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LANGUES TYPOLOGIE DES

Quelques voies récentes de la typologie

À partir des années 1960, certaines approches ont donné une impulsion nouvelle aux études typologiques, en orientant les travaux vers la recherche de correspondances structurales entre les langues. L'un des points de départ a été l'article de Joseph Greenberg, paru en 1963, « Some universals of grammar with particular reference to the order of meaningful elements ». Greenberg y met en place des éléments de méthode typologique en s'appuyant essentiellement sur certains faits de syntaxe. Il indique que, dans un énoncé, l'ordre des éléments peut se réduire à des formules simples articulées en S (sujet) V (verbe) et O (objet). On peut ainsi classer les langues selon l'ordre dominant de ces constituants dans la phrase :

– SVO (la plupart des langues indo-européennes) ;

– VSO (langues sémitiques, telles que l'arabe) ;

– SOV (coréen, japonais, etc.)...

Surtout, Greenberg met en place des formules d'implication, susceptibles de faire de la typologie une science prédictive. Si on a par exemple un x dans une langue, qu'a-t-on chance d'y trouver aussi ? Pour une langue à structure VO (verbe/objet), il est probable que le génitif et la proposition relative suivent le nom ; alors que pour une langue à structure OV (objet/verbe), on s'attend à ce que le génitif et la proposition relative précèdent le nom. L'une des originalités de la méthode est de corréler des constantes pour en induire de grandes tendances. Cependant, l'article portant sur l'examen de 30 langues, certaines conclusions ont depuis été battues en brèche. Il faut en effet garder à l'esprit que cette approche ne saurait décrire que des tendances, car on ne peut exclure l'hypothèse que des langues ne fonctionnent pas de cette façon. Et surtout, il ne faut cesser de revenir au particulier, c'est-à-dire au système de chacune des langues, pour vérifier le détail. Ainsi, même si l'allemand est une langue SVO, il faut faire la distinction entre proposition principale et proposition subordonnée : l'allemand a une structure SVO dans la principale, mais SOV en subordonnée. Le français quant à lui, de structure SVO, est de structure SOV quand le complément d'objet est un pronom : Il embrasse Violette/Il l'embrasse. Par ailleurs, si la structure SOV paraît facilement reconnaissable, il n'existe pas moins des langues dans lesquelles cette structure échappe ou est parfois peu saisissable, comme en hongrois (Sörés, 2004).

Il n'en demeure pas moins que la méthode d'analyse selon le schéma SVO permet aussi de travailler sur des périodes longues. Ainsi, le français, qui était au Moyen Âge de structure relativement libre, se stabilise au xive siècle en une langue de structure SVO. C'est dire que l'analyse des structures de l'énoncé, réalisée souvent en synchronie (dans une même période de temps) n'empêche pas l'analyse en diachronie, c'est-à-dire selon les évolutions.

Définir une logique de la langue

Cette approche a le mérite de faire ressortir certains caractères des langues qui paraissent relever de constantes de la logique. Ainsi, on tend à observer dans les langues une tendance pour l'ordre SVO, car le sujet a logiquement tendance à précéder le prédicat (BSL 2004, p. 281). De fait, on reconnaît, au moins depuis la philosophie du Moyen Âge, qu'un énoncé se distribue généralement en deux grands éléments : sujet et prédicat. Le schéma est le suivant : « d'une chose je peux dire quelque chose ». De Pierre (A) je dis qu'il nage (B). Un énoncé se distribue donc minimalement entre sujet (A) et prédicat (B) : A représentant le support de l'information, B l'apport d'information. A est aussi appelé, selon le point de vue adopté, « sujet », « thème » ou « prédicat ». Si l'on veut se situer[...]

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Écrit par

  • : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Loïc DEPECKER. LANGUES TYPOLOGIE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    ...Malayo-Polynésiens ou les Turco-Mongols). Mais cette classification, qui repose sur des critères phénotypiques, ne recouvre pas systématiquement celle des langues, pour lesquelles existent, sinon s'opposent, plusieurs typologies. Le linguiste Joseph Greenberg (1915-2001) a émis l'hypothèse d'une macrofamille...
  • BOPP FRANZ (1791-1867)

    • Écrit par Louis-Jean CALVET
    • 536 mots

    Né à Mayence, Franz Bopp étudie à Paris de 1812 à 1816 (le persan, l'arabe, l'hébreu, le sanskrit), puis à Londres de 1816 à 1820. Il est le fondateur de la méthode comparative en linguistique. Son ouvrage, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues...

  • CAUCASE

    • Écrit par André BLANC, Georges CHARACHIDZÉ, Louis DUBERTRET, Universalis, Silvia SERRANO
    • 17 147 mots
    • 4 médias
    Un grand nombre de langues concentrées sur un espace restreint, tel est toujours apparu le Caucase à ses observateurs, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine : 70 langues parlées en Abkhazie selon Strabon (20 après J.-C.), 130 interprètes pour les Romains, au même endroit, d'après Pline ;...
  • DIACHRONIE ET SYNCHRONIE, linguistique

    • Écrit par Catherine FUCHS
    • 1 199 mots
    • 1 média
    Par ailleurs,le regain d'intérêt porté depuis les années 1980 aux questions touchant à l'origine du langage ainsi qu'à la filiation des langues a conduit à bouleverser l'échelle historique prise en compte dans les travaux récents consacrés à l'évolution linguistique. Les uns, s'appuyant sur des considérations...
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Voir aussi