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VILLE Mythe et représentation

L'urbanisation et l'essor de l'urbanisme comme discipline

La ville est donc le lieu par excellence des changements qui se produisent au xixe siècle, l'expérience où s'apprécient les déformations quantitatives ou qualitatives que subit la société. C'est en ce sens qu' urbanisation, industrialisation et bureaucratisation (Max Weber) sont imbriquées. Toutefois, au terme de cette évolution, inégalement atteinte dans les pays aujourd'hui industrialisés, la société est principalement urbaine : la population concentrée à 75 ou 80 p. 100 dans les villes, le mode de vie urbain étendu aux campagnes. En même temps, la croissance urbaine conduit à l'éclatement des formes urbaines, à l'étalement des banlieues, aux phénomènes plus amples de métropole ou de mégalopole.

Mais cette urbanisation va de pair avec l'essor de l'urbanisme comme discipline qui, dans la lignée des opérations du xixe siècle, se veut politiquement neutre et de rationalité universelle. En fait, les représentations s'ordonnent de nouveau en projets, dont les récurrences venant du passé sont multiples. Récurrence des utopies urbaines, d'abord : qu'il s'agisse, pour reprendre la distinction de F. Choay, des « progressistes » ou des « culturalistes », le mouvement moderne associe implicitement la transformation de l'ordre spatial et celle des relations sociales. Pour Ebenezer Howard, la cité-jardin (1902) est à la fois forme d'habitat, principe d'organisation économique, rétablissement de la communauté. La Cité radieuse (1935) de Le Corbusier n'est pas un état idéal ; mais elle suppose un style de vie collective, dans la lignée du phalanstère. À travers les espérances des grands urbanistes, on retrouve les mythes du xixe siècle naissant : le postulat écologique notamment, qui peut conduire à l'anticipation mais aussi à la contrainte. Privé de cette dimension sociale et imaginaire, l'urbanisme, réduit à des recettes, tombe en porte à faux : la Cité radieuse ou la cité-jardin devient modèle des grands ensembles ou de cités-dortoirs. Tony Garnier opposait à Coketown et à son incohérence l'ordre et la distinction des usages du sol de sa cité industrielle. À l'échelle des agglomérations, le projet conduit au zoning rigoureux, justifie en fin de compte les mécanismes ségrégatifs qui s'établissent spontanément dans les formes de croissance urbaine.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Marcel RONCAYOLO. VILLE - Mythe et représentation [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias

    L’expression « agriculture urbaine », qui était devenue un oxymore dans les pays industrialisés avec la disparition progressive au cours du xxe siècle des ceintures maraîchères entourant les villes, a retrouvé du sens. En effet, dans un contexte d’étalement urbain (urbansprawl) et...

  • ALLEMAGNE (Géographie) - Aspects naturels et héritages

    • Écrit par François REITEL
    • 8 281 mots
    • 6 médias
    ...Vingt-cinq seulement avaient plus de dix mille habitants. Mais le fait urbain était généralisé, et il allait se révéler fertile pour la suite. En effet, la ville, centre d'échanges, organise l'espace. À l'ère industrielle, ces petites villes (telles les villes de la Ruhr) allaient devenir les « centres d'accueil...
  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

    • Écrit par Guillaume LACQUEMENT
    • 12 044 mots
    • 9 médias
    En 2015, 95 p. 100 des Allemands vivent dans des communes de plus de 5 000 habitants,un peu moins d’un tiers dans des villes petites et moyennes (5 000 à 100 000 habitants) et les deux tiers dans des grandes villes de plus de 100 000 habitants. Le taux d'urbanisation en Allemagne est comparable...
  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    Pas d'opposition tranchée entre villes et campagnes ; ou plutôt, celle-ci est de nature juridique, non humaine et économique. La densité dans la maison urbaine est la même que dans la maison rurale. Des citadins franchissent les remparts pour se rendre dans les faubourgs où ils cultivent champs, jardins...
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