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TATOUAGE

Signe inscrit dans la peau de manière permanente et profonde, le tatouage a longtemps fait l'objet d'un rejet social redoublé d'un complet désintérêt scientifique, en raison des interdits religieux, des préjugés raciaux et de l'infamie qui lui ont été attachés pendant des siècles. À la faveur des études ethnologiques et psychanalytiques, ce phénomène d'écriture sur le corps a été enfin décrit et analysé à partir du milieu du xxe siècle sans a priori. Presque dans le même temps, les tatouages se répandaient dans toutes les sociétés du monde et leurs significations traditionnelles s'atténuaient ou disparaissaient au profit d'une lecture postmoderne du corps.

Cette inscription profonde sur la peau revêt à la fois un sens métaphysique, psychologique et social, sans jamais perdre une visée esthétique. Elle est, comme le maquillage, une inscription ostentatoire ou non, qui relève de la catégorie de l'ornement, mais elle échappe au caractère éphémère de ce dernier. Le tatouage est réalisé « une fois pour toutes ». Cette durée exclut le tatouage de la problématique du leurre, du factice, du paraître, au contraire, elle le situe dans une permanence de l'être favorisée en cela par l'intégration corporelle et psychique du dessin. En outre, il est un acte poïétique, une production technique qui peut avoir une visée artistique, une finalité sans fin. C'est aussi un langage symbolique ou scripturaire, un texte de signes pour l'essentiel non linguistiques, mais pourtant décryptables comme des énoncés. Si Marcel Mauss ne l'inscrit pas dans les techniques du corps, c'est-à-dire les « façons dont les hommes savent se servir de leur corps », c'est parce qu'il échappe en partie à la notion d'efficacité ou d'utilisation fonctionnelle, même s'il peut être pensé par certaines sociétés comme un signe médicinal ou prophylactique.

Acte symbolique et artistique, le tatouage engage le tatoueur et le tatoué dans une relation créatrice, duelle et agonistique. En tant que forme esthétique, le tatouage présente aussi des formes à la perception et à l'art, en même temps qu'il figure le sujet sensible, le groupe auquel il appartient et les relations qu'il entretient avec celui-ci. Révélateur social, le tatouage n'est donc plus un objet d'infamie ou de marquage vulgaire, mais une inscription signifiante, qui peut désormais s'autoriser des analyses de l'anthropologie, de la philosophie ou de la métaphysique.

Une pratique très ancienne

Le mot tatouage vient du tahitien tatoo, de ta, qui désigne le bâton utilisé pour frapper la peau durant l'opération d'impression, et tatau qui signifie marquer, frapper, blesser ou dessiner. Il a été rapporté par le capitaine Cook en Europe au xviie siècle et il revient au Dr Berchon, traducteur du Deuxième Voyage de Cook vers Tahiti en 1772, d'employer pour la première fois le mot tatoo. En 1858, ce dernier est officiellement francisé en tatouage et entre dans le Littré. La réalité du fait est connue bien avant qu'un nom lui ait été attribué : le navigateur espagnol Álvaro de Mendaña de Neyra (1541-1596), premier européen à explorer la Polynésie, mentionne déjà les décorations qui recouvraient le corps des insulaires.

Signes culturels codifiés

Pratique attestée dès le paléolithique – le premier exemple retrouvé sur un défunt, en Italie, date de 5300 avant J.-C. –, le tatouage est une marque corporelle formant des motifs graphiques, réalisée grâce à une encre indélébile instillée sous la peau, et chargée de significations identitaires et symboliques. Il semble qu'il ait eu aussi une visée prophylactique, bien qu'il soit difficile de démêler ce qui relève de la magie et de la médecine. Pratiqué sous toutes les latitudes, ses figures composent[...]

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