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IMPRIMERIE

Les hommes du livre

Au xixe siècle, le métier d’imprimeur se dissocie de celui d’éditeur et de libraire. Les entreprises de proximité sont majoritaires, et Paris rassemble la plupart des ateliers, installés à l’origine autour de la Sorbonne avant de se disperser dans la ville. Les imprimeurs de presse se regroupent sur la rive droite. Au fil des besoins en surface, ils s’implantent en banlieue tel Paul Dupont, le plus grand imprimeur du xixe installé à Clichy. Deux groupes structurent la filière, les patrons imprimeurs et les ouvriers du livre.

Le métier d’imprimeur

Les entreprises sont souvent familiales. Ainsi, les Didot ont donné leur nom à un caractère de typographie. Cette grande famille d’imprimeurs fut aussi libraire, graveur, fondeur de caractères et papetier. Elle débute au xviiie et s’arrête au xxe siècle. À chaque génération, un fils a poursuivi l’œuvre de ses ancêtres. Ils sont les imprimeurs privilégiés des rois et des institutions comme le Sénat, l’Académie française et sont à l’origine de collections illustrées de renom. Les Didot sont aussi des innovateurs dans la fonderie des caractères ou la fabrication du papier. Le caractère familial concerne les petites comme les grandes sociétés, et diminue après 1970 sous l’impact des fusions d’entreprise.

Autre trait caractéristique des imprimeurs : leur inventivité, et leur ouverture aux innovations technologiques. Hippolyte-Auguste Marinoni est le créateur d’une machine typographique qui porte son nom. Il vient d’ailleurs au métier par la mécanique. Industriel inventif, il exploite la presse à retiration à quatre cylindres en 1847, la machine à plier en 1849. Chaque invention donne lieu à des brevets et à des recherches de financement. Marinoni suit de près les travaux sur les rotatives et ouvre la voie à la fabrication industrielle avec la rotative à papier continu en 1872. Sa société atteint une notoriété internationale qui lui permet de concurrencer les Anglo-Saxons, qui étaient jusqu’alors les principaux fabricants de machines. Cette passion du machinisme anime de nombreux imprimeurs. Les ateliers sont aussi des lieux d’expérimentation où les nouveaux procédés sont testés. Même si de grands industriels traversent le métier d’imprimeur, cette branche a toujours été un secteur à faible concentration.

La fortune d’un imprimeur dépend aussi de sa compétence. Ainsi, la maison Berger-Levrault s’est spécialisée dans les travaux pour l’administration et l’armée ; elle demeure, après cinq siècles d’activité, une interlocutrice de l’État et propose des logiciels ainsi que des formulaires réglementaires. Napoléon Chaix a connu la fortune grâce à l’impression des indicateurs de chemins de fer. Dès 1841, la famille Didot a été l’éditeur de l’Annuaire du commerce Didot-Bottin, plus connu sous le titre générique de Bottin.

La spécialisation permet de fournir des travaux de qualité à un tarif concurrentiel et avec la meilleure productivité.

Enfin, une autre caractéristique des imprimeurs, particulièrement au xixe siècle, est leur fibre sociale. Dans l’usine de Napoléon Chaix, l’adhésion à la société de secours mutuel était obligatoire. Elle donnait droit aux visites gratuites du médecin, aux médicaments, à des indemnités en cas de maladie et de funérailles. Dès 1848, Paul Dupont associe son personnel aux bénéfices de l’entreprise. Alfred Mame construit des logements pour son personnel. En 1960, les bons de charbon et de pommes de terre continuaient d’être distribués dans les imprimeries de Cino Del Duca. Une communauté d'intérêts liait patrons et ouvriers. Une politique sociale qui n’était pas dénuée d'encadrement moral, souvent confondu avec le respect des règles catholiques. Ce système devait permettre d'atteindre trois objectifs : fidéliser les salariés, les former et désamorcer les [...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire culturelle, conservatrice en bibliothèque, responsable de formations et enseignante au Pôle Métiers du livre de l'université Paris-ouest-Nanterre-La Défense
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
  • : professeur émérite à l'École nationale des chartes, directeur d'études à la IVe section de l'École pratique des hautes études
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Classification

Pour citer cet article

Isabelle ANTONUTTI, Jean-Pierre DRÈGE, Universalis et Henri-Jean MARTIN. IMPRIMERIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Sūtra du Diamant</em>, IX<sup>e</sup> s. - crédits : British Library/ Science Photo Library/ AKG-Images

Sūtra du Diamant, IXe s.

British Library/ Science Photo Library/ AKG-Images

Regiomontanus : Calendarium - crédits : Rosenwald Rare Book Collection/ Library of Congress, Washington, D.C.

Regiomontanus : Calendarium

Rosenwald Rare Book Collection/ Library of Congress, Washington, D.C.

Matrice de l'appareil typographique Garamond - crédits : Connaissances des Arts/ St-Genès/ AKG-images

Matrice de l'appareil typographique Garamond

Connaissances des Arts/ St-Genès/ AKG-images

Autres références

  • IMPRIMERIE À CARACTÈRES MOBILES

    • Écrit par Olivier LAVOISY
    • 197 mots

    En Occident, au milieu du xve siècle, Johann Gensfleisch, dit Gutenberg (entre 1394 et 1400-1468), invente l'imprimerie à caractères mobiles en alliage métallique. L'originalité de sa démarche est de s'appuyer sur des techniques existantes, avec l'aide de collaborateurs qui amènent leurs compétences...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    <it>Vertigo</it> d'Alfred Hitchcock, 1958, affiche de S. Bass - crédits : AKG-images

    L'affiche devient un média privilégié à partir de la seconde moitié du xixe siècle, dans les sociétés qui connaissent la révolution industrielle. Depuis son apparition en tant qu'imprimé, quatre cents ans auparavant, elle a peu évolué, ne bénéficiant pratiquement pas de recherches...

  • ART COLONIAL

    • Écrit par Véronique GERARD-POWELL, Alexis SORNIN
    • 8 370 mots
    • 2 médias
    Puebla (Mexique) - crédits : Sean Sprague/Mexicolore, Bridgeman Images
    L'imprimerie et la gravure sont importées en Inde par les missions religieuses et commerciales dès le xvie siècle, à Goa en 1556, à Bombay en 1674, au Bengale en 1778 et à Tranquebar en 1792. Elles ne connaissent cependant leur plein essor qu'au xixe siècle avec les nouvelles technologies...

  • ARTISANAT

    • Écrit par Denis CHEVALLIER, Universalis, Louis LERETAILLE
    • 7 105 mots
    Les métiers de l'imprimerie et du livre. Ce secteur comprend, comme les autres, de nombreuses spécialistes : lithographe, imprimeur taille-doucier, relieur d'art, doreur sur cuir, restaurateur de reliures anciennes.

  • BASKERVILLE JOHN (1706-1775)

    • Écrit par Michel MARION
    • 412 mots

    Un des plus célèbres typographes anglais du xviiie siècle, John Baskerville ne s'adonna que tardivement à la typographie. Ni son éducation, ni ses débuts dans la vie active ne l'y prédisposaient. Après avoir fait plusieurs métiers, s'être donné une culture d'autodidacte et avoir acquis le...

  • Afficher les 67 références

Voir aussi

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