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PRESSE La presse et ses lecteurs

Bien qu'absent des salles de rédactions et, sauf exception, de la propriété des journaux, le lectorat est un acteur déterminant du monde de la presse. Un journal est un instrument de publicité, au sens où il rend publiques des informations et, en cela, il est fait pour être lu par des lecteurs. Par ailleurs, d'un point de vue économique, il ne peut se perpétuer sans lecteur. Il se doit même, s'il veut susciter des investissements publicitaires, avoir un lectorat attractif pour les annonceurs. Les lecteurs, enfin, sont au cœur d'une question régulièrement débattue dans le débat public : l'influence et le pouvoir de la presse. Depuis le xixe siècle, et même en un sens depuis l'invention de l'imprimerie, la presse, en effet, a été créditée d'un pouvoir d'influer sur les comportements politiques et les mœurs de ses lecteurs.

La connaissance de la lecture de la presse est cependant limitée. Les journalistes, du moins les simples rédacteurs, connaissent généralement mal leurs publics. Ils n'ont souvent de contacts avec eux qu'au travers des lecteurs nécessairement atypiques qui écrivent aux journaux. Les sciences sociales, pour leur part, peinent à étudier une activité souvent solitaire et silencieuse. La lecture de la presse, en effet, ne laisse guère de trace pour l'historien et elle se prête mal à l'observation directe en sociologie. Au total, les faits établis à son sujet reposent bien souvent sur des sources imparfaites : particulièrement, des déductions obtenues à partir de données sur la diffusion des journaux et des enquêtes statistiques enregistrant non pas ce que les personnes lisent, mais ce qu'elles déclarent lire.

Extension du lectorat et dualisation de la presse

Jusqu'au xixe siècle, le lectorat de la presse est très réduit et pratiquement limité aux milieux aristocratiques et à la bourgeoisie. Ainsi, sous l'Ancien Régime, La Gazette, qui, depuis 1631, est le seul journal autorisé à traiter des informations à caractère politique, ne recrute guère ses abonnés que dans les groupes directement intéressés aux affaires publiques : la noblesse et certaines franges de l'artisanat et du commerce. Une large majorité de la population reste analphabète et le prix des journaux est élevé. Leur tirage est très modeste ; il se chiffre au mieux en milliers d'exemplaires. Le lectorat, certes, est un peu plus large dans les faits. Les journaux sont en effet parfois consultés dans des cabinets fonctionnant à la façon de bibliothèques publiques. Par ailleurs, il leur arrive de faire l'objet de lectures publiques. Mais il est certain qu'ils ne touchent presque pas les milieux populaires dans les villes, et encore moins les campagnes où vit alors la très grande partie de la population.

Augmentation des tirages et diversification

Au xixe siècle, une très forte extension du lectorat de la presse se produit. Le tirage global des quotidiens à Paris aide à cerner l'ampleur du phénomène. Alors qu'il se situe aux alentours de 36 000 exemplaires en 1800, il passe à 150 000 en 1845, puis à près de 1 million dans les années 1860. Vers 1910, il est de 2 millions. Les possibilités techniques d'imprimer une grande quantité de journaux et de les acheminer sur l'ensemble du territoire s'améliorent au cours du siècle. Surtout, les lois scolaires, votées entre 1880 et 1886, et l'instauration du régime républicain après la chute du second Empire élargissent considérablement le public potentiel de la presse. Le lectorat s'étend à de nouvelles couches sociales, la petite bourgeoisie puis les milieux populaires. L'élargissement du lectorat, par ailleurs, permet de vendre à plus bas prix un beaucoup plus grand nombre d'exemplaires. Il favorise ainsi le développement de quotidiens bien différents de la presse d'opinion visant à diffuser des informations ou des idées politiques. Ces nouveaux journaux[...]

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Pour citer cet article

Julien DUVAL. PRESSE - La presse et ses lecteurs [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LE SIÈCLE DE LA PRESSE 1830-1939 (C. Charle)

    • Écrit par Éric PHÉLIPPEAU
    • 1 084 mots

    L'histoire retracée par Le Siècle de la presse 1830-1939 (Seuil, Paris, 2004) a la couleur d'une synthèse érudite. Et ce n'est pas là le moindre de ses mérites. Christophe Charle ne s'était pas encore signalé comme spécialiste de l'histoire de la presse française. Mais comment ses précédents...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • AGENCE FRANCE-PRESSE (AFP)

    • Écrit par Universalis, Christine LETEINTURIER
    • 600 mots

    L'Agence France-Presse est la première agence de presse généraliste francophone et la troisième du monde, derrière, Associated Press et Reuters. Héritière de l'Agence Havas fondée en 1932, elle est créée, à titre provisoire, par une ordonnance du 30 septembre 1944 et dotée d'un statut spécial définitif...

  • AGENDA POLITIQUE, sociologie

    • Écrit par Nicolas HUBÉ
    • 548 mots

    La «  mise à l’agenda » concerne la question des « effets » des médias sur le débat public et sur les électeurs, et en particulier lors des moments de « surchauffe symbolique » que sont les élections. Maxwell McCombs et Donald Shaw ont formulé en 1972 le principe suivant : il se peut que la presse...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...l’étranger, Berbère Télévision (Paris) ou Al Magharibia (Londres), une chaîne islamiste lancée par le fils d’Abassi Madani, qui vit au Qatar. Le pays dispose de titres de presse nombreux, peu onéreux et donc encore assez lus. Les Algériens achetaient souvent trois ou quatre journaux par jour au début de la décennie...
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Voir aussi