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JANKÉLÉVITCH VLADIMIR (1903-1985)

La création, objet véritable de la métaphysique

Les vertus sont les effets concrets dans l’action de ces trois principes. Si l’on peut tenir le Traité des vertus pour un aboutissement de l’œuvre de Jankélévitch, il n’en marque pas pour autant l’achèvement. Avec cet ouvrage, Jankélévitch a certes soldé la question de l’action, mais il n’a pas fondé philosophiquement les principes métaphysiques de sa pensée. Il reviendra à Philosophie première de fournir les concepts opératoires grâce auxquels ce qu’avait élaboré prioritairement la morale se trouve fondé et justifié. La métaphysique selon Jankélévitch a pour fonction de dégager les conditions d’effectivité de la philosophie morale. Elle repose pour cela sur une distinction capitale entre l’être et le faire.

La question classique de la métaphysique a historiquement été inaugurée par Aristote. Sa formulation la plus courante est la suivante : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Or cette question a toujours été transformée dans l’histoire de la pensée en une autre question, moins radicale : « pourquoi l’être est-il comme ceci plutôt que comme cela ? » Dans cette seconde formulation, le caractère métaphysique de la première question est perdu. Le fait inexpliqué qu’il y a de l’être est éludé par la manière dont l’être est. La métaphysique erronée se trompe d’objet : elle s’intéresse à l’essence de l’être (son quid) et non au fait de l’être (son quod). Ce constat conduit Jankélévitch à distinguer l’être posé (au sujet duquel on cherche les lois qui le commandent) et le faire qui pose l’être. Cette distinction permet également à Jankélévitch de définir l’homme comme un « mixte de faire et d’être », une sorte de demi-dieu puisqu’il est en effet à la fois posé, donné, et créateur par sa liberté, par son action. Le faire créateur, à l’origine du fait posé de l’être, est donc la seule réponse que nous soyons en mesure de donner à la véritable question métaphysique.

La tâche du métaphysicien est alors de proposer une méthode à même de surprendre le faire qui pose l’être, de s’en rendre contemporain. L’objet de la métaphysique est le passage de l’être au non-être (ou inversement). Or, pour l’homme, quelle est l’expérience la plus proche de ce passage ? C’est la mort, à laquelle Jankélévitch consacra un livre en 1966 (La Mort). La mort constitue l’expérience métaphysique par excellence en ce qu’elle nous laisse deviner ce qu’est ce passage de l’être au non-être. Elle est certes, non pas la position de l’être, mais la déposition de l’être, c’est-à-dire le sens contraire de la création. Mais elle nous informe néanmoins sur ce passage. Nous ne pouvons donc pas avoir de connaissance rationnelle de cette position mystérieuse de l’être, seule une intuition peut éventuellement l’entrevoir. Le faire nous y est révélé comme une évidence pourtant impossible à restituer dans le discours. L’homme, de par sa condition finie, est incompétent à saisir et à parler de la pure création.

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Pierre-Alban GUTKIN-GUINFOLLEAU. JANKÉLÉVITCH VLADIMIR (1903-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Vladimir Jankélévitch - crédits : Louis Monier/ Bridgeman Images

Vladimir Jankélévitch

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