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ALBIGEOIS (CROISADE CONTRE LES)

Le terme « albigeois » a servi, dès le milieu du xiie siècle, à désigner les hérétiques du Languedoc, bien que l'Albigeois ne paraisse pas, aux yeux des historiens modernes (qui ont continué à user de cette appellation devenue traditionnelle), avoir été le principal foyer de l' hérésie. Dès 1146, Geoffroy d'Auxerre signale que le populus civitatis albigensis est infesté par l'hérésie. Le concile de Tours en 1163 parle des hérétiques albigeois (haeretici albigenses) et en 1183, Geoffroy de Vigeois nomme albigeois les hérétiques combattus en 1181 par le légat Henri d'Albano avant le siège de Lavaur. Pierre des Vaux-de-Cernay nomme le récit de la croisade à laquelle il a participé Historia Albigensis. Et dans le prologue de sa chronique écrite entre 1250 en 1275, Guillaume de Puylaurens dit que son œuvre est « l'histoire de l'affaire vulgairement appelée albigeoise par les Français, car elle a eu pour théâtre la Narbonnaise et les diocèses de Narbonne, Albi, Rodez, Cahors et Agen ». Certains contemporains ont fondé sur un jeu de mots philologique (Albigenses = Albanenses ; Albigeois = Albanais) un rapprochement soulignant l'influence des hérétiques balkaniques sur les hérétiques languedociens.

La croisade contre les albigeois, prêchée par le pape Innocent III contre les hérétiques cathares et vaudois du Languedoc (terme qui n'apparaît qu'à la fin du xiiie siècle dans l'administration royale) et contre les seigneurs et villes qui les soutenaient, a duré de 1209 à 1229. Elle a été menée d'abord par des seigneurs de la France du Nord avec des armées internationales, puis par le roi de France Louis VIII en 1226 et officiellement terminée par le traité de Meaux-Paris (1229) entre le roi de France (Saint Louis enfant sous la régence de Blanche de Castille) et le comte de Toulouse Raimond VII.

Son importance tient d'abord au fait qu'elle est la première extension de la croisade en une lutte armée contre des hérétiques, à l'intérieur de la chrétienté. Outre cette signification religieuse et idéologique, elle a eu une grande portée pour l'histoire de l'unité française : elle a entraîné le rattachement effectif de la France du Midi à la France du Nord et elle a créé ou consacré, au sein de cette unification, des disparités économiques, sociales, politiques, culturelles, psychologiques, dont le retentissement est encore sensible aujourd'hui.

Antécédents de la croisade

Depuis le milieu du xiie siècle, l'hérésie dualiste appelée catharisme par les historiens avait pris, comme en Italie du Nord, une extension de plus en plus grande dans le midi de la France où s'était tenu, en 1176, à Saint-Félix de Caraman, près de Toulouse, un concile qui avait précisé l'organisation du culte et d'une véritable Église cathares.

Des réformateurs catholiques, adeptes de la pauvreté, les Vaudois, déclarés hérétiques par la papauté en 1184, prirent aussi de l'importance dans ces régions et, bien qu'ils fussent très hostiles aux cathares et que les théologiens orthodoxes documentés, comme Alain de Lille, les distinguassent soigneusement, la papauté et l'Église eurent de plus en plus tendance à les englober dans une même détestation.

La lutte entreprise par l'Église contre ces hérétiques, avec des moyens traditionnels ou pacifiques, ne connut que des déboires jusqu'au début du xiiie siècle. La prédication habituelle animée surtout par des cisterciens – saint Bernard en tête qui prêcha à Albi en 1145 – fut un échec complet. En 1181, l'abbé de Clairvaux, Henri, cardinal d'Albano, avait conduit contre la ville de Lavaur une expédition militaire sans lendemain. À partir de 1206, les efforts de l'évêque espagnol Diego d'Osma et de son collaborateur le chanoine Dominique de Caleruega,[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Jacques LE GOFF. ALBIGEOIS (CROISADE CONTRE LES) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209 - crédits : British Library/ AKG-images

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

Autres références

  • CARCASSONNE

    • Écrit par Régis KEERLE, Laurent VIALA
    • 946 mots
    • 4 médias

    La ville de Carcassonne, chef-lieu de l'Aude, rayonne bien au-delà de sa région. Témoignage monumental de son passé médiéval, la Cité (la ville haute) a été inscrite en 1997 par l'U.N.E.S.C.O. au Patrimoine mondial de l'humanité, un an après le canal du Midi qui traverse la commune. Devenue pièce maîtresse...

  • CATHARES

    • Écrit par Christine THOUZELLIER
    • 6 763 mots
    • 2 médias
    ...Languedoc comme en Lombardie ; envois de commissions apostoliques ; efforts de dissuasion. Tout cela aboutit en Languedoc à l'entreprise de la croisade albigeoise, qui, victorieuse par les armes, recouvre en fait un échec religieux. Pour triompher des cathares, Rome crée l' Inquisition, avec l'aide des...
  • DOMINICAINS

    • Écrit par André DUVAL
    • 3 390 mots
    • 3 médias
    L'initiative du fondateur s'appuie sur une expérience de prédication, inaugurée neuf ans plus tôt, en pays albigeois. Traversant le midi de la France, l'évêque castillan d'Osma et le sous-prieur de son chapitre, Dominique de Caleruega, s'étaient joints en effet en 1206 au groupe d'abbés ...
  • DOMINIQUE saint (1170 env.-1221)

    • Écrit par Sebastian BULLOUGH
    • 826 mots

    Fondateur de l'ordre des Frères prêcheurs (Dominicains), Domingo de Guzmán est né vers 1170 à Caleruega (Castille), dans une famille noble. Il étudie la théologie à Palencia. Vers 1196, il entre comme chanoine dans le chapitre du diocèse d'Osma, dont il devient le sous-prieur quelques années plus tard....

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Voir aussi