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WANG MENG (1308 env.-1385)

Quatre grands peintres du xive siècle ont été choisis par les auteurs de la postérité comme les meilleurs représentants de la profonde mutation artistique survenue sous les Yuan, et réunis sous le vocable de « Quatre grands maîtres Yuan ». Ce choix est le fruit d'une longue élaboration qui, au cours du xve et du xvie siècle, en élimine la figure – pourtant essentielle – de Zhao Mengfu (1254-1322). Le concept se fixe définitivement avec Dong Qichang (1555-1636), grand peintre et théoricien de la fin des Ming, pour glorifier les noms de Huang Gongwang (1269-1354), Wu Zhen (1280-1354), Ni Zan (1301-1374) et Wang Meng (env. 1308-1385). Si cette notion ne recouvre pas de réalité sociale – ces peintres ne formèrent pas un groupe –, l'association de ces noms n'est toutefois pas dénuée de fondement : les quatre hommes se connurent et entretinrent des rapports d'amitié ou de respect. Mais une différence d'âge importante sépare les aînés, Huang Gongwang et Wu Zhen, de leurs cadets, et l'œuvre des quatre maîtres, rattachée de façon simplificatrice à la tradition méridionale de Dong Yuan et Juran (peintres des Cinq dynasties), témoigne d'une diversité de styles et d'une évolution certaine au cours du xive siècle. La période d'activité de Ni Zan et de Wang Meng, les benjamins des quatre maîtres, déborde d'ailleurs largement sur la période Ming (1368-1644).

Le « bûcheron du mont de la Grue jaune »

C'est à Wuxing (Huzhou) que naquit Wang Meng, dans les premières années du xive siècle. D'une famille illustre, il compte pour grand-père maternel Zhao Mengfu, le peintre et calligraphe le plus renommé du début des Yuan, et son père, Wang Guoqi, est un poète et un collectionneur célèbre. Nul doute que ces origines aient beaucoup compté dans l'éducation et la formation du jeune Wang Meng. On sait fort peu de chose de sa vie. Sa carrière de fonctionnaire ne fut pas exceptionnelle puisqu'il est mentionné au poste peu élevé de juge provincial (liwen), puis, après l'avènement du premier empereur Ming, au poste de préfet de Tai'an (Shandong), qu'il conserve une dizaine d'années. Entre les deux s'écoule une longue période de retraite, coïncidant avec les années de chaos et de guerre qui déchirent la Chine du Sud, et marquent la chute de la dynastie mongole et l'établissement de la nouvelle dynastie nationale des Ming, en 1368.

Dès les années 1340, en effet, Wang Meng s'installe sur le mont de la Grue jaune (Huangheshan), aux environs de Hangzhou, et adopte le surnom de « bûcheron du mont de la Grue jaune », dont il signera la plupart de ses peintures. Durant près de trente ans, Wang Meng, comme nombre de ses congénères, lettrés écartés de la vie publique, va partager son temps entre sa retraite montagnarde et des pérégrinations dans toute la région, au cours desquelles il rencontre les principaux artistes et participe aux grandes réunions littéraires tenues à Suzhou, Kunshan, Songjiang... La vogue des poèmes de circonstance inscrits sur les peintures se développe à cette époque ; ces écrits, subsistant sur les œuvres ou conservés dans les anthologies et catalogues postérieurs, constituent de précieux témoins des rencontres et des activités des artistes Yuan. Nous apprenons ainsi que, en 1342, Huang Gongwang rédigea un poème sur un paysage de Ni Zan (Chunlin yuanxiu tu) que lui avait apporté Wang Meng ; qu'en 1361, Ni Zan et Wang Meng peignent et signent en collaboration un paysage (Gugong, Taipei), ou qu'en 1365, lors d'une importante réunion tenue chez Lu Shanfu, mécène lettré de Suzhou, Wang Meng exécuta une peinture du « pavillon pour écouter la pluie » – lieu de la réunion –, sur laquelle de nombreux assistants inscrivirent un colophon.

Dans les années 1360, Wang Meng semble résider souvent à Suzhou[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au CNRS, directrice du programme Religion et société en Chine au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité

Classification

Pour citer cet article

Caroline GYSS. WANG MENG (1308 env.-1385) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

    • Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
    • 54 368 mots
    • 37 médias
    ...relâche, bien que la simplicité de ses formes et de ses compositions recèle une densité spirituelle dont le secret échappe à l'analyse et à l'imitation. Wang Meng ( ?-1385) est plus curieux d'une recherche proprement formelle ; sa peinture, touffue et baroque, est tissée d'une forme de « rides »...
  • NI ZAN [NI TSAN] (1301-1374)

    • Écrit par Pierre RYCKMANS
    • 1 512 mots
    ...son aîné de trente ans, était un ami autant qu'un maître (Huang lui-même fit à son cadet l'hommage d'imiter certaines de ses œuvres). Ses relations avec Wang Meng étaient particulièrement étroites (les deux artistes exécutèrent même certaines œuvres en collaboration) et l'on peut déduire de ses écrits qu'il...
  • SHEN ZHOU [CHEN TCHEOU] (1427-1509)

    • Écrit par Pierre RYCKMANS
    • 1 459 mots
    • 1 média
    ...la création, nous est fourni par sa vue monumentale du mont Lu. Dans cette œuvre qui date du début de sa maturité (1467), l'artiste s'est inspiré de Wang Meng pour le traitement des rochers, le jeu des « rides » et le développement tourbillonnant des formes ; mais le procédé expressionniste du maître...

Voir aussi