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NABOKOV VLADIMIR (1899-1977)

Vladimir Nabokov - crédits : Walter Mori/ Mondadori Portfolio/ Getty Images

Vladimir Nabokov

Personnage solitaire et effacé, Vladimir Nabokov a traversé la première moitié du xxe siècle sans faire de bruit, avant de provoquer, avec Lolita, le scandale que l’on sait. Depuis lors, grâce à Pale Fire et Ada notamment, il a pris place parmi les plus grands écrivains mondiaux de ce siècle, sans jamais participer de près ou de loin aux conflits historiques qui, à deux reprises, ont bouleversé sa vie, apparaissant ainsi comme un survivant d’un autre âge.

Les chemins de l’exil

Vladimir Vladimirovitch Nabokov naquit à Saint-Pétersbourg le 23 avril 1899 (de notre calendrier), date anniversaire de la naissance de Shakespeare comme il aimait à le rappeler, dans une très vieille famille de la moyenne noblesse qui avait donné à la Russie de nombreux soldats et hommes d’État. Son père, Vladimir Dmitriévitch Nabokov, était un éminent criminologue aux idées très libérales ; il milita dans le Parti constitutionnel démocrate contre le régime tsariste, aux côtés de juifs et d’intellectuels. Il participa au gouvernement de Kerenski lors de la révolution de mars 1917 et demeura politiquement actif après s’être réfugié en Europe de l’Ouest ; il mourut à Berlin, en 1922, sous les balles de deux Russes d’extrême droite en essayant de protéger son compagnon de lutte, Milioukov.

Entouré de sa mère, une femme extrêmement sensible et imaginative, de ses deux frères et de ses deux sœurs, Nabokov eut une enfance heureuse et opulente. Il suivit l’enseignement de ses gouvernantes et de ses précepteurs avant d’entrer à la très élitiste école Ténichev. Très tôt il se passionna pour la littérature, les papillons et les échecs ; ses premiers vers datent de 1914.

La révolution russe mit un terme à son adolescence dorée. Sa famille dut quitter Saint-Pétersbourg pour se réfugier en Crimée, avant de s’exiler à Londres puis à Berlin. Vladimir Nabokov commença alors des études de lettres à Trinity College, à Cambridge, où il se distingua surtout par son éclectisme et ses talents de gardien de but dans l’équipe de football. Après avoir obtenu son B.A. en 1922, il alla vivre à Berlin. C’est là qu’il commença réellement sa carrière d’écrivain, sous le pseudonyme de Sirin (nom d’un oiseau fabuleux dans le folklore russe), pratiquant des métiers divers (figuration dans des films, cours de tennis et de langue, etc.) pour subvenir à ses besoins et, après 1925, à ceux de sa femme, Véra Slonim. Pendant la première année de son séjour à Berlin, il publia deux recueils de poèmes et sa traduction russe de Alice au pays des merveilles.

C’est en 1926 que parut son premier roman russe, Machenka, évocation nostalgique d’un premier amour dans la Russie d’avant la révolution et adieu à la terre natale ; il devait en écrire huit autres dans sa langue maternelle, notamment Zachtchita Loujina (1930, La Défense Lougine), Otchaïanïé (1936, La Méprise), Dar (1937-1938, Le Don), son chef-d’œuvre dans cette langue, et Priglachénié na kazn (1938, Invitation au supplice). Il écrivit aussi des pièces de théâtre, des nouvelles, des recensions, des articles sur les lépidoptères, et des problèmes d’échecs. Il commençait à acquérir une certaine notoriété auprès de la colonie russe de Berlin, même si on lui reprochait beaucoup son anticonformisme intellectuel et politique.

Ce fut sans regret qu’il quitta la capitale allemande en 1937 afin d’assurer la sécurité de sa femme, d’origine juive, et de son fils Dmitri né en 1934. Il s’installa d’abord en France où il débuta sa carrière d’écrivain de langue anglaise avec son roman The Real Life of Sebastian Knight, La Vraie Vie de Sébastien Knight (publié seulement en 1941) ; il s’embarqua à Saint-Nazaire pour les États-Unis juste avant que les Allemands n’occupent la ville. Au début de ce second exil, il connut de nombreuses difficultés financières, malgré l’aide bienveillante d’Edmund[...]

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Pour citer cet article

Maurice COUTURIER. NABOKOV VLADIMIR (1899-1977) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Vladimir Nabokov - crédits : Walter Mori/ Mondadori Portfolio/ Getty Images

Vladimir Nabokov

<it>Lolita</it>, S. Kubrick - crédits : Seven Arts Production/ Sunset Boulevard/ Corbis/ Getty Images

Lolita, S. Kubrick

Autres références

  • LOLITA, Vladimir Nabokov - Fiche de lecture

    • Écrit par Marc CERISUELO
    • 817 mots
    • 1 média

    Le succès de scandale, et le succès tout court d'un livre vendu à plus de quinze millions d'exemplaires dans le monde ne doivent pas faire oublier que Lolita est l'un des romans américains les plus importants du xxe siècle. Installé aux États-Unis depuis 1940, professeur de littérature...

  • EXIL LITTÉRATURES DE L'

    • Écrit par Albert BENSOUSSAN
    • 3 314 mots
    • 6 médias
    ...écriture carnavalesque qui noie l'évocation mélancolique de son pays sous le rire, le masque grotesque et un pessimisme aussi bouffon que ravageur. Pour Nabokov, déjà, l'exil se doublait d'un sentiment aigu d'exil intérieur, d'une nostalgie de paradis perdu, de pays inaccessible – celle-là même qu'exprime...
  • KUBRICK STANLEY (1928-1999)

    • Écrit par Gérard LEGRAND
    • 2 907 mots
    • 3 médias
    ...chères en s'éloignant de Hollywood, le cinéaste entreprend en Grande-Bretagne une adaptation alors jugée audacieuse : celle de Lolita (le roman de Nabokov est encore plus ou moins interdit dans nombre d'États américains). Le film ne cherche pas à rivaliser avec le style (ni même avec les évocations)...
  • KUBRICK STANLEY - (repères chronologiques)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 103 mots

    26 juillet 1928 Naissance de Stanley Kubrick à Manhattan, New York, d'une famille juive originaire d'Europe centrale.

    1934-1940 Études primaires dans le Bronx où son père, médecin, lui donne le goût des échecs.

    Septembre 1941 Son père lui offre un appareil photo Graflex : Kubrick...

  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER, Marie-Christine AUTANT-MATHIEU, Hélène HENRY, Hélène MÉLAT, Georges NIVAT
    • 23 999 mots
    • 7 médias
    Un « expérimentaliste » mérite une mention spéciale : il s'appelle Nabokov et signe Sirine. D'abord à Berlin, puis à Paris, il émigre aux États-Unis en 1940, et son premier livre anglais paraît alors. Mais son œuvre russe des années 1920 et 1930 est considérable : ZaščitaLužina...

Voir aussi