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BIEN, philosophie

La vie bonne

Martha Nussbaum - crédits : Roberto Serra - Iguana Press/ Getty

Martha Nussbaum

Une autre forme du bien humain est la vie bonne. La notion de vie bonne figure aujourd'hui parmi les concepts les plus utilisés par les philosophes, et même par le grand public. On la trouve défendue chez des philosophes comme Philippa Foot (Virtues and Vices, 1978) et Martha Nussbaum (The Fragility of Goodness, 1986).

La « vie bonne » représente d'abord la vie heureuse, accomplie, réussie. La notion d'épanouissement humain s'oppose d'abord à la définition subjective du bonheur comme satisfaction justifiée. Mais elle est aussi conceptuellement distincte d'une conception objective du bonheur, définie en fonction de biens objectifs ou substantiels. La vie bonne est un mode d'être, une norme de l'humain, à prétentions objectives, définie à partir d'activités intrinsèquement bonnes, elle désigne le développement des talents ou encore des perfections. Bonheur et épanouissement humain renvoient à deux catégories ontologiques différentes. Dans le premier cas, il s'agit d'une attitude de l'esprit, dans le second, celui de l'épanouissement, d'un mode de vie. Le concept de vie bonne se définit par la possession, la poursuite ou l'exercice des biens (qu'il s'agisse de la contemplation, de la richesse, de la sagesse ou de la vertu), tandis que le bonheur est défini par les états mentaux que procure la possession de ces biens.

Les théories contemporaines de la vie bonne sont des théories substantielles et normatives qui engagent de nombreuses affirmations éthiques. Elles se présentent comme une théorie normative du bien humain, fondée sur une conception de l'homme dont le développement serait défini objectivement, indépendamment des désirs et attitudes, et où les raisons d'agir seraient relatives à ce qui est requis pour l'épanouissement de l'individu.

Plusieurs objections peuvent être adressées à cette conception du bien humain. D'abord, on conçoit difficilement que les énoncés et propositions relatifs à « ce qui est requis pour l'épanouissement de l'être humain » puissent se traduire en termes de devoir et d'obligations à respecter, et ainsi fonder nos devoirs relatifs à autrui. De plus, comment justifier le devoir qui serait le nôtre de veiller à notre accomplissement ? Même en admettant que nous ayons des devoirs à l'égard de nous-même, pourquoi aurions-nous, d'abord et principalement, celui de nous « épanouir » ? Ensuite, la prétention à l'objectivité de la notion d'épanouissement se fonde sur une définition du bien humain, conçue de manière substantielle comme un « bon fonctionnement humain ». Le concept d'épanouissement repose tout de même sur une forme d'essentialisme appuyée sur une conception culturellement déterminée de l'homme et qui fait implicitement l'hypothèse d'une nature humaine immuable. La conception du bien humain comme vie bonne est contestable ; elle engage une philosophie de la psychologie et une théorie de la rationalité pratique qui restent à justifier.

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Pour citer cet article

Monique CANTO-SPERBER. BIEN, philosophie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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