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SIMENON GEORGES (1903-1989)

Encore des lettres et des chiffres

Un jour, notre homme-Protée se sent assez sûr de lui pour aborder, en les signant enfin de son nom, ce qu'il appelle ses romans “semi-littéraires”, avec l'aide d'un personnage pivot, Maigret. Chez Fayard d'abord (1931-1934), à qui il donne 31 titres en trois ans ; parmi eux, les 9 premiers “romans sans Maigret”, dont Les Fiançailles de M. Hire et La Maison du canal. Parallèlement à cette activité romancière intense, les voyages se succèdent, en Afrique en 1932, en Europe de l'Est en 1933, tout autour du monde en 1935, voyages qui lui fournissent la matière de 32 reportages, mais qui lui inspireront également bon nombre de romans dont l'action se déroulera au Gabon (Le Coup de lune), au Congo belge (Le Blanc à lunettes), en U.R.S.S. (Les Gens d'en face), en Turquie (Les Clients d'Avrenos), au Panamá (Quartier nègre), aux Galápagos (Ceux de la soif), à Tahiti (Touriste de bananes)...

En 1933, Simenon signe un contrat avec Gallimard à qui, en une douzaine d'années, il livrera 56 titres, presque tous des romans psychologiques, parmi lesquels Le Locataire, Les Pitard, Le Testament Donadieu, L'Homme qui regardait passer les trains, Cour d'assises, Les Sœurs Lacroix, Les Inconnus dans la maison, Le Bourgmestre de Furnes, La Veuve Couderc, Le Voyageur de la Toussaint... On doit mentionner ici, de 1938 à 1950, une importante correspondance avec André Gide, qui lui conseillera de transformer un court récit autobiographique, Je me souviens..., en roman à la troisième personne : ce sera le monumental Pedigree, en quelque sorte matrice de l'œuvre entière.

En 1945, Simenon entre dans une nouvelle maison d'édition, que vient de créer son ami Sven Nielsen et à laquelle il restera fidèle jusqu'au bout : les Presses de la Cité. Ici encore, sur 114 œuvres de fiction (dont 52 Maigret) en vingt-six ans, on ne peut citer qu'un choix réduit : Lettre à mon juge, La neige était sale, Les Volets verts, Le Temps d'Anaïs, Le Président, Le Passage de la ligne, Les Anneaux de Bicêtre, Le Petit Saint... De 1945 à 1955, Simenon vit aux États-Unis, qui serviront de cadre à plusieurs de ses romans, comme Trois Chambres à Manhattan, Maigret à New York et Maigret chez le coroner, Un nouveau dans la ville, Feux rouges, L'Horloger d'Everton, La Boule noire ou La Main... En juin 1950, à Reno (Nevada), il divorce d'avec Tigy, pour épouser dès le lendemain sa secrétaire et maîtresse canadienne, avec qui il formera un couple d'abord passionné, puis très vite déchiré, chaotique, et finalement destructeur. Rentré en Europe, Simenon s'installe bientôt en Suisse, havre qu'il ne quittera plus.

En septembre 1972, ayant commencé un nouveau roman, l'écrivain s'arrête au bout de quelques lignes : l'inspiration est tarie et ne reviendra jamais plus. Quittant peu après sa vaste demeure proche de Lausanne, Simenon ne tarde pas à s'installer, en ville, dans la petite maison rose où il finira ses jours.

Le 13 février 1973, pour ses soixante-dix ans, le nouveau retraité s'offre un petit magnétophone et entame ses Dictées : il en enregistrera 21 volumes jusqu'en 1979, un an après le suicide de sa fille Marie-Jo. Puis il va reprendre la plume et, tout au long de l'année 1980, exorciser les souvenirs d'une vie entière en rédigeant ses Mémoires intimes. Cet énorme manuscrit achevé, n'ayant cette fois plus rien à dire, Simenon décide de se taire définitivement.

Au terme d'un minutieux inventaire, on peut avancer les chiffres suivants : en un demi-siècle exactement, Simenon aura signé de son patronyme, outre 25 ouvrages à caractère autobiographique, 192 romans (75 Maigret et 117 “romans durs”) et 155 nouvelles, traduits en cinquante-cinq langues dans quarante-quatre pays et vendus, selon les estimations de l'U.N.E.S.C.O.,[...]

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Écrit par

  • : ancien chef correcteur adjoint de l'Encyclopædia Universalis, correspondant du Centre d'études Simenon de l'université de Liège, Belgique
  • : agrégé de lettres, directeur de publication de la revue Traces (Travaux du centre d'études Georges-Simenon de l'université de Liège)

Classification

Pour citer cet article

Pierre DELIGNY et Michel LEMOINE. SIMENON GEORGES (1903-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Georges Simenon - crédits : Keystone Features/ Getty Images

Georges Simenon

Autres références

  • MONSIEUR GALLET, DÉCÉDÉ, G. Simenon - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 191 mots

    Monsieur Gallet, décédé paraît en 1931, année qui marque une étape décisive dans la vie de Georges Simenon (1903-1989). Celui-ci publie enfin sous son véritable nom, après neuf années passées dans l'ombre à apprendre le métier d'écrivain. De 1922 à 1924, il a fourni aux journaux d'innombrables...

  • LE VOYAGEUR DE LA TOUSSAINT, Georges Simenon - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 942 mots
    • 1 média

    Écrit et publié chez Gallimard en 1941, Le Voyageur de la Toussaint prend place dans une série d'œuvres majeures de Georges Simenon, popularisées pour la plupart par le cinéma : Les Inconnus dans la maison (1940), La Veuve Couderc (1942), La Vérité sur Bébé Donge (1942) ou encore ...

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Dominique RABATÉ
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    L’œuvre pléthorique deGeorges Simenon (1903-1989) incarne ce goût nouveau et lui donne avec le commissaire Maigret, enquêteur peu conventionnel qui se laisse imprégner de l’atmosphère des lieux du crime qu’il doit résoudre, une des figures les plus populaires au cinéma et à la télévision. Simenon...
  • MAIGRET (P. Leconte)

    • Écrit par Christian VIVIANI
    • 1 146 mots

    « C’est lui ! C’est lui ! », se serait exclamé Georges Simenon devant Michel Simon interprétant le rôle du commissaire Maigret dans un court fragment de Brelan d’as (Henri Verneuil, 1952). Ce n’était pas la première fois que l’écrivain réagissait aux incarnations cinématographiques...

  • POLICIER ROMAN

    • Écrit par Claude MESPLÈDE, Jean TULARD
    • 16 394 mots
    • 14 médias
    ...demeure, bien sûr, le commissaire Maigret, policier de la P.J., le pas pesant, la pipe à la bouche, nourri de sandwiches et de bière, tel que l'a imaginé Simenon, et qui fait ses débuts dans Pietr le Letton, en 1931, un an après la mort de Conan Doyle. Point de raisonnement, de déduction savante chez Maigret,...
  • ROMAN - Essai de typologie

    • Écrit par Jean CABRIÈS
    • 5 909 mots
    • 5 médias
    Tel est du moins le statut du roman policier jusqu'aux années 1930, car l'apparition de Georges Simenon va en inverser les données : le policier intelligent n'est plus le détective privé, mais un commissaire divisionnaire qui résume toutes les qualités de la moyenne bourgeoisie : lucidité mais bonté,...

Voir aussi