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ANALOGIE

Analogie et connaissance scientifique

Une équivalence partielle

Dans son acception ancienne, venue des mathématiques, l'analogie était une identité de proportions, de rapports. Si a/b = c/d, on peut dire que a est à b ce que c est à d. Ainsi, deux objets dont certaines dimensions homologues sont dans le même rapport peuvent être dits, en vertu de cette définition, analogues. Le fait que les grandeurs à comparer doivent être homologues n'est pas sans importance. L'idée d' homologie impose que l'on ne mette en correspondance, par leurs dimensions, que des parties qui jouent, dans les objets auxquels elles appartiennent, des rôles équivalents. Par exemple, un rectangle et un triangle ne peuvent pas être dits analogues, même si le rapport de certaines de leurs dimensions prises deux à deux est identique. En revanche, deux rectangles dont le rapport longueur/largeur est le même sont analogues dans le cadre de cette première définition de l'analogie. On dit même dans ce cas, étendu à chaque type de figure géométrique, que les figures considérées sont semblables.

Limitée d'abord à cette définition mathématique, la signification du concept d'analogie a évolué au cours du temps, dans le sens d'un assouplissement vis-à-vis des contraintes géométriques et métriques initiales. Mais le contenu sous-jacent, exprimé par les mots qu'on a dû employer ici pour préciser la première définition (homologue, équivalent, semblable), a subsisté. On y retrouve essentiellement l'idée de ressemblance, qui implique elle-même l'existence à la fois de points communs et de différences.

Sans examiner en détail l'évolution historique du concept ni les nuances de signification qui lui sont attribuées dans différents contextes intellectuels, il suffit de retenir que l'analogie exprime une équivalence partielle, pouvant porter sur des facteurs très divers. C'est d'ailleurs de cette grande diversité des applications possibles que résultent le caractère flou du concept et l'absence de consensus sur quelque définition que ce soit, dès que celle-ci vise à une certaine précision. Ce n'est qu'en se limitant au noyau commun des différentes acceptions, comme on vient de le faire en ne retenant que l'idée très générale d'équivalence partielle, qu'il devient possible de réaliser éventuellement l'accord des points de vue. À partir de ce point d'ancrage, l'étude épistémologique peut progresser par l'analyse précise des caractéristiques sur lesquelles porte l'équivalence relevée, ainsi que des liens entre ces caractéristiques et celles qui échappent à la mise en correspondance.

Établir une analogie, c'est donc, en premier lieu, mettre en correspondance des entités qui demeurent distinctes, mais que l'on considère comme étant équivalentes d'un certain point de vue. En matière scientifique, cette équivalence ne peut être que fonctionnelle, ce qui veut dire que les entités considérées doivent être situées dans un contexte de relations lié à certaines au moins de leurs propriétés, ou constituer elles-mêmes de telles relations. Il est donc exclu que la mise en correspondance analogique porte sur des entités considérées indépendamment soit de leur structure interne, soit de leur rôle ou comportement dans un environnement donné.

Le premier genre de correspondance à envisager, parce qu'il est le plus élémentaire et le plus fondamental, est celui que l'on établit entre un système quelconque à étudier et le langage de description mis en œuvre pour l'appréhender. Toute autre correspondance entre divers systèmes, en effet, passe obligatoirement par l'intermédiaire du ou des langages servant à les décrire. On peut donc, en dernier ressort, ramener l'énoncé analogique à l'opération élémentaire qui consiste à mettre en parallèle deux systèmes, dont[...]

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Écrit par

  • : chef du groupe de biologie théorique au Commissariat à l'énergie atomique, responsable de l'école de biologie théorique du C.N.R.S.
  • : agrégé de philosophie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses), chaire histoire des théologies chrétiennes dans l'Occident médiéval
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Pierre DELATTRE, Universalis et Alain de LIBERA. ANALOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...leurs méthodes, leurs critères, leurs moyens et leurs buts, ne présentent aucun rapport avec les sciences modernes. Un savoir fondé sur le principe d' analogiene peut jamais être confondu avec des systèmes scientifiques dont toute la cohérence logique repose, en dernière analyse, sur le principe d'...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...participant à l'être, à proportion de sa perfection. Une telle doctrine n'est pas aristotélicienne. Aristote connaît, certes, la notion d' analogie, qui désigne chez lui ce que nous nommons proportion : l'égalité de deux rapports. Mais il n'applique pas cette notion à l'élucidation des rapports...
  • ARISTOTÉLISME MÉDIÉVAL

    • Écrit par Alain de LIBERA
    • 4 951 mots
    • 1 média
    ...déforment où l'altèrent. C'est le cas, notamment, de la réduction de la problématique de la multiplicité des sens de l'être à la doctrine dite de l'«  analogie ». Lointainement préparée par les analyses de Boèce sur l'homonymie et la synonymie, puis directement issue de l'interprétation averroïste du...
  • CAJÉTAN TOMMASO DE VIO dit (1469-1534)

    • Écrit par Bruno PINCHARD
    • 1 235 mots

    Le plus grand théologien catholique de la Renaissance, Tommaso de Vio, était né à Gaète (d'où le nom qu'on lui donna — Il Caietano), dans une famille noble. Il entra chez les dominicains à Naples en 1484, dans ce même couvent où furent admis, avant lui, Thomas d'Aquin...

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Voir aussi