MAGNIFICAT
Le magnificat est un cantique liturgique chanté quotidiennement à l'office des vêpres, sur le texte latin Magnificat anima mea Dominum... (Mon âme exalte le Seigneur...) d'après l'évangile de saint Luc (i, 46 à 55). Il s'agit du cantique de la Vierge Marie Canticum beatae Mariae Virginis quod vulgo Magnificat inscribitur ou Canticum der Vesper en Allemagne.
Au xve siècle, avec l'école dite franco-flamande, la composition dépasse le cadre strictement monodique et liturgique ; elle est traitée polyphoniquement avec, éventuellement, une intonation monodique confiée à l'officiant. Elle devient un genre musical au même titre que les passions, par exemple, avec les magnificats de John Dunstable, de Gilles Binchois, de Guillaume Dufay.
Au xvie siècle, la forme (catholique) est développée notamment par Roland de Lassus, en Italie par Giovanni Pierluigi da Palestrina et par Claudio Monteverdi. En France, les imprimeurs parisiens publient de nombreux magnificats latins, entre autres ceux de Jean Mouton, de Claudin de Sermisy, de Jacques Arcadelt, de Pierre Certon, de Claude Goudimel.
Lors de la Réforme, en France et en Suisse, le magnificat fait l'objet de paraphrases en langue vernaculaire, versifiées et rimées, en particulier en 1546, par Du Plessis : Mon âme loue et magnifie/Le Seigneur qui te vivifie, sur la mélodie de Antoine de Mornable qui s'inspire de la psalmodie du premier ton. Ce texte figure aussi, avec une autre mélodie, dans le recueil strasbourgeois de 1548. En 1555, la paraphrase devient Le Cantique de la Vierge Marie : La Vierge dit : Mon âme magnifie/Le Seigneur Dieu en qui elle se fie... ; elle se trouve à la fin du recueil de psaumes de Jean Poitevin (sur la mélodie de Philibert Jambe de Fer, Lyon, 1555). Enfin, en 1595, dans les Saincts Cantiques de Théodore de Bèze, le numéro 15, intitulé Cantique de la bienheureuse Vierge Marie (Luc, i, 46), débute ainsi : C'est le Seigneur duquel le nom tant magnifique/Mon âme va chantant, c'est mon Sauveur unique... (mélodie anonyme). De nos jours, ces textes ne sont plus en usage dans l'hymnologie réformée.
Lors de la Réforme en Allemagne, la pratique de l'alternance entre l'orgue et le chœur (Alternatim Praxis) s'applique aussi au Magnificat allemand de Martin Luther, Meine Seele erhebt den Herrn, qui paraît dans le Zwickauer Gesangbuch de 1525 (Recueil de Zwickau), et déjà en 1524, à Strasbourg, avec la mention Der Lobgesang Marie der Jungfrauen. Au xviie siècle, Heinrich Schütz traite le Canticum der Vesper en allemand et en latin : en 1647, dans ses Symphoniae sacrae, en 1657, dans ses Zwölf geistliche Gesänge, et dans son chant du cygne, en 1671, en y incluant la Doxologie. Par cette vaste composition, il ouvre la voie au magnificat latin de Jean-Sébastien Bach.
Au xviiie siècle, la forme évolue encore et comprend une introduction orchestrale, des versets répartis entre les différentes voix (solistes, voix groupées) et le chœur. Le Magnificat de Jean-Sébastien Bach composé en 1723, remanié en 1730, marque l'aboutissement de la forme. En 1749, Carl Philipp Emanuel Bach compose, lui aussi, un magnificat.
Comme l'organiste espagnol Antonió de Cabezón ou l'Italien Girolamo Frescobaldi, les organistes allemands cultivent la forme, par exemple Johann Christoph Bach, qui la traite à plusieurs voix et en imitation ; Jean-Sébastien Bach s'en souvient dans ses Schübler Choräle. Plus proche de nous, en France, Jean Langlais insère un magnificat dans son Livre œcuménique (1968).
Le magnificat latin, monodique, liturgique à l'usage catholique, puis français et allemand dans le sillage de la Réforme, appartient d'abord au patrimoine cultuel et hymnologique ; il devient polyphonique au xve siècle, se développe au xvie siècle ; depuis l'élargissement de la forme aux xviie et xviiie siècles, délaissant le cadre[...]
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Écrit par
- Edith WEBER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines
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