la phobie. Celle-ci serait finalement une véritable « projection » dans le réel du danger pulsionnel : « Le moi se comporte comme si le danger de développement de l'angoisse ne venait pas de la pulsion, mais de la perception, et peut donc réagir contre ce danger extérieur par les tentatives de fuite des évitements phobiques. » La projection, qui est ici complémentaire du déplacement, n'est cependant pas réductible à ce dernier comme le montrera Freud dans Inhibition, symptôme et angoisse (1926) : elle ne serait pas responsable de la localisation de l'angoisse dans le monde extérieur, mais agirait, avant le déplacement, dans la constitution de l'image qui va devenir dangereuse. Elle est, par exemple, à l'origine de la transformation du père castrateur en l'image d'un animal terrifiant, « image où se trouvent objectivés les avatars d'un vécu corporel énigmatique au moment de l'accession de l'enfant à la situation œdipienne. D'où ce mélange, si caractéristique de l'hystérie d'angoisse, de projections et de déplacements, qu'on ne rencontre pas dans le syndrome paranoïaque » (Sami Ali, De la projection). Mécanisme de défense pathologique, la projection se rencontre encore dans les constructions mythologiques et l'animisme. Dans Totem et Tabou(1913), Freud montre le primitif projetant dans le monde extérieur ce qu'il ressent comme terrifiant ou intolérable.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris

Classification

Pour citer cet article

Jacques POSTEL. PROJECTION, psychanalyse [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BION WILFRED R. (1897-1979)

    • Écrit par Émile JALLEY
    • 4 827 mots
    ...psychotique et ceux de la personnalité psychotique tient au fonctionnement – normal ou, au contraire, pathologique – du mécanisme de l' identification projective. Décrit d'abord par Melanie Klein, ce dernier, qui fonctionne dès les premiers mois de la vie, consiste, sur le plan fantasmatique, dans le...
  • INTROJECTION

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 504 mots

    Terme utilisé en psychanalyse et introduit en 1909 par Sandor Ferenczi (« Introjektion und Übertragung » — « Introjection et transfert » —, in Jahrbuch für Psychoanalyse, vol. I). Pour cet auteur, et en première approche, l'introjection caractérise d'abord les névrosés par opposition...

  • OPPOSITION CONCEPT D'

    • Écrit par Émile JALLEY
    • 18 859 mots
    • 4 médias
    ...infinie, l'autre centripète, de nature « liée » et finie. La première – c'est une innovation dans l'histoire des idées – est qualifiée de mouvement de projection (Entwerfung ; le mot freudien est Projecktion). La seconde est simplement appelée réflexion. Le terme introjection, d'apparition beaucoup...
  • PARANOÏA (histoire du concept)

    • Écrit par Jacques POSTEL
    • 3 151 mots
    ...forte timidité), soit homosexuel. Mais dans ce dernier cas, l' homosexualité reste généralement inconsciente et latente. Sa manifestation est inacceptable pour le patient qui va s'en défendre par laprojection paranoïaque ; celle-ci donne la clé de la psychogenèse du délire paranoïaque.
  • Afficher les 7 références

Voir aussi