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RIMES SYSTÈMES DE

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« Quel enfant sourd ou quel nègre fou / nous a forgé ce bijou d'un sou », s'exclame Verlaine, tout en rime et en multipliant les échos sonores à l'intérieur des vers. La poésie ne peut se passer de la rime — grâce à laquelle celle-là se distingue de la prose —, sauf si d'autres éléments rythmiques (système métrique, isomorphismes sonores divers) viennent occuper la fonction qui est la sienne. Cependant, la rime est partie constituante nécessaire de la poésie classique à forme fixe dont la « technique » repose en grande partie sur la nature, la distribution et la combinaison déterminées d'avance des rimes. Elles s'adressent aussi bien à l'œil qu'à l'oreille. Jean Mazaleyrat définit la rime comme « l'homophonie entre deux ou plusieurs mots, de leur dernière voyelle tonique ainsi que de tous les phonèmes qui, éventuellement, la suivent ».

En dehors ou plutôt au-dessus de la « technique de rimailler » intervient la qualité esthétique de la rime (que Verlaine fait semblant d'ignorer). Cette qualité prend sa source dans la « plus-value » de sens obtenue par la mise en relation spatiale et sonore des mots qui, jusque-là, ne communiquaient pas et qui n'ont aucun rapport morphologique, lexical ou sémantique. Cette exigence se généralise à partir du xviie siècle, mais déjà Clément Marot fait rencontrer « mon trépas » et « je ne meurs pas » pour figurer le caractère aléatoire de la réponse du monarque (Au Roi pour le délivrer de prison).

La nature, la qualité interne, la « richesse » de l'homophonie peut être représentée sur une échelle graduée : la correspondance d'un seul son écrit en une seule lettre est l'assonance, variété de rime minimale très usitée dans les chansons de gestes. La rime suffisante contient au moins une voyelle tonique écrite en deux lettres (fou/sou), elle est encore suffisante si une consonne suit cette voyelle. La richesse commence là où apparaît, en plus, la consonne dite d'appui qui précède la voyelle rimante. Au-delà de deux syllabes qui se répondent, la richesse déborde et l'équivoque chère aux grands rhétoriqueurs s'installe (par exemple : « Gal, amant de la Reine, alla, tour magnanime / Galamment de l'arène à la tour Magne à Nîmes »).

La disposition spatiale de la rime française est particulièrement contraignante. Depuis l'alternance des rimes féminines et masculines (qui devient au xxe siècle, avec la disparition totale des e muets, l'alternance des rimes vocalique et consonantiques) jusqu'aux rimes léonines qui font répondre entre eux non seulement les bouts de vers mais aussi les fins d'hémistiches, les tours de force se multiplient. Ainsi les différentes formules de rimes comme celles des rimes plates (aabbcc) des rimes croisées (abab avec alternance féminine-masculine), des rimes embrassées (abba) jusqu'à celles qui s'étendent sur tout un poème, telle la formule du sonnet (abba abba ccd ede), reposent-elles sur la forme strophique qui régit l'ordre des rimes.

— Véronique KLAUBER

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Pour citer cet article

Véronique KLAUBER. RIMES SYSTÈMES DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • LYRISME

    • Écrit par , , , et
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    ...propre. « Le moindre vocable s'avance dans l'exubérance de ses complicités sonores. » C'est une arabesque de rythmes qui déroule ses sinuosités vers la rime. Rappelons que celle-ci est unique, quel que soit le nombre des vers. La même sonorité vient clore chaque énoncé comme une litanie sans cesse reprise....
  • MÉTRIQUE

    • Écrit par
    • 6 930 mots
    • 1 média
    ...vers ne sont pas les seules unités métriques : ils sont généralement regroupés, d'une manière systématique, en unités de niveau supérieur, essentiellement au moyen de larime, parfois aussi au moyen des variations métriques ou de la répétition verbale. Ainsi dans ce passage de Horror, de Hugo :
  • POÉSIE

    • Écrit par et
    • 9 394 mots
    • 2 médias
    ...plusieurs niveaux d'organisation formelle du poème, au premier rang desquels : le mètre (reprise d'un nombre égal de pieds ou de syllabes), la rime ( répétition de sonorités identiques en fin de vers), la strophe, où mètres etrimes sont eux-mêmes combinés et disposés selon un schéma récurrent.
  • RONDEAU

    • Écrit par
    • 556 mots

    Le rondeau qui naît de la danse, de la ronde, ancre ce qui deviendra une forme lyrique dans le corps, le rythme et la musique. Le Moyen Âge toutefois met plutôt le rondeau en rapport avec sa forme, à l'enseigne du rond. Pensée homologique qui au-delà de la stricte étymologie dit une...

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