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KUMMER ERNST EDUARD (1810-1893)

Les « nombres idéaux »

C'est de 1837 qu'est daté le premier mémoire de Kummer sur le grand théorème de Fermat, concernant l'impossibilité de l'équation xm + ym = zm dans l'anneau Z des entiers dès que m est supérieur à 2. Kummer fut ainsi amené, comme plusieurs autres chercheurs contemporains, à s'intéresser aux anneaux cyclotomiques, ou, suivant son langage, « aux nombres complexes formés par des nombres entiers et des racines de l'unité », nombres complexes de la forme :

où les ai sont entiers relatifs et où ξ est une racine primitive de ξ n = 1. Le cas le plus simple est celui des nombres de Gauss a + bi, a et b entiers relatifs. Kummer crut un moment avoir démontré le théorème de Fermat, grâce à cette extension du concept de nombre entier. Mais son ami Dirichlet, à qui il soumit son manuscrit, vers 1843, lui signala un point faible dans sa démonstration : si la décomposition d'un nombre en ses facteurs premiers est unique dans l'anneau Z des entiers et dans l'anneau de Gauss, il n'en est pas toujours de même dans les anneaux cyclotomiques.

Des tentatives analogues à celle de Kummer avaient été faites en France ; Cauchy lui-même s'était attaqué, sans résultat, à ce problème. Joseph Liouville avait apporté à une preuve de Gabriel Lamé une critique analogue à celle que Dirichlet faisait à Kummer. Celui-ci lui écrivit de Breslau, le 28 avril 1847, en lui envoyant ses propres travaux de 1845, où la difficulté était enfin, partiellement, vaincue : « Quant à la proposition qu'un nombre complexe ne peut être décomposé en facteurs premiers que d'une seule manière, je puis vous assurer qu'elle n'a pas lieu généralement tant qu'il s'agit des nombres complexes de la forme :

mais qu'on peut la sauver en introduisant un nouveau genre de nombres complexes, que j'ai nommé nombre complexe idéal. Les applications de cette théorie à la démonstration du théorème de Fermat m'ont occupé depuis longtemps et j'ai réussi à faire dépendre l'impossibilité de l'équation de deux propriétés d'un nombre premier, en sorte qu'il ne reste plus qu'à rechercher si elles appartiennent à tous les nombres premiers. » Kummer ne put réaliser cette dernière partie de son programme. Il pensa avoir réussi à prouver que l'ensemble des nombres premiers qui avaient les propriétés requises était infini, mais il semble bien qu'il n'en soit rien.

L'Académie des sciences de Paris avait proposé plusieurs fois, depuis 1823, la démonstration du théorème de Fermat pour son grand prix de mathématiques. Comme elle ne trouvait jamais un mémoire digne de la médaille d'or, elle l'attribua, en 1857, à Kummer, « pour ses belles recherches sur les nombres complexes », bien qu'il n'eût jamais concouru.

Les nombres idéaux, d'un maniement technique délicat, ont donné naissance à la théorie des « idéaux », créée par R. Dedekind vers 1870, qui joue un rôle essentiel dans toutes les branches des mathématiques (cf. théorie des nombres – Nombres algébriques).

Signalons encore, parmi les travaux de Kummer en théorie des nombres, ses études sur la loi de réciprocité pour le degré 4 et les degrés supérieurs.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences

Classification

Pour citer cet article

Jean ITARD. KUMMER ERNST EDUARD (1810-1893) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    ...de l'anneau Z des entiers rationnels, ce qui s'explique, dans le langage moderne, par le fait que ces deux anneaux sont principaux. Les travaux de Kummer sur le théorème de Fermat allaient faire apparaître des anneaux pour lesquels la situation est souvent très différente ; il s'agit des anneaux...
  • DEDEKIND RICHARD (1831-1916)

    • Écrit par Jean DIEUDONNÉ
    • 2 064 mots
    ...extension n'était pas possible, et, au début du xixe siècle, aucune solution générale de ces problèmes n'était en vue. Le pas décisif fut fait par Kummer en 1847, pour l'anneau Am engendré par les racines m-ièmes de l'unité (m entier arbitraire) ; en introduisant, à côté des éléments...
  • DIOPHANTIENNES ÉQUATIONS

    • Écrit par Jean-Louis COLLIOT-THÉLÈNE, Marcel DAVID, Universalis
    • 6 121 mots
    • 1 média
    ...deuxième cas du théorème », on montre qu'il n'y a pas de solution dont l'un des nombres soit multiple de n. Cette étude générale fut entreprise par Kummer en 1844 et utilise le corps Q (ρ) des nombres algébriques de degré (n − 1) définis par l'équation ρn − 1 = 0. En effet, si α...
  • FERMAT PIERRE DE (1601-1665)

    • Écrit par Universalis, Catherine GOLDSTEIN, Jean ITARD
    • 4 103 mots
    ...l'École polytechnique apparurent des mathématiciens professionnels, chercheurs et enseignants, de plus en plus spécialisés. Les effets furent rapides : vers 1850, Ernst Eduard Kummer, professeur à l'université de Breslau (avant de devenir une des grandes personnalités de l'université de Berlin) démontra...

Voir aussi