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JANKÉLÉVITCH VLADIMIR (1903-1985)

Un philosophe engagé

La Seconde Guerre mondiale va arrêter net ce brillant début de carrière universitaire. Jankélévitch est mobilisé comme lieutenant d’infanterie en septembre 1939, puis blessé en juin 1940. Alors qu’il est hospitalisé à Marmande, il apprend qu’il a été révoqué en juillet 1940 de son poste universitaire en application des lois raciales « pour les fils des étrangers », promulguées par Vichy. En décembre 1940, il est destitué irrévocablement pour n’avoir pas possédé la nationalité française « à titre originaire » et en vertu du « statut des juifs ». Condamné à la clandestinité, il s’exile à Toulouse où il passera les années de guerre. Il entre alors dans la Résistance en intégrant des réseaux toulousains comme « Les Étoiles ». Il professe aussi clandestinement un cours sur la mort dans les cafés et parvient – difficilement – à publier quelques livres (Le Malentendu, Du mensonge, Le Nocturne, tous trois en 1942) dont les titres mêmes évoquent, au moins indirectement, la période.

À la Libération, Jankélévitch prend la direction des émissions musicales de la radio Toulouse-Pyrénées pendant un an. Il réinvestit ensuite son appartement du quai aux Fleurs. Réintégré comme professeur de philosophie morale à la faculté de lettres de Lille en juin 1945, il renoue avec la vie intellectuelle et donne des leçons au Collège philosophique fondé par Jean Wahl à Paris, où il dialogue avec Emmanuel Lévinas. Il publie un essai sur Le Mal (1947) et achève en 1949 son monumental Traité des vertus, commencé un peu avant la guerre. En 1951, Jankélévitch obtient la chaire de philosophie morale à la Sorbonne, qu’il occupera jusqu’en 1979. Les étudiants, charmés par un style philosophique unique et une voix singulière, affluent à ses cours. De 1953 à 1963, deux ouvrages capitaux voient le jour, Philosophie première (1954) et Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien (1957) dans lesquels le faire est décrit sur le plan ontologique comme ce qui n’est ni rien ni quelque chose, c’est-à-dire comme un « presque-rien », et sur le plan épistémologique, comme ce que nous constatons mais dont nous ne pouvons rien dire, c’est-à-dire comme un « je-ne-sais-quoi ».

La question du temps devient par la suite le milieu dans lequel, invariablement, la morale se pense. Cette mue de l’œuvre, amorcée par la publication en 1963 de L’Aventure, l’ennui, le sérieux, se traduit par la parution de La Mort (1966) et de L’Irréversible et la nostalgie (1974). À la différence de nombre de philosophies existentialistes, le temps ne marque pas pour Jankélévitch une apparition de la conscience. Il est notre condition, notre réalité et en ce sens, il s’impose à notre conscience. Ses originalités théoriques dans le xxe siècle le confinent d’ailleurs à une relative solitude intellectuelle et professionnelle, largement compensée par les amitiés qui le lieront à certains compositeurs, penseurs et poètes contemporains (Federico Mompou, André Neher, Jean Cassou).

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Pour citer cet article

Pierre-Alban GUTKIN-GUINFOLLEAU. JANKÉLÉVITCH VLADIMIR (1903-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Vladimir Jankélévitch - crédits : Louis Monier/ Bridgeman Images

Vladimir Jankélévitch

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