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LANGUES TYPOLOGIE DES

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Conclusion

Il est loin le temps où l'on pouvait croire que les langues possédaient des catégories universelles, celles de la grammaire latine ou grecque. Même si l'on reste d'un certain point de vue pris dans le cadre de notions traditionnelles utilisées pour décrire ces langues et celles de la famille indo-européenne, les avancées de ces dernières années sont indéniables.

Classer les langues ne va pas de soi, tout point de vue adopté, tout caractère retenu pour les décrire, toute évolution étant susceptibles de faire varier la typologie. On continue souvent de les classer, comme on le fait dans les sciences de la nature, en familles, voire sous-familles, et groupes (ou genres). Ainsi, la famille indo-européenne comprend les groupes arménien, germanique, iranien, etc. Et d'anciennes typologies sont toujours utilisées pour caractériser globalement certaines langues, comme celle des langues isolantes (ou analytiques), agglutinantes, ou flexionnelles. Cette classification s'est enrichie du type dit « incorporant » ou « polysynthétique », dont les représentants sont les langues amérindiennes, dans lesquelles le « mot » peut coïncider avec la phrase.

Cependant, les problèmes de méthode, tant d'un point de vue théorique que pratique, ne cessent de se poser. Du point de vue théorique, il est par exemple souvent difficile d'utiliser les notions traditionnelles (sujet, objet, etc.) sans se poser la question de leur validité. Faire face à la complexité du matériau force par exemple à revenir sur des notions qui paraissaient simples : par exemple, l'opposition verbo-nominale ne va pas de soi et les interprétations qu'on peut en donner peuvent sensiblement varier.

Du point de vue pratique, on a d'abord à faire à la diversité des langues et à la disponibilité des corpus. Les corpus oraux manquent souvent, alors qu'ils sont fondamentaux pour l'analyse des langues dans leurs usages réels. De plus, les corpus construits ont tendance à laisser de côté certains faits importants. De même, il manque souvent d'études permettant d'atténuer le caractère subjectif de l'analyse des langues menée par des chercheurs différents. Les modes de description divergent parfois grandement, et les conclusions varient : tel chercheur étiquète du sème /tranquille /, ce qu'un autre interprète dans la même langue comme /pendu / ou /perché /. Rien là de dramatique en soi. Mais ce sont souvent les fondements mêmes sur lesquels repose la démarche des uns et des autres qui sont en cause.

De plus, les études portent encore sur peu de langues. En tout cas pas sur toutes les langues, car on continue d'en découvrir. Les bases de données qui se développent actuellement laissent cependant penser qu'il sera possible dans un avenir proche d'établir des comparaisons sur de vastes ensembles de langues. On voit en effet se construire des bases de données typologiques dans lesquelles il est possible de croiser les propriétés typologiques telles que l'ordre des constituants de l'énoncé, la place de l'adjectif ou du génitif, l'existence d'un duel (anglais both), voire d'un triel, etc. On peut de cette façon observer l'expression du temps, de la spatialité, du genre dans les langues. Et vérifier certains universaux proclamés depuis longtemps. Ainsi, qu'une langue à duel a nécessairement un pluriel ; et qu'une langue à triel dispose nécessairement d'un duel. On peut par exemple formuler une requête qui intègre les propriétés suivantes : genre grammatical : oui ; accord de l'adjectif avec le nom : oui ; accord du verbe : oui ; le génitif suit le nom : oui ; ordre des constituants : SVO ; l'ordre des constituants est libre : non, etc. À partir d'une telle recherche, on trouve alors l'une des langues caractéristiques de la requête : le français. Ces outils permettent d'apparier des caractères[...]

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Écrit par

  • : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Loïc DEPECKER. LANGUES TYPOLOGIE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 18/12/2023

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    ...Malayo-Polynésiens ou les Turco-Mongols). Mais cette classification, qui repose sur des critères phénotypiques, ne recouvre pas systématiquement celle des langues, pour lesquelles existent, sinon s'opposent, plusieurs typologies. Le linguiste Joseph Greenberg (1915-2001) a émis l'hypothèse d'une macrofamille...
  • BOPP FRANZ (1791-1867)

    • Écrit par
    • 536 mots

    Né à Mayence, Franz Bopp étudie à Paris de 1812 à 1816 (le persan, l'arabe, l'hébreu, le sanskrit), puis à Londres de 1816 à 1820. Il est le fondateur de la méthode comparative en linguistique. Son ouvrage, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues...

  • CAUCASE

    • Écrit par , , , et
    • 17 147 mots
    • 4 médias
    Un grand nombre de langues concentrées sur un espace restreint, tel est toujours apparu le Caucase à ses observateurs, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine : 70 langues parlées en Abkhazie selon Strabon (20 après J.-C.), 130 interprètes pour les Romains, au même endroit, d'après Pline ;...
  • DIACHRONIE ET SYNCHRONIE, linguistique

    • Écrit par
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    • 1 média
    Par ailleurs,le regain d'intérêt porté depuis les années 1980 aux questions touchant à l'origine du langage ainsi qu'à la filiation des langues a conduit à bouleverser l'échelle historique prise en compte dans les travaux récents consacrés à l'évolution linguistique. Les uns, s'appuyant sur des considérations...
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