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TÉMOIGNAGE, droit

Sous l'Ancien Régime, le témoignage n'était pas, comme l'aveu, la probatio probatissima, mais seulement une demi-preuve (probatio semiplena), alors qu'un adage du droit romain énonçait « un seul témoin, aucun témoin » (testis ullus, testis nullus). Deux témoignages constituaient cependant une preuve entière (probatio plena) et suffisaient, s'ils concordaient, à entraîner une condamnation capitale. Aussi, lorsqu'on parvenait à confondre le témoin, était-il puni de la peine de mort, si telle avait été la peine prononcée à l'encontre de sa victime, de toute façon et dans les autres cas, de l'arrachement de la langue ou, s'il avait juré, de la section du poignet.

Témoigner est, au regard du droit français, une obligation lorsqu'il s'agit, en matière pénale, de le faire en faveur d'un innocent ; l'omission est sanctionnée d'une peine de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 euros, excepté pour l'auteur ou le complice de l'infraction et sa famille ainsi que son conjoint ; le témoignage tardif mais spontané enlève cependant tout caractère délictueux à l'acte (art. 434-11 du Code pénal). Le refus de témoigner après en avoir été requis est puni, suivant que le procès est civil ou pénal, d'une amende civile d'un maximum de 3 000 euros (art. 207 du Code de procédure civile) ou d'une amende pénale de 3 750 euros (art. 434-15-1 du Code pénal). Cela ne veut pas dire que toutes les excuses ne soient pas recevables, mais bien qu'elles constituent des questions de fait ; parmi les faits justificatifs, citons le secret professionnel.

Si certaines personnes peuvent et doivent témoigner, il en est d'autres qui ne le pourraient ni ne le devraient sans gravement porter atteinte aux droits de l'individu devant la justice répressive. Ainsi, dans le procès pénal, ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l'accusé, ou de l'un des autres accusés, présent et soumis aux mêmes débats ; il en est de même de celles du fils, de la fille ou de tout autre descendant ; des frères et sœurs ; des alliés au même degré ; du mari ou de l'épouse, prohibition qui demeure même après le divorce ou la séparation de corps ; il en est encore de même de celles des enfants âgés de moins de seize ans (art. 335 du Code de procédure pénale). Quoique la jurisprudence ait déclaré qu'il s'agissait là d'une liste limitative, elle a cependant été amenée à l'élargir ; ainsi est allié de l'accusé le fils du premier lit de sa femme. La prohibition d'entendre comme témoins les parents ou alliés de l'accusé ne se limite pas à leur déposition pour ou contre lui, mais s'étend à leur témoignage à l'égard de ses coaccusés présents et soumis aux mêmes débats. Le plaignant qui ne s'est pas constitué partie civile peut être entendu comme témoin, ce qui d'ailleurs est fortement attentatoire aux droits de l'individu poursuivi devant les juridictions répressives ; le juge doit, il est vrai, apprécier le degré de confiance que méritent ses déclarations, mais cela n'apporte qu'une restriction de principe à l'atténuation de la garantie. En revanche, dès que le plaignant se constitue partie civile, il devient partie au procès et cesse d'être témoin ; un arrêt peut donc valablement, après l'audition d'un témoin sous la foi du serment, lui donner acte de sa constitution de partie civile et annuler le témoignage sous serment qu'il avait précédemment prêté mais, malheureusement, il ne s'agit pas là d'une attitude systématique de la cour ; celle-ci n'est d'ailleurs, même si elle agit ainsi, jamais obligée de faire remarquer au jury que la déposition ne vaut plus que comme simple renseignement. Cependant, l'audition des personnes ci-dessus, sous serment, n'entraîne pas nullité lorsque, aux termes de[...]

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Pour citer cet article

Joël GREGOGNA. TÉMOIGNAGE, droit [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • PSYCHOLOGIE DU TÉMOIGNAGE

    • Écrit par et
    • 1 467 mots

    C’est à la fin du xixe siècle et au début du xxe que se développèrent différentes recherches en Europe et aux États-Unis, prémices de la psychologie judiciaire scientifique, évaluant les facteurs susceptibles de rendre compte des erreurs de témoignage. En France, Alfred Binet démontra...

  • EXAMINATION & CROSS-EXAMINATION

    • Écrit par
    • 702 mots

    Interrogatoire et contre-interrogatoire des témoins devant le juge anglais. L'institution remonte aux premiers temps de la justice royale, aux xiie et xiiie siècles ; quand une personne se plaignait d'une autre auprès du roi, celui-ci ou un officier de sa cour chargeait un de ses agents d'aller...

  • LOFTUS ELIZABETH (1944- )

    • Écrit par et
    • 420 mots

    La psychologue américaine Elizabeth Loftus est considérée comme la pionnière de la psychologie judiciaire moderne pour ses travaux innovants sur la malléabilité de la mémoire et son engagement permanent contre les erreurs judiciaires. Élue à la prestigieuse Académie nationale des sciences américaine,...

  • PREUVE JUDICIAIRE

    • Écrit par
    • 2 941 mots
    ...pour en obtenir une vision directe. Mais le langage des objets inanimés, même avec l'aide d'experts, demeure souvent obscur, s'il n'est pas fallacieux (manteau de Joseph aux mains de la femme de Putiphar, mouchoir de Desdémone) ; il ne vaut somme toute que ce que vaut letémoignage rendu à son propos.
  • PSYCHOLOGIE ET JUSTICE

    • Écrit par
    • 4 431 mots
    À la suite d’un événement criminel, les victimes et témoins – ces deux termes renvoient à deux statuts juridiques distincts, mais le terme « témoin » est utilisé de façon générique dans les recherches et pourra par la suite renvoyer soit à une victime, soit à un témoin – peuvent décider de demander...