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GAMME

Vers la plus grande généralisation possible

Il ressort de tout ce qui précède que l'évolution des modes et des gammes se traduit par un effort constant pour donner à l'ensemble des fréquences audibles une sorte de statut qui permette de choisir, l'une étant prise comme fréquence de base, celles qui serviront ensuite à faire véritablement de la musique. De ce point de vue, le système tempéré occidental est un immense succès puisqu'on lui doit, depuis Bach, une grande quantité de chefs-d'œuvre. Il est possible, toutefois, que ce système ne dure pas plus que ceux qui l'ont précédé. Les moyens électroniques, notamment, permettent d'imaginer d'autres divisions de l'espace sonore. Ainsi, suivant en cela l'exemple d'Euler, on pourrait choisir pour logarithmes, non plus la base 12 √2, mais une base qui serait la plus « générale » possible, soit np. De cette façon, p représenterait l'intervalle destiné à être divisé en n parties égales. Cette proposition n'est pas une vue de l'esprit. Dans son Étude I de musique électronique, Karlheinz Stockhausen a choisi la base 28 √5, étendant par là le tempérament à la division en vingt-huit parties égales de l'intervalle existant entre un son fondamental et son cinquième harmonique.

Partant de la notion de mode, c'est-à-dire de la division de l'octave en parties inégales, la gamme tend, de nos jours, à rejoindre la notion d'échelle (dont la gamme chromatique est la forme la plus usuelle), qui serait une division en parties égales de l'espace sonore.

Quoique employée sans discussion par presque tous les musiciens, la gamme tempérée n'est pas encore, pour autant, admise par tous les théoriciens. On peut encore discuter longtemps des mérites respectifs des différentes gammes qui ont été présentées ici, et si certains esprits éminents prônent ceux de la gamme de Pythagore, d'autres recherchent de nouveaux compromis (comme la gamme à trente et un degrés). On a cru constater, par exemple, qu'un violoniste non accompagné par le piano (le piano étant l'instrument tempéré par excellence) joue dans la gamme de Pythagore. Il y aurait alors deux explications à ce phénomène : ou bien la gamme de Pythagore serait une gamme « instinctive » et, par conséquent, la meilleure de toutes, ou bien, le violon étant un instrument accordé par quintes, il serait tout à fait normal que les violonistes jouent naturellement dans une gamme qui est obtenue par une juxtaposition de quintes. On est, en réalité, dans un domaine où, plus qu'en tout autre, le mouvement se prouve en marchant. La gamme de Pythagore est la meilleure des gammes puisque Bach a composé les Suites pour violon seul, mais la gamme tempérée est aussi la meilleure puisque le Clavier bien tempéré existe également.

Depuis le début du xxe siècle, de nombreux compositeurs utilisent des intervalles plus petits que le demi-ton. Les pionniers en la matière furent Julián Carillo, Aloys Haba et Ivan Vychnegradsky. Avec les musiques dites concrètes, électroniques ou électro-acoustiques, les diverses théories sur la constitution des gammes se trouvent naturellement négligées.

En revanche, les historiens et musicologues se livrent encore parfois quelques combats au sujet de ce que l'on doit penser des théories anciennes et, surtout, de la manière dont elles étaient mises en pratique. De même, après plusieurs siècles de considérations parfois hasardeuses, l'ethnomusicologie s'étant enrichie de cet instrument de travail efficace qu'est la technique de l'enregistrement sonore, fit des progrès considérables et nous avons de nouvelles lumières sur les diverses gammes folkloriques ou non européennes.

En ce qui concerne le tempérament égal, toujours sujet à discussion, une thèse séduisante[...]

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Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

Classification

Pour citer cet article

Michel PHILIPPOT. GAMME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ATONALITÉ

    • Écrit par Juliette GARRIGUES, Michel PHILIPPOT
    • 4 382 mots
    • 9 médias

    C'est dans les premières années du xxe siècle, et surtout à partir de 1912 (année de la première audition du Pierrot lunaire d'Arnold Schönberg), que l'on commença à parler de musique « atonale » et, par extension, de ce qui devait être considéré, à tort, comme une technique...

  • BÉCARRE, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 163 mots

    Signe musical ♮ qui, placé devant une note, annule l'altération qui l'affectait, dièse ou bémol, que cette altération soit passagère (valable pour la seule mesure), ou constitutive (prévue pour tout un morceau par l'ensemble des altérations notées en début de portée, que l'on nomme armature). On...

  • DIAPASON

    • Écrit par Jacques CHAILLEY
    • 2 736 mots
    ...absolue, ils conservèrent les syllabes pour la seule hauteur relative : un la anglais n'est donc pas 435 ou 440 hertz, c'est le 6e degré de la gamme majeure, quelle qu'en soit la tonique. Cette adaptation moderne du système ancien, appelée tonic sol-fa, fut mise au point vers 1850 par John...
  • INTERVALLE, musique

    • Écrit par Sophie COMET
    • 1 021 mots

    Un intervalle est la distance qui sépare deux sons différents.

    Le plus petit intervalle du système tempéré est le demi-ton : mi-fa, si-do, sol dièse-la, ré-mi bémol... Un demi-ton est chromatique s'il est formé de deux notes de même nom (do-do dièse, la-la bémol, si bémol-si bécarre)...

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Voir aussi