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VALLABHA (1481-1533)

Philosophe hindou. Vallabha est l'auteur d'une interprétation dualiste du védânta (vedānta). Celui-ci, qui occupe une place privilégiée parmi les grands darshanas de l'hindouisme, a connu, en effet, outre l'expression que lui a donnée le monisme strict (advaïta-vedânta) de Shankara (viiie s.), une forme dualiste, notamment celle de Râmânuja (xiie s.), mais aussi bien d'autres interprétations qui font en quelque sorte la transition entre ces deux positions extrêmes. L'une des plus originales est celle de Vallabha.

Ce brahmane télugu (pays andhra, dans la région de Hyderâbâd), dévot de Krishna, passa une partie de sa vie dans le nord de l'Inde, sur les bords de la Yamunâ, où la tradition situe l'enfance et l'adolescence du dieu. Cette vie dévote conduisit Vallabha à refuser l'identification absolue, professée par Shankara, entre l'âme humaine (âtman) et un dieu conçu comme absolu sans qualités (niruna-brahman). Le fidèle, selon lui, doit avoir une existence autonome et son dieu doit être une personne, faute de quoi serait abolie la bhakti (« dévotion ardente »), dont Vallabha se fait alors le champion. Néanmoins Vallabha comprend qu'il ne serait plus un adepte du védânta s'il répudiait absolument tout lien entre l'âtman et le brahman. Reprenant une image des Upanishads les plus anciennes, il explique donc que le brahman est comme un grand feu dont les âmes vivantes (jîva-âtman) sont les étincelles, celles-ci étant à la fois faites de feu et distinctes du feu. Tant que le vivant est affecté par l'ignorance métaphysique, il est condamné à renaître indéfiniment, mais, s'il accède à la connaissance (autre thème typique du védânta), il sera libéré.

Quant à Krishna (Kṛṣṇa), il est Ishvara, le Seigneur, première hypostase du brahman (ou « manifestation » privilégiée de celui-ci). Cette manifestation est un acte de pure grâce, une expression de l'amour de Dieu (le brahman) pour ses créatures. Cette thèse de l'élection de Krishna amène Vallabha à élargir le canon scripturaire communément admis par le védânta. Alors que Shankara et ses adeptes ne connaissent que le Véda (lequel ignore Krishna), Vallabha y ajoute le Bhāgavata Purāna, texte de base de la dévotion krishnaïte. Mais c'est d'abord par un commentaire des Brahma Sutras que Vallabha s'est fait connaître en tant qu'adepte du védânta. Il y expliquait que l'âme (ātman) ressemble à un atome (aṇu), ce pourquoi on a donné à son œuvre principale le nom d'aṇubhâsya.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. VALLABHA (1481-1533) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADVAITA

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 1 551 mots
    Le śuddhādvaita, la « pure unicité », a été professé par Vallabha (1479-1531). Seul Brahman existe. Il n'y a pas d'illusion (māyā), ou de production par évolution (pariṇāma), ou de distinction (bheda) entre le Brahman, l'individualité vivante (jīva) et le développement...
  • HINDOUISME

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 9 148 mots
    • 4 médias
    ...reprendre le chemin des lieux saints du bord de la Yamunā, pays d'origine de la légende krishnaïte. Par ailleurs, de nouvelles sectes prennent naissance : Vallabha, qui, commentateur lui aussi des vedānta Sūtra, vivait à Bénarès au xvie siècle, a réuni autour de lui de nombreux disciples. La tradition...
  • INDE (Arts et culture) - Les doctrines philosophiques et religieuses

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 16 660 mots
    • 3 médias
    L'école de Vallabha (1481-1533), krishnaïte elle aussi, a voulu rendre radicale l'unicité de l'Être, d'où le nom de doctrine de l'« Unicité pure » qui lui a été attribué. Vallabha a exclu la théorie de l'illusion (māyā) et supprimé toute distinction de nature en...
  • VEDĀNTA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 2 706 mots
    ...strict. De fait, la troisième époque de ce darśana (du xiiie s. à nos jours) est marquée par un retour progressif à Śankara. Déjà la position de Vallabha (xve s.) est en retrait par rapport à celle de Madhva. Lui aussi persuadé que la dévotion (bhakti) est nécessaire au salut, le maître réaffirme...

Voir aussi