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THULÉ

Groenland [Danemark] : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Groenland [Danemark] : carte physique

Île signalée pour la première fois par le navigateur grec Pythéas de Marseille, comme la dernière de l'archipel Britannique et la plus septentrionale des terres qu'il eût abordées au cours d'un voyage effectué à une date incertaine (~ 323 env.) dans la frange océanique de l'Europe. Il décrivait Thulé à des latitudes proches du cercle polaire (le soleil ne s'y couche pas trois heures) comme une île avenante, où l'on pouvait cultiver le blé et élever les abeilles ; mais, au-delà, une « mer coagulée », une sorte de « poumon marin », interdisait d'avancer. Le récit de Pythéas est perdu et son exploit ne fut pas renouvelé. S'il fut traité d'imposteur par certains, tels que Polybe ou Strabon, d'autres, comme Ératosthène et Ptolémée, firent des renseignements qu'il rapporta un pilier de leur construction du monde. À la suite, l'Occident, fasciné par cette terre fabuleuse, l'Ultima Thule de Virgile (Géorgiques, I, 30), retint, sans savoir exactement où la situer, qu'elle marquait au nord la limite du monde connu.

Toutes les identifications étaient donc possibles au fur et à mesure que reculerait cette limite : Ptolémée avait placé Thulé à la latitude des Shetland. Au Moyen Âge, lorsque les Vikings eurent fait connaître l'Islande, les deux terres furent généralement confondues (Adam de Brême, Saxo Grammaticus), sauf dans certaines sources anglaises comme la carte dite cottonienne qui distingue les deux. On assimila aussi Thulé à la Norvège ou au Jutland, voire à l'ensemble de la péninsule scandinave (Ortelius, Theatrum Orbis Terrarum).

En réalité, les notions rapportées de son voyage par Pythéas dans l'état où elles nous sont parvenues interdisent de reconnaître en Thulé aucune région définie de l'Atlantique nord. Si Pythéas n'a pas menti (c'est l'hypothèse de Roger Dion), il faut donc qu'il ait confondu sous le même nom de Thulé à la fois le point ultime atteint par sa navigation, soit, à six jours de voile au nord de la Grande-Bretagne et bordée par les glaces flottantes détachées de la banquise, la plus nordique des îles Shetland, et tout l'espace enveloppant cette île, espace aux contours indécis et défini seulement par la course que le soleil y décrit. De cette confusion serait née la légende de Thulé qui donne encore son nom à une base aérienne américaine sise dans la péninsule Hayes, dans le nord-ouest du Groenland, où le savant danois Knud Rasmussen découvrit en 1910 les plus septentrionales des tribus esquimaudes connues jusqu'alors.

Mythe très ancien et commun à de nombreux peuples de l'Antiquité, Grecs, Assyriens, Égyptiens aussi bien que Celtes, Germains et Scandinaves, le royaume de Thulé était le pays de l'autre monde, l'île d'Hyperborée, protégée de la curiosité des mortels par d'épais brouillards, et qui fut engloutie dans l'océan comme l'Atlantide ou la ville d'Ys, peut-être parce que ses habitants portaient ombrage aux dieux. Thulé, terre toujours verte et féconde, était peuplée de femmes très belles et instruites dans l'art de la magie, d'hommes puissants dont la science était celle des initiés aux grands secrets du monde. Certains d'entre eux, ayant échappé au cataclysme, se seraient séparés en deux groupes : celui « de la main droite sous la roue du soleil d'or », qui a choisi la voie de la contemplation, et celui « de la main gauche sous la roue du soleil noir », qui recherche la puissance en captant les forces terrestres. Cette légende a conservé sa force jusqu'à nos jours chez les peuples germaniques. Goethe et Wagner s'en sont inspiré et Gérard de Nerval a traduit de Goethe la Ballade du roi de Thulé pour la Damnation de Faust de Berlioz.

— Isabelle NGUYEN HUU DONG

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Autres références

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    • Écrit par
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    Explorateur et ethnologue danois, Knud Johan Victor Rasmussen est né le 7 juin 1879 à Jakobshavn (Groenland), et meurt le 21 décembre 1933 à Copenhague. Maîtrisant parfaitement l’inuit, la langue de sa mère, il hiverne entre 1902 et 1904 avec les tribus les plus septentrionales du monde, les ...

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