Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SOCIÉTÉ

Les hommes vivent en société. Or, lorsqu'il s'agit de le définir, cet espace familier, dans lequel s'inscrivent toutes leurs pratiques – individuelles ou collectives –, et toutes leurs représentations, révèle une opacité inattendue.

L'analyse sociologique construit des niveaux de réalité sociale, des systèmes de relations : ordre du politique, de l'économique, du religieux ou, plus généralement, du culturel. Se voulant plus proche des faits, elle étudie, d'autre part, les groupes et les groupements (familles, clans, classes, ethnies, etc.), êtres collectifs qui ont les apparences, la cohésion et les contraintes de sous-sociétés dans la société, et qui posent, à leur échelle, le mystère du serment qui les constitue et les unifie. Mais réseaux de relations, niveaux structurés, groupes, tous ces objets sociologiques s'inscrivent dans une totalité particulière – la société globale –, unité concrète que les sujets découvrent dans l'intensité même des relations qui les unissent et les opposent à ceux qu'elles ne rassemblent pas, ordre ultime du sens, qui donne à chacun l'identité de son appartenance à l'un.

Doit-on chercher du côté du sujet la raison et le moyen de cette unité ? Il apparaît bien que, dans leur multiplicité, les conduites, les pratiques sociales, les appartenances à divers groupements – famille, classe, ethnie –, sont en quelque sorte nouées dans et par l'agent social qui « traverse » les différentes couches et régions du social sans pouvoir être assigné exclusivement à l'une d'elles.

On ne saurait cependant réduire la société à n'être que le lieu où s'entrecroisent les volontés et les pratiques de sujets définis en dehors d'elle.

La société comme totalité

Le mystère que représente l'unité du social a été exposé par Cornélius Castoriadis dans L'Institution imaginaire de la société. « Qu'est-ce qui fait, se demande-t-il, que la société « tient ensemble », que les règles (juridiques ou morales) qui ordonnent le comportement des adultes sont cohérentes avec les motivations de ceux-ci, qu'elles sont non seulement compatibles, mais profondément et mystérieusement apparentées au mode de travail et de production, que tout cela à son tour correspond à la structure familiale, au mode d'allaitement, de sevrage, d'éducation des enfants, qu'il y a une structure finalement définie de la personnalité humaine dans cette culture, que cette culture comporte ses névroses et pas d'autres, et que tout cela se coordonne avec une vision du monde, une religion, telles façons de manger et de danser ? »

Sans doute, le sociologue qui étudie la société globale voit-il en elle le phénomène social à la fois le plus vaste et le plus doté de réalité, un tout organique original à l'existence duquel concourt l'ensemble des institutions, des croyances, des comportements, qui constituent la chaîne et la trame de la vie collective ? Mais peut-on ainsi penser la société comme un tout organique, c'est-à-dire comme une totalité réelle ? Existe-t-il, autrement que par l'arbitraire d'un acte épistémologique, une seule société globale dont on pourrait définir avec précision les frontières à la fois spatiales, historiques, culturelles et symboliques ?

La notion de tout organique a un sens lorsqu'elle s'inscrit dans l'espace de la philosophie hégélienne qui, en vérité, ne connaît qu'un seul tout, l'Esprit, dont le devenir historique implique le parcours de différentes figures, de différents moments, qui sont autant de types de sociétés (monde grec, monde romain, etc.), jusqu'à l'achèvement dans la société ultime où il se possède lui-même, dans le « savoir absolu ». Mais ces types de sociétés ne sont des totalités que dans la mesure où ce sont toujours[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite, université de Paris-V-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

André AKOUN. SOCIÉTÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANOMIE

    • Écrit par Raymond BOUDON
    • 4 002 mots
    • 1 média
    ...travail et le premier chapitre de ce livre à la division du travail anomique. L'idée générale de la théorie de Durkheim consiste dans l'affirmation que les sociétés évoluent d'un type de solidarité mécanique à un type de solidarité organique. Dans le premier cas, les éléments qui composent la société sont...
  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    ...reconnu leur dette vis-à-vis de Durkheim : ce qui importe, ce sont moins les traits particuliers d'une culture que la fonction qu'ils remplissent dans la société. La culture renvoyant aux coutumes ou aux productions, et la société aux relations sociales, E. E. Evans-Pritchard illustre ainsi la fameuse...
  • ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 849 mots
    • 3 médias

    L’anarchie en tant que pensée politique émergea vers le milieu du xixe siècle, en même temps que l’anthropologie sociale (ou ethnologie), laquelle fut d’abord livresque, avant de se pratiquer sur le terrain à partir de la fin du même siècle. Pourtant, ces deux domaines, malgré quelques pionniers,...

  • NUMÉRIQUE, anthropologie

    • Écrit par Julien BONHOMME
    • 1 440 mots

    Alors que les micro-ordinateurs remontent aux années 1970 et l’essor d’Internet aux années 1990, c’est au cours de la décennie suivante que l’anthropologie du numérique acquiert sa légitimité au sein de la discipline. Contrairement aux essais sur la « révolution numérique » qui spéculent sur la rupture...

  • Afficher les 83 références

Voir aussi