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THE COLOR LINE. LES ARTISTES AFRICAINS-AMÉRICAINS ET LA SÉGRÉGATION

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Un tournant militant : des artistes en marche

Les conséquences de la Grande Dépression de 1929 et du New Deal vont favoriser un art engagé. Les projets du gouvernement fédéral et notamment celui de la FSA (Farm Security Administration) valorisent le travail d’artistes radicaux, tels Ben Shahn et Dorothea Lange. Gordon Parks, jeune photographe noir, s’inspire de leur langage. Il écrit : « J'ai compris qu'un appareil photo pouvait être une arme contre la pauvreté, contre le racisme, contre toutes les injustices. » Une de ses photographies les plus connues, American Gothic (1942), réinterprète le tableau du peintre régionaliste Grant Wood (1930) en reprenant jusqu’à son titre.

Le peintre Jacob Lawrence, avec la magnifique MigrationSeries de soixante panneaux reproduits dans l’exposition, trouve aussi sa place au sein des programmes du New Deal. Dans un langage imagé fait de collages et de simplifications cubistes, ces œuvres proposent une traduction picturale du vécu de la population noire, dans toute sa complexité. Comme Du Bois l’avait compris auparavant, la communication visuelle devient essentielle en tant que force idéologique.

Ces artistes, parmi lesquels les romanciers tels Richard Wright (Native Son, 1940) et Ralph Ellison (InvisibleMan, 1952), offrent aux leurs une histoire et créent une tradition. Toutefois, sous peine de s’enfermer dans le ghetto d’une exaltation d’un art noir, il leur incombe de s’affirmer en tant qu’artistes à part entière.

Les mouvements pour les droits civiques, puis les revendications nationalistes, alors même que les ghettos se soulèvent comme à Watts en 1965, placent les artistes noirs devant des choix cruciaux : leur art doit-il se mettre au service du combat pour l’égalité ou refuser l’engagement et la catégorisation comme art noir ? Ces débats trouvent une illustration dans les polémiques autour de l’exposition du Metropolitan Museum of Art (MET), Harlem on myMind(1969). Le photographe Bill Gaskins déclare à cette occasion : « Nous sommes des photographes avant d’être des photographes noirs. » L’artiste doit-il servir son peuple, tel Emory Douglas qui crée une nouvelle iconographie pour le magazine radical du Black Panther Party ? Ou au contraire la liberté de l’artiste passe-t-elle par le refus des catégories imposées ? Les enjeux sont multiples : esthétiques, avec la question de la part à donner à l’africanité ; politiques, entre la revendication d’égalité et la tentation séparatiste ; identitaires, concernant la place donnée à une culture noire pour définir le groupe minoritaire ; économiques, avec le choix pour l’artiste d’un public et d’un marché.

En 1992, le sociologue Stuart Hall questionnait l’essentialisme dans son article intitulé « Qu’est-ce qui est noir dans la culture populaire noire ? ». Les artistes les plus contemporains poursuivent ce débat : Mickalene Thomas propose en 2012 sa vision du tableau de Courbet L’Origine du monde dans une œuvre dont le titre ironique, Origin of the Universe, pose à nouveau la question d’un art noir : est-il défini par son sujet, sa forme ou son auteur ?

— Lamia DZANOUNI

— Olivier MAHEO

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Écrit par

  • : docteure en civilisation américaine
  • : enseignant en histoire, chargé de cours à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Pour citer cet article

Lamia DZANOUNI et Olivier MAHEO. THE COLOR LINE. LES ARTISTES AFRICAINS-AMÉRICAINS ET LA SÉGRÉGATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 06/12/2016

Média

<em>Portrait de Booker T. Washington</em>, H. O. Tanner - crédits : The State Historical Society of Iowa/ Des Moines

Portrait de Booker T. Washington, H. O. Tanner