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TITIEN (1488 env.-1576)

Une période de vérité « olympienne »

<it>Flora</it>, Titien - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Flora, Titien

Une tension des formes, une composition complexe et mobile animent la splendide orchestration de couleurs de la série mythologique exécutée pour le cabinet de travail d'Alphonse Ier d'Este (Offrande à Vénus et Bacchanale du Prado ; Bacchus et Ariane de la National Gallery de Londres, 1518-1523). Par comparaison avec l'élégance humaniste du Festin des dieux, peint par Bellini pour ce même cadre de la cour d'Este et dont Titien modifia le fond de paysage, ces œuvres donnent la sensation d'un changement d'atmosphère culturelle et de la capacité qu'a le peintre de faire revivre les mythes antiques et d'y adhérer en imagination. Les sources littéraires où il puise les épisodes (Philostrate, Ovide, Catulle) ne sont pas purs documents de l'ancienne culture, mais le moyen d'évoquer le monde antique selon une tonalité plus dionysiaque qu'apollinienne.

Le savoir dont Titien fait preuve en matière de composition dans ces peintures mythologiques lui permet de parvenir à l'effet grandiose que produit la Pala Pesaro (réalisée en 1526 pour l'église des Frari), avec le déplacement de la Vierge à droite et la fuite de l'espace entre les deux colonnes monumentales : une lumière chaude anime l'ensemble et donne une impression de vie aux superbes portraits de la famille Pesaro.

À cette manière « triomphaliste » avec laquelle sont traités les thèmes religieux s'oppose en même temps une recherche de plus grande intimité, dans le drame contenu de la Déposition du musée du Louvre (env. 1525) ou encore dans la poésie idyllique de certaines « saintes conversations », comme la Vierge au lapin (Louvre), dont les personnages, au coloris délicat, sont placés dans les paysages sereins de la campagne vénitienne. Dans la fameuse Présentation au Temple (Gallerie dell'Accademia, Venise), l'événement évangélique se déroule au milieu des confrères de la Charité, qui suivent du regard la mince silhouette de la Vierge gravissant les marches du Temple, sur le fond de montagne du Cadore. Si cette composition n'est pas exempte d'une certaine rhétorique, on retrouve toutefois dans la Vénus d'Urbin (musée des Offices, Florence, 1538) l'aptitude de Titien à représenter une réalité concrète, un moment du temps, un climat particulier ; le modèle de composition de la déesse nue et allongée est celui de la Vénus de Giorgione ; cependant l'environnement somptueux, avec les servantes, et le regard de la femme qui se pose sur le spectateur brisent l'isolement mythique dans lequel Giorgione avait situé son idéal de la beauté. Avec une série de superbes portraits, qui vont du Charles Quint avec un chien (musée du Prado, 1532) à la Bella du palais Pitti (1536) et au François Ierdu Louvre, la Vénus d'Urbin marque la fin d'une période de l'art de Titien, qui était caractérisée par une vérité, un naturel « olympien ».

<it>La Présentation de la Vierge au Temple</it>, Titien - crédits : Cameraphoto/ AKG-images

La Présentation de la Vierge au Temple, Titien

La Vénus d'Urbin, Titien - crédits : 	Mondadori Portfolio/ Getty Images

La Vénus d'Urbin, Titien

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Écrit par

  • : directeur au Centre international d'éducation artistique, U.N.E.S.C.O.

Classification

Pour citer cet article

Anna PALLUCCHINI. TITIEN (1488 env.-1576) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Portrait de Caterina Cornaro</it>, Titien - crédits : Nimatallah/ AKG-images

Portrait de Caterina Cornaro, Titien

Portrait de l'Arétin, Titien - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait de l'Arétin, Titien

<it>Vénus endormie</it>, Giorgione - crédits :  Bridgeman Images

Vénus endormie, Giorgione

Autres références

  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    ...artistes de la Renaissance et de l'époque classique n'avaient qu'à suivre les modèles et les traditions de l'Antiquité. En 1518-1519, Titien peignit pour Alphonse d'Este un tableau, La Fête de Vénus, aujourd'hui au Prado : une effigie de la déesse se dresse à droite de la scène...
  • ANATOMIE ARTISTIQUE

    • Écrit par Jacques GUILLERME
    • 8 926 mots
    • 7 médias
    ...de onze grandes planches d'études anatomiques et de dessin gravées sur cuivre... ce qui n'éclaire pas la question ! On a récemment avancé que le grand Titien lui-même avait pu participer à l'ouvrage. Il a effectivement pratiqué la gravure sur bois de 1508 à 1568. A. Caro évoque au xvie siècle...
  • ARÉTIN L' (1492-1556)

    • Écrit par Paul LARIVAILLE
    • 3 064 mots
    • 1 média
    ...sainte, simplifiée et traduite en une succession de fresques hautes en couleur présentant des affinités certaines avec les compositions picturales de Titien. L'oubli dans lequel elles ont sombré par la suite s'explique non seulement par les interprétations souvent peu orthodoxes qu'on y trouve des Écritures...
  • BIOGRAPHIES D'ARTISTES

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 2 389 mots

    La vie d'artiste est un genre littéraire d'une grande ancienneté, abondamment illustré depuis la Renaissance. On en fait remonter l'origine aux commentateurs de Dante qui ont élucidé et développé la mention lapidaire des noms de Cimabue et de Giotto insérée dans la Divine...

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Voir aussi