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SUITE, musique

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À l'origine, on désignait par « suite » une série d'airs de danse écrits dans la même tonalité (majeure ou mineure) mais de rythme et de caractère différents.

On peut faire remonter au Moyen Âge l'usage de lier les danses, deux par deux : une lente et une vive. On remarque aussi que l'estampida ou estampie, danse d'origine provençale, est divisée en plusieurs sections — ou puncta — offrant, par l'alternance des cadences « ouvertes » ou « closes », une périodicité mélodique interne.

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Avec la Renaissance apparaît un abondant répertoire. On trouve ainsi, en 1508, dans les premières tablatures publiées par l'éditeur vénitien Petrucci (Intavolatura de lauto), des suites de trois danses : pavane, saltarelle, piva (danse modérée à 6/8).

Gaillarde - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Gaillarde

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Mais le couple traditionnel au xvie siècle est constitué par la pavane et la gaillarde. La pavane, d'origine italienne, tire son nom de la ville de Padoue (padovana). C'est la danse noble, par excellence. La gaillarde, par contraste, danse alerte à trois temps, fournit aux jeunes cavaliers l'occasion d'éblouir leurs partenaires par leur agilité. L'étiquette veut d'ailleurs que les bals de Cour s'ouvrent par une danse solennelle, à laquelle succède la danse vive réservée aux plus jeunes seigneurs et damoiselles.

Au couple pavane-gaillarde se joignent les autres danses favorites de l'époque : basse danse, branles simple et double, tourdion, puis volte et passamezze. D'autre part, les luthistes ont l'habitude de faire précéder ces séries de danses d'un prélude improvisé, qui leur permet d'assurer l'accord de leur instrument et d'imposer la tonalité. Ce prélude devait avec les clavecinistes, prendre un caractère plus élaboré, tout en conservant néanmoins son aspect de « musique non mesurée ».

En passant du luth au clavecin, la suite s'enrichit de nouvelles danses, qui remplacent les rythmes de la Renaissance tombés en désuétude : sarabandes, allemandes, courantes, menuets, passepieds, rigaudons, bourrées... La gigue, d'origine anglaise, n'apparaît, elle, que plus tard. La suite pour clavier devient, ainsi, la première forme organisée de musique instrumentale.

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Alors qu'en Italie et en Allemagne, on la nomme partita, et en Angleterre lessons, elle est baptisée ordre sous la plume de François Couperin.

En se développant, la suite admet des morceaux de caractère plus abstrait et plus ample : la toccata, par exemple, remplaçant le prélude. Frescobaldi fait paraître, en 1614, ses Toccate e Partite d'intavolatura di cembalo. Certaines danses sont pourvues de « double » ou variation. L'usage se répand de faire alterner un menuet en majeur et un menuet en mineur, avec reprise du premier. (Il en est de même pour les passepieds et rigaudons.) On trouve quelquefois, en guise de final, des pièces développées en forme de chaconne ou de passacaille, genres qui connaîtront une carrière indépendante. Enfin mentionnons l'introduction de pièces descriptives ou pittoresques qui, groupées, constituent de véritables programmes : en exemple, Couperin avec Les Fastes de la grande et ancienne Ménestrandise et Les Folies françaises ou les Dominos.

En Allemagne, on se montre moins fantaisiste ; les formes sont plus rigides et tendent à la standardisation : prélude, allemande et son double, courante et son double, sarabande, gigue.

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Quoi qu'il en soit, de Froberger à Jean-Sébastien Bach, de Frescobaldi à Purcell puis Haendel, de Couperin à Rameau, la suite de clavecin domine l'époque baroque comme forme essentielle de la musique instrumentale. Par extension, toute composition instrumentale en plusieurs mouvements prend le caractère d'une suite obéissant aux principes de l'unité tonale et de l'alternance des rythmes (Sonata da camera et Sonata da chiesa). Il faut attendre l'ère classique, c'est-à-dire la seconde partie du xviiie siècle pour que s'impose la forme sonate, basée sur des contrastes thématiques et des oppositions de tonalités à l'intérieur de chaque mouvement.

La suite orchestrale se développe parallèlement aux suites de clavecin, soit en regroupant les danses issues des opéras et ballets, soit en s'affirmant comme une série indépendante.

En France, où le goût du ballet a toujours été très vif. Lulli reprend la tradition des ballets de Cour, mais en faisant précéder les danses d'une grande ouverture « à la française », comportant une introduction solennelle, voire pompeuse, à laquelle succède un allégro de style fugué, avant de conclure avec une reprise du mouvement lent. Le succès est tel qu'on en arrive à désigner par le terme ouverture des suites entières. (Ainsi les célèbres suites de J.-S. Bach sont à l'origine intitulées Ouverturen.)

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En Italie, l'ouverture ou sinfonia est de forme tripartite : allégro, largo ou andante, vivace ou presto de rythme ternaire. Précédées d'une ouverture à la française ou d'une sinfonia, les suites deviennent l'élément musical privilégié des festivités royales : depuis les Simphonies pour les soupers du Roy de Michel Richard Delalande jusqu'aux vastes fresques qu'Haendel compose pour la cour d'Angleterre, Water-music et Fireworks-music.

L'instrumentation s'enrichit progressivement : des vingt-quatre violons du Roi, base de l'orchestre de Lulli, auxquels s'ajoutèrent naturellement flûtes et hautbois, on recourut pour les fêtes de plein air aux cuivres et timbales de la Grande Écurie.

Les sérénades, cassations et divertissements de l'ère classique, sous l'influence du « style galant », s'écartent de l'esprit de l'ancienne suite : moins de solennité, plus de légèreté ; on peut parler à leur propos de « musique fonctionnelle ».

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Quant aux suites des auteurs modernes, sauf référence précise au passé, comme dans le cas de la Suite bergamasque de Debussy, elles apparaissent plus libres et s'apparentent au divertissement classique.

— Roger BLANCHARD

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Gaillarde - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Gaillarde

Autres références

  • ALLEMANDE, danse

    • Écrit par
    • 194 mots

    Danse lente à 4/4, connue depuis 1575 environ ; elle semble dériver du branle (en allemand, Reigen), qui se développa dans les pays germaniques en opposition à la pavane, alors tombée en désuétude. L'allemande est de structure ABA. Aux xviie et xviiie siècles, en France, elle est...

  • BASSE-DANSE

    • Écrit par
    • 307 mots

    Selon la plupart des auteurs, danse de cour, à deux temps (parfois à trois), de tempo lent, au caractère grave et solennel, répandue en France et en Italie (bassa danza). La basse-danse doit son nom à ses pas marchés ou glissés, donc effectués à ras de terre, « bas », par opposition aux danses...

  • CHAMBONNIÈRES JACQUES CHAMPION DE (1601 env.-1670 ou 1672)

    • Écrit par
    • 720 mots

    Organiste et compositeur, mais aussi le plus grand virtuose du clavecin vers le milieu du xviie siècle français ; il est le plus célèbre d'une longue lignée de musiciens qui part de Jacques Champion, chantre de Charles Quint, en passant par Nicolas, lui aussi chantre de la chapelle impériale,...

  • COUPERIN LES

    • Écrit par et
    • 5 502 mots
    • 2 médias
    ...L'Astrée) sous de nouveaux titres (La Françoise, L'Espagnole, La Piémontoise) ainsi que L'Impériale, en les complétant chacune d'une suite à la française. Les sonates à l'italienne constituent ainsi des sortes de préludes à ces suites nouvelles – qui forment le recueil des ...
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