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WERNER ZACHARIAS (1768-1823)

Enfant de Königsberg, Zacharias Werner se tourne de bonne heure vers la franc-maçonnerie, par calcul plus que par conviction. Mais, bien vite, il fait siennes les conceptions fondamentales de l'illuminisme de l'époque. Ernst Christian Friedrich Mayr (1755-1821), esprit inquiétant, rose-croix qu'enveloppe un halo de fantastique et de mystère, le séduit et influe profondément sur lui. Mayr est le secrétaire particulier du ministre de Frédéric-Guillaume II, Wöllner (1732-1800), un des mages qui ont converti le roi de Prusse à la théosophie et à la théurgie. Aussi bien le chef-d'œuvre de Werner, Les Fils de la vallée (1803-1804), est-il inséparable du milieu maçonnique qui fut celui de l'auteur ; ce récit, dont la première partie est terminée en 1802 et qui est un véritable résumé des doctrines occultistes de son temps, regorge de symboles ésotériques et maçonniques : arithmosophie, millénarisme, alchimie, magie en constituent le fond même. Livre « initiatique » comme tant d'autres ouvrages de la même époque, mais écrit par une âme ardente que sert un immense talent, il doit beaucoup à Böhme et à Saint-Martin. De même que Novalis, qu'il tient pour un saint, Werner voudrait restaurer le catholicisme primitif ; son rêve est de créer à cette fin un nouvel ordre des Templiers.

Dans la même orientation spirituelle, il poursuit son œuvre de dramaturge : La Croix sur la Baltique (1806), Martin Luther ou la Consécration de la force (1807). Charmeur, séducteur, il répand ses théories dans les salons, où il exerce l'art de briller et de gagner à sa cause les cœurs féminins. À Berlin, il fréquente la société littéraire et mondaine ; à Iéna, en 1807, il rencontre Goethe, qui le soutient tout en le critiquant. Goethe fait représenter à Weimar, en 1808, le drame de Werner, Wanda, reine des Sarmates. Werner rencontre aussi Jung-Stilling qui lui fait présent de sa Geisterkunde ; on le trouve aussi à Coppet, en 1808, chez Mme de Staël, où il rêve avec A. W. Schlegel et où on l'adule. De retour à Weimar, il écrit Le Vingt-Quatre Février (sa mère et son meilleur ami étaient morts un 24 février) qui, sans être une œuvre théosophique, est néanmoins une pièce « noire » destinée à agir fortement sur l'imagination des contemporains ; elle devait connaître un succès prodigieux, consacré par d'innombrables imitations. Goethe prend une part active à l'élaboration de cette pièce, écrite en 1809 et représentée à Weimar en 1810.

Werner se rend ensuite à Rome, où il abjure, en avril 1810, la religion protestante, et se déclare catholique romain. Goethe le renie. Puis Werner gagne l'Autriche, est ordonné prêtre en 1814 à Aschaffenburg et professe des idées ultramontaines. Beethoven, qui avait recopié dans ses carnets intimes de très longs et beaux passages des Fils de la vallée, ne parle plus de lui qu'avec une hostilité sarcastique. Mais Werner, consacrant désormais ses nuits au plaisir et ses jours au pastorat, devient l'une des vedettes de la réaction metternichienne. Jusqu'à sa mort, il reste le prédicateur favori du grand monde, à Vienne, où ses sermons connaissent un immense succès.

— Antoine FAIVRE

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

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Antoine FAIVRE. WERNER ZACHARIAS (1768-1823) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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