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VAUTHIER JEAN (1910-1992)

Né en Belgique le 20 septembre 1910, Jean Vauthier, fils d'un ingénieur français d'origine belge, vit à Bordeaux depuis son enfance. Il étudie d'abord la peinture et exerce diverses fonctions dans la presse régionale avant d'être pris de passion pour l'écriture. En 1949, il abandonne tout emploi pour se consacrer exclusivement à la dramaturgie.

Gérard Philipe et André Reybaz vont très vite donner une audience nationale à l'œuvre de cet auteur provincial inconnu. Jean Vauthier leur a adressé le manuscrit de Capitaine Bada. Bien qu'à contre-courant des modes théâtrales du moment, ce texte a retenu leur attention par la puissance de son lyrisme autant que par la rigueur méticuleuse de son orchestration. André Reybaz commande à Vauthier un impromptu pour le festival d'Arras de 1951, puis il crée Capitaine Bada en janvier 1952. La même année, Gérard Philipe monte un autre texte commandé à Vauthier, La Nouvelle Mandragore, inspiré de Machiavel. C'est le début d'une double carrière très féconde d'auteur dramatique et d'adaptateur.

L'auteur, consacré en 1955 par le prix Ibsen, écrit successivement Le Personnage combattant, Les Prodiges, Le Rêveur, Badadesques. Ces pièces s'inscrivent dans le cycle du « poète empêché », de l'homme qui revendique l'absolu et l'élan spirituel tout au long d'un combat héroïco-burlesque avec les choses et les êtres de la vie banale. La figure la plus marquante en est celle de Bada, héros d'une tragédie du quotidien, bouffonnant jusqu'au délire. Jean-Louis Barrault, Marcel Maréchal, Claude Regy, Georges Wilson, Jacques Rosner en France, en Allemagne Albert Fischel et Peter Zadek multiplient les mises en scène du théâtre de Vauthier. Aussi est-il sollicité pour de nombreux travaux, durant les années 1970 surtout. Il écrit pour la radio. Il fait le scénario et les dialogues du film Les Abysses, tourné par Nico Papatakis. Des adaptations de textes anciens — du répertoire élisabéthain principalement, pour lequel il a une prédilection — lui sont demandées, par Jorge Lavelli et Patrice Chéreau notamment : Medea, 1967 ; Le Massacre à Paris, 1972 ; Roméo et Juliette et Othello, 1980.

L'adaptation devient parfois création à part entière. Ainsi quand Vauthier s'inspire de La Tragédie du vengeur de Cyril Tourneur pour en faire Le Sang, qu'il destine à la troupe de Marcel Maréchal. Révélé comme acteur et metteur en scène dans Badadesques et Capitaine Bada, ce dernier s'est voué à Vauthier. Le Sang, « fête théâtrale », célèbre toutes les confusions possibles entre l'illusion et la réalité. Si l'auteur prend ainsi ses distances par rapport à la tragédie de référence, ce n'est que pour mieux l'exalter. Vauthier dit qu'il rêve de « souder son siècle à celui d'Élisabeth » : peut-être est-ce parce qu'il reconnaît, chez Shakespeare et ses contemporains, un sens du baroque, une sublimation de la violence, un délire somptueux aux couleurs de son propre imaginaire.

Il renouvelle l'expérience en détournant Arden de Faversham, qui devient Ton Nom dans le feu des nuées, Élisabeth, créé par Maréchal en 1976. Il précipite cette fois la tragédie dans les pièges du « spectaculaire » moderne, comme pour éprouver la puissance spirituelle d'un art scénique que ne sauraient avilir les gadgets de l'audiovisuel. Ses indications prévoient que des caméras circonscrivent le plateau, mais Jean Vauthier plus que jamais manifeste son exigence d'un texte aussi riche de style et de registres aussi divers que la rhétorique shakespearienne. Il réaffirme la prééminence du verbe dans la dramaturgie française et poursuit sa relecture de Shakespeare, d'une invention souvent illuminante, en portant à la scène Le Roi Lear avec Marcel Maréchal (1984).[...]

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Bernadette BOST. VAUTHIER JEAN (1910-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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