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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Mitterrand (1981-1995)

L'année 1981 marque un tournant dans l'histoire de la Ve République : la gauche accède au pouvoir après vingt-trois ans dans l'opposition. Elle va utiliser à son profit tous les ressorts d'une Constitution qu'elle rejetait à l'origine, finissant ainsi de légitimer les institutions nées du pouvoir gaulliste.

Les deux septennats de François Mitterrand sont marqués par des alternances au gouvernement, puisque la France va connaître par deux fois, de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995, une cohabitation entre un président de gauche et un Premier ministre de droite. Chaque septennat se termine donc par une cohabitation de deux ans. Autrement dit, la confiance de l'électorat pour une force politique n'est pas pérenne. La période voit se développer régulièrement des votes de sanction de l'équipe au pouvoir.

Le premier septennat : de l'espoir de changement au désaveu

Le président Mitterrand entre en fonction le 21 mai 1981. Il met son septennat sous les auspices des grands ancêtres qu'il va honorer au Panthéon : Jean Jaurès, inspirateur du socialisme, Jean Moulin, symbole de la Résistance, et Victor Schoelcher, qui abolit l'esclavage, symbole des idéaux universalistes et de l'égalité entre les humains. Dès le 22 mai, il nomme un Premier ministre, Pierre Mauroy, maire de Lille, qui semble capable de faire travailler ensemble les différentes tendances du Parti socialiste. Comme il l'avait annoncé, il dissout l'Assemblée nationale, des élections législatives ont lieu en juin de manière à donner au nouveau pouvoir une majorité parlementaire pour mettre en œuvre le programme du nouveau président, élu sur la base de 110 propositions. Le gouvernement Mauroy annonce d'ailleurs à quelques jours des élections des mesures susceptibles de favoriser le succès électoral : augmentation de 10 p. 100 du S.M.I.C., revalorisation des allocations familiales et de l'allocation logement, annonce de la création d'un nombre important d'emplois publics. La droite battue est très divisée entre partisans de Jacques Chirac et de l'ex-président Giscard d'Estaing, les seconds accusant les premiers d'avoir contribué à sa défaite ; elle réussit pourtant à s'unir pour aller au scrutin sous l'étiquette U.N.M., Union pour une nouvelle majorité. Des candidats uniques sont désignés dans de très nombreuses circonscriptions, les primaires internes à la droite étant limitées à 88. À gauche, socialistes et communistes adoptent un accord électoral classique (sur la base de divergences reconnues) : chaque parti présente un candidat, mais celui qui aura obtenu le plus de voix au premier tour bénéficiera d'un désistement automatique de l'autre tendance pour le second tour.

François Mitterrand, 1981 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

François Mitterrand, 1981

Pierre Mauroy, Premier ministre français de 1981 à 1984 - crédits : Francis Apesteguy/ Getty Images

Pierre Mauroy, Premier ministre français de 1981 à 1984

Dès le premier tour, le 14 juin 1981, les caractéristiques de ce scrutin sont très claires. L'abstention est très élevée (29,1 p. 100) ; un nombre important d'électeurs de droite et du centre, estimant qu'il fallait laisser sa chance au nouveau pouvoir, ne s'est pas rendu aux urnes. Si le P.C.F. fait un score très voisin de celui de l'élection présidentielle, les candidats socialistes obtiennent près de 38 p. 100 des suffrages exprimés. Au total, la gauche est très largement majoritaire dans le pays. Le deuxième tour tempère à peine le raz de marée socialiste : le P.S. et le M.R.G., avec 285 élus, obtiennent largement, à eux seuls, la majorité absolue (alors de 246 sièges sur 491). Le P.C.F. n'a plus que 44 députés (contre 86 auparavant) ; le RPR, 88 (contre 155) ; l'U.D.F., 62 (contre 119). Pierre Mauroy remanie son gouvernement : quatre ministres communistes y font leur entrée, promettant une solidarité sans faille au gouvernement.

Des réformes très importantes

Élu pour mettre en œuvre un changement politique d'envergure, le président[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRÉCHON. CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Mitterrand (1981-1995) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pierre Bérégovoy et Édith Cresson - crédits : Pool Bassignac/ BUU/ Hires/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Pierre Bérégovoy et Édith Cresson

Édouard Balladur - crédits : Jean-Michel Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur

Édith Cresson et François Mitterrand - crédits : Pool Merillon/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édith Cresson et François Mitterrand

Autres références

  • ASSEMBLÉE NATIONALE (France - Ve République)

    • Écrit par Arnaud LE PILLOUER
    • 5 795 mots
    • 2 médias

    L’Assemblée nationale est l’une des deux chambres composant le Parlement français, sous la Ve République, l’autre étant le Sénat.

    Cette dénomination provient du tout début de la Révolution française, lorsque les députés du tiers état, rejetant la division de la société en ordres,...

  • CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par Arnaud LE PILLOUER
    • 3 433 mots
    • 4 médias

    Contrairement à une opinion dominante, le texte constitutionnel de 1958 a en partie seulement été inspiré par les idées du général de Gaulle. Certes, rappelé au pouvoir à la suite des événements du 13 mai 1958 et apparaissant aux yeux de tous comme l'unique recours, il a été en mesure d'imposer...

  • PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par Wanda MASTOR
    • 208 mots
    • 1 média

    Adoptée par référendum le 28 septembre et promulguée le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République a pu être présentée au départ comme consacrant un régime parlementaire. Les critères permettant habituellement d'identifier un tel régime sont bien réunis : exécutif bicéphale,...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...est investi par l'Assemblée nationale. De Gaulle se rend à Alger dès le 4 juin et lance le fameux : « Je vous ai compris. » La IVe République se meurt. Le 28 septembre 1958, en Algérie, Européens et musulmans (dont les femmes), réunis en un collège unique, votent massivement en faveur de la Constitution...
  • BÉRÉGOVOY PIERRE (1925-1993)

    • Écrit par Christian SAUVAGE
    • 1 071 mots
    • 1 média

    Homme politique français. Pierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Son père, un « Russe blanc », capitaine du tsar et menchevik, tient un café-épicerie. À cinq ans, l'enfant est confié à sa grand-mère, qui l'éduquera. Bon élève, il obtient le brevet élémentaire...

  • BICAMÉRISME ou BICAMÉRALISME

    • Écrit par Raymond FERRETTI
    • 5 328 mots
    • 2 médias
    Notons que c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui, puisque le Sénat de laVe République est élu par un collège électoral constitué au niveau départemental et composé de représentants de l'ensemble des collectivités territoriales : les communes bien sûr, mais aussi les départements et les régions...
  • BORNE ÉLISABETH (1961- )

    • Écrit par Universalis, Blaise MAGNIN
    • 1 314 mots
    • 2 médias

    Haute fonctionnaire et femme politique française, Élisabeth Borne a été Première ministre du président Emmanuel Macron de mai 2022 à janvier 2024. Après Édith Cresson, elle est la deuxième femme à diriger un gouvernement français.

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Voir aussi