TUNIS
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Tunis, capitale du plus petit pays du Maghreb, la Tunisie (Tūnis en arabe), concentre plus de la moitié de la population urbaine du pays, illustrant de manière frappante le phénomène de macrocéphalie. Nichée au fond d’une large baie ouverte sur le golfe du même nom, la ville a connu au xxe siècle une croissance et un étalement urbain importants. Concentrant les principales fonctions d’encadrement de l’économie tunisienne et plus de la moitié des investissements directs étrangers, elle joue un rôle de relais entre le territoire national et le reste du monde. Cependant, elle est confrontée à de multiples crises et présente aujourd’hui l’aspect contrasté d’une métropole méditerranéenne en retrait.
L’histoire de Tunis remonte au ive siècle avant J.-C., époque où une bourgade se forme au croisement d’importantes routes traversant l’isthme étroit entre la lagune de Tunis et la sebkha Sijoumi. Au fil des siècles, la ville a été sous domination des Numides, des Phéniciens, des Grecs et des Romains, avant d’être conquise par les Arabes en 698. Longtemps restée dans l’ombre de Carthage, puis de Kairouan et Mahdia, Tunis a connu son âge d’or à partir de sa conquête par les Almohades en 1159, et surtout à l’époque des Hafsides qui la choisissent comme capitale en 1229. Sous leur règne, elle devient un centre économique, intellectuel et religieux à l’échelle du monde arabe, et se démarque par son ouverture sur l’Europe et l’Afrique. L’influence ottomane (1574-1881) a contribué à enrichir le patrimoine monumental de la ville et à moderniser son organisation. En 1858, Tunis est la première ville du monde arabe à se doter d’une institution municipale dans un contexte de réformes modernisatrices (Tanzimat) et d’influence européenne croissante. La médina historique, qui a conservé une remarquable homogénéité depuis cette époque, a été inscrite en 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Avec l’installation du protectorat français en 1881, Tunis connaît des mutations rapides. L’afflux massif de populations européennes fait passer le nombre d’habitants de 100 000 en 1880 à quelque 200 000 dans les années 1930. Sur le plan urbanistique, la médina et ses faubourgs se doublent d’une ville européenne – dite aussi « moderne » ou « coloniale » – qui s’étend depuis la porte de France jusqu’au port à l’est, sur des terrains gagnés sur des marécages. Alors que la médina perd ses habitants les plus aisés au profit de la ville moderne, de nouveaux quartiers sont conçus autour du noyau urbain dual : d’abord au sud (la Petite Sicile, Montfleury), puis vers l’ouest et surtout vers le nord où les lotissements – destinés au départ aux ouvriers et aux employés de la classe moyenne – deviendront parmi les quartiers les plus prisés de Tunis (Belvédère, Notre-Dame, Franceville, Mutuelleville).
Au moment de l’indépendance en 1956, Tunis et sa banlieue comptaient 500 000 habitants. Les décennies suivantes ont vu l’agglomération englober les communes voisines. À partir des années 1970, l’accès à la propriété des ménages modestes – venus d’abord des régions intérieures du pays, puis issus de processus de recomposition résidentielle au sein même de l’agglomération – constitue un moteur majeur de l’expansion de la périphérie populaire. Une part importante de celle-ci est constituée de quartiers non réglementaires construits en dur, mais sur des terrains non viabilisés et le plus souvent domaniaux. Certains ont fait l’objet de programmes de réhabilitation menés par l’État, dans une logique qui relève davantage du contrôle social que de la régulation urbaine. Le développement spatial s’appréhende désormais à l’échelle d’une aire métropolitaine – le Grand Tunis – qui couvre en 2024 quatre gouvernorats (Tunis, Ariana, Manouba et Ben Arous) et polarise le quart de la population nationale (près de 3 millions[...]
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Écrit par
- Hend BEN OTHMAN : chercheuse en urbanisme et aménagement, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, Tunis
- Sinda HAOUÈS-JOUVE : maître de conférences, université Toulouse Jean-Jaurès, docteure en aménagement du territoire et urbanisme
Classification
Médias
Autres références
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CARTHAGE
- Écrit par Abdel Majid ENNABLI , Liliane ENNABLI , Encyclopædia Universalis et Gilbert-Charles PICARD
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...s'ensuivit avaient déclenché l'expansion urbaine. C'est alors que cette zone de Carthage, jusque-là périphérique, se rapprocha de la nouvelle capitale, Tunis, et entra dans sa zone d'attraction. Le cardinal Lavigerie avait pris possession de toutes les hauteurs du site pour y édifier des monuments... -
HAFSIDES
- Écrit par Robert MANTRAN
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...oliviers et arbres fruitiers. Par ailleurs, elle draine la majeure partie des investissements et emplois industriels au profit non seulement des zones de Tunis et de Sfax, les deux principaux centres urbains, mais également de Bizerte (industries lourdes), Sousse (industries de transformation) et Gabès...