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VERSAILLES ET SON CHÂTEAU

Un lieu conçu pour le pouvoir

Versailles a-t-il jamais constitué un espace cohérent ? Le chantier dure quarante ans, la demeure royale devient une machine de gouvernement, mais dans le plus paradoxal désordre.

<it>Apollon servi par les Nymphes</it>, Girardon et Regnaudin - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Apollon servi par les Nymphes, Girardon et Regnaudin

Entre 1668 et 1671, Le Vau développe une stratégie enveloppante qui préserve le noyau initial du temps de Louis le Juste, pieusement serti dans le nouvel édifice. En 1678, Jules Hardouin-Mansart, neveu de François Mansart et qui succède à Le Brun dans le rôle de maître d'œuvre général, conçoit ses premiers projets d'embellissement ; les dix années de paix qui suivent les traités de Nimègue (1678-1679) permettent de réaliser les plus importants travaux. Sont alors construites les ailes des Ministres, qui s'avancent vers la ville, entre 1678 et 1682, l'aile du Midi, entre 1685 et 1689, l'aile du Nord, en pierre blanche de Saint-Leu. Entre 1661 et 1681, les grands appartements avaient été décorés. Autour de Le Brun, Carle Audran, Jean Jouvenet et Michel-Ange Houasse se répartissent les salons qui portent les noms des divinités de l'Olympe : Vénus, Diane, Mars... ou sont consacrés à des allégories comme la Paix ou l'Abondance. Cet « Olympe du Roi-Soleil » (Jean-Pierre Néraudau) éclate dans le programme décoratif des grands appartements – laboratoire de l'art français – dédiés aux planètes qui gravitent autour du Soleil. Le parc en complète la signification : dans un premier temps, les bosquets et les groupes sculptés illustrent des scènes des Métamorphoses d'Ovide. Au centre, le bassin d'Apollon (sculpture de Jean-Baptiste Tuby), dans l'axe du Grand Canal et du Tapis vert, montre le char du Soleil. Le bassin de Latone (sculptures des frères Marsy) peut se lire comme un écho mythologique au rôle de la reine-régente durant la Fronde. Pour animer ces bassins (l'Encelade, le bassin de l'Automne ou la grotte de Thétys, qui abrite l'Apollon servi par les nymphes de Girardon, sont les plus beaux), une machinerie hydraulique conçue par F. et P. Francine permet de faire jouer les « grandes eaux ». En 1678-1682, il faut un régiment pour servir aux terrassements de la pièce d'eau, qui s'appelle depuis lors pièce d'eau des Suisses. La collection de sculptures du parc ne cessa de s'enrichir ; deux chefs-d'œuvre de Pierre Puget y prirent place : Milon de Crotone et Persée délivrant Andromède. Autour du sculpteur Coysevox, Versailles devient un foyer européen, source de commandes nombreuses.

Selon le mémorialiste Dangeau, une armée de trente-six mille ouvriers travaille en 1685. Puis les guerres reprenant – en 1689, c'est l'épisode traumatisant de la fonte de la vaisselle et du mobilier en argent : toute la Cour, au plus grand dam de Saint-Simon, est contrainte par la volonté royale de « se mettre en faïence » –, la construction est suspendue. En 1710, on élève la chapelle de Robert de Cotte, dont Saint-Simon écrit qu'elle domine l'ensemble d'un étage, comme un immense catafalque, annonciateur, dans une Cour qui ne cesse de prendre le deuil, de la mort du roi en 1715 et de l'abandon d'un palais, jugé peu plaisant sous la Régence. Mais déjà, Louis XIV, à la fin de sa vie, semblait préférer le Grand Trianon de Jules Hardouin-Mansart, construit en 1687-1688 à l'extrémité d'un des bras du Grand Canal.

À la mort de Louis XIV, le plan cohérent est fixé : il est centré sur la chambre officielle du roi – « trop belle pour un homme de mon âge », aurait-il dit en découvrant l'état qui a été aujourd'hui reconstitué –, autour de laquelle s'ordonnent les appartements dits « de commodité du roi », les cabinets du roi donnant sur la cour de marbre et les grands appartements, enserrant cet ensemble et ouvrant sur les jardins.

La topographie de Versailles s'y lit en termes[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Adrien GOETZ. VERSAILLES ET SON CHÂTEAU [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 11/02/2013

Médias

Versailles - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Versailles

Bassin de Latone, Versailles - crédits : Bryn Campbell/ The Image Bank/ Getty Images

Bassin de Latone, Versailles

Parterres de l'Orangerie du château de Versailles - crédits : Lyubov Timofeyeva/ Shutterstock

Parterres de l'Orangerie du château de Versailles