Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

COMTE AUGUSTE (1798-1857)

Auguste Comte - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Auguste Comte

En ouvrant la conclusion totale du Système de politique positive, Auguste Comte distingue dans sa vie intellectuelle deux carrières. Dans la première, qui correspond à peu près à l'élaboration du Cours de philosophie positive, il s'est efforcé de transformer la science en philosophie. Dans la seconde, il a travaillé à transformer la philosophie en religion. Le lien serait fourni par le Cours de 1847. La seconde phase aurait été entraînée par la régénération morale du penseur « sous la sainte influence de Mme de Vaux ». L'année 1845, « l'année incomparable », aurait donc été déterminante pour l'accomplissement de l'œuvre.

Voilà un jugement très juste dans l'ensemble : Comte se fait remarquer plutôt par un excès que par un défaut de conscience de soi. Il faut pourtant le reprendre dans le détail, le nuancer. Les lettres de jeunesse à Valat nous montrent que dès 1822 les thèmes de l'utilité sociale, de l'altruisme, d'une réforme religieuse se présentaient à l'esprit de Comte. Le grand amour, pur et désintéressé, qu'il éprouva pour Clotilde de Vaux lui a sans doute – et en ceci il n'est pas très différent de tant de « grandes passions » romantiques – servi de moyen pour réaliser un dessein depuis longtemps formé, ou, au moins, esquissé. Mais l'œuvre dérive d'un projet unique conçu au début de la vie et poursuivi patiemment durant huit lustres.

Cela dit, il faut bien reconnaître que ce projet présente deux caractères essentiels : il est philosophique et il est religieux.

Il est philosophique en premier lieu parce qu'il veut réduire une totalité, la totalité des connaissances humaines, à l'unité. Ainsi la philosophie positive se présentera comme un système encyclopédique. C'est là une grande nouveauté. Sans doute l'encyclopédisme définit bien des tâches assumées par le xviiie siècle. Sans doute aussi la méditation de Condillac avait-elle enraciné dans la philosophie la notion de système. Mais les rejetons du condillacisme paraissent « métaphysiques » aux yeux de Comte. Ce dernier ne vise pas du tout à définir la cohérence formelle d'une pensée hypothétique, il vise à organiser le savoir positif, c'est-à-dire les connaissances réellement acquises. Un savoir positif se reconnaît à deux traits : d'une part il naît d'une expérience ; d'autre part il la décrit en éliminant les abstractions sans contenu, comme substance ou cause, en utilisant seulement des lois, c'est-à-dire des relations constamment observables dans les faits. C'est le sens d'une expression qui revient souvent sous la plume de Comte et qui apparaît dès le début de la correspondance avec Valat : « La seule vérité absolue, c'est que tout est relatif. »

On voit par là que, si le Cours de philosophie positive contient bien une philosophie des sciences, cette philosophie n'est pas du tout un scientisme. Bien plus ! il arrive à Comte de critiquer certaines pratiques scientifiques non conformes à l'idéal positiviste. Il ne s'agit pas de trouver dans les propositions de la science des allégations absolues. Le système interprète la science en la relativisant, sans lui faire perdre sa densité.

Le comtisme est philosophique en un second sens parce qu'il s'offre comme un système réflexif. La réflexion n'est pas ici le fait d'une pensée individuelle qui revient sur elle-même : le cogito cartésien s'était affadi au xixe siècle en introspection, cette introspection que Comte attaquait chez Maine de Biran ou plutôt chez Victor Cousin : « On ne peut pas se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue. » Autrement dit, il y a contradiction à parler d'un sujet-objet. Mais la société est capable de former un savoir sur elle-même afin de se contrôler.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Bernard GUILLEMAIN. COMTE AUGUSTE (1798-1857) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Auguste Comte - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Auguste Comte

Autres références

  • COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE, Auguste Comte - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 926 mots
    • 1 média

    Le Cours se situe dans la seconde des trois grandes périodes que traditionnellement la postérité voit dans la production d'Auguste Comte (1798-1857), juste entre les Opuscules (1820-1826) et le Système de politique positive (1851-1854). D'abord professé à partir d'avril 1826 à son domicile,...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    ...substance. Or nous ne disposons que des informations fournies par l'expérience. Dès lors, et c'est la conviction du fondateur du positivisme, Auguste Comte : « nos études réelles sont strictement circonscrites à l'analyse des phénomènes pour découvrir leurs lois effectives, c'est-à-dire leurs...
  • CONSENSUS

    • Écrit par André AKOUN
    • 2 723 mots
    Ainsi Auguste Comte comme Émile Durkheim pensent que toute société est, par nature, fondée sur le consensus, expression et condition de l'unité de la conscience collective. Pour eux, les conflits ne sont pas le ressort caché de l'histoire ; ils sont le symptôme d'un dérèglement qui naît de...
  • DURKHEIM (ÉCOLE DE)

    • Écrit par Claude JAVEAU
    • 2 538 mots
    ...s'est assigné la tâche de créer la science sociologique, avec ses propres objets, sa méthodologie et ses modèles explicatifs. Philosophe de formation, il se situe dans la lignée positiviste de Comte (1798-1857), l'inventeur du mot sociologie. Le positivisme ne s'intéresse ni aux causes premières...
  • ÉPISTÉMOLOGIE

    • Écrit par Gilles Gaston GRANGER
    • 13 112 mots
    • 4 médias
    ...seulement dégager des formes, mais encore décrire des contenus a priori de la pensée scientifique. En un autre sens encore, l'épistémologie positiviste d' Auguste Comte et de ses émules, au milieu du xixe siècle, est essentiellement post-kantienne. D'une part, elle met en vedette le caractère « phénoménal...
  • Afficher les 30 références

Voir aussi