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SUE MARIE-JOSEPH dit EUGÈNE (1804-1857)

Eugène Sue fut l'écrivain français le plus populaire du xixe siècle, celui qui conféra au feuilleton ses lettres de noblesse en y intégrant le roman social.

Issu d'une famille prestigieuse de chirurgiens, fils du médecin en chef de la garde des consuls, Marie-Joseph Sue naît le 26 janvier 1804 à Paris. Il a pour marraine Joséphine Bonaparte et pour parrain Eugène de Beauharnais. Ces glorieux antécédents ne l'empêchent pas d'être un élève médiocre et turbulent ; aussi son père le retirera-t-il du collège avant la fin de ses études pour tenter de lui faire apprendre la médecine par la pratique. Nommé chirurgien surnuméraire de la maison militaire du roi, le jeune homme ne retiendra guère de son état que les joies de la vie d'étudiant. Après une malheureuse affaire de cave paternelle pillée en compagnie de ses amis de prédilection, Eugène se retrouve expédié en Espagne, lors de l'intervention armée en 1823, comme attaché au personnel médical. Nommé à Toulon en 1825, il regagne rapidement Paris, où, étalant un luxe tapageur, il compte parmi les dandys les plus remarqués de l'époque. Cinq années en tout, coupées par deux grands voyages destinés à dompter sa jeunesse indocile, dans les mers du Sud, aux Antilles et en Grèce, où il assiste au combat de Navarin.

En 1830, la mort de son père le met à la tête d'une solide fortune : appartement d'un luxe raffiné et maîtresse officielle, Olympe Pelissier (en attendant d'être amoureux de Marie d'Agoult) ; il sera aussi l'un des tout premiers membres du Jockey-Club lors de sa fondation en 1833. Pour meubler ses loisirs, il écrit des romans d'aventures inspirés de ses voyages, sacrifiant à la vogue du « frénétisme » avec des héros dont les actions diaboliques et la férocité sans bornes défient la société et la morale : Kernok le Pirate et El Gitano, parus dans La Mode en 1830 et réunis l'année suivante sous le titre de Plik et Plok ; Atar-Gull (1831), affichant un cynisme encore plus grinçant avec une froide analyse de la traite des nègres et un dénouement dont l'amoralisme est un pied-de-nez aux institutions, roman qui annonce par surcroît la future esthétique des Mystères de Paris avec la dispersion de l'unité de lieu et la fragmentation du récit en épisodes. Exception faite de Latréaumont, roman historique sur la Fronde, Eugène Sue se cantonnera jusqu'en 1838, et avec un vif succès, dans la littérature maritime : La Salamandre (1832), La Coucaratcha (1832), recueil de récits et de contes, La Vigie de Koat-Ven (1833), sans compter d'innombrables récits publiés dans des keepsakes. Il se lance enfin en 1834 dans une vaste Histoire de la marine française depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours, précédée d'un Précis historique sur la marine française depuis le IXe siècle jusqu'au XVe, roman historique en dix volumes.

La seconde période ou manière de Sue est le roman de mœurs élégant publié en feuilleton. L'écrivain décide d'exploiter à son tour le filon pour se tirer d’importants embarras financiers. Arthur, et surtout le beau roman de Mathilde, Mémoires d'une jeune femme, remportent un fracassant succès.

L'année 1841 inaugure l'ère du très grand Sue avec le feuilleton social. Les premiers chapitres des futurs Mystères de Paris, écrits un peu au hasard, sous l'effet d'une sympathie naissante pour le socialisme, furent publiés à partir de juin 1842 au Journal des débats et connurent un succès sans précédent dans l'histoire du feuilleton. L'écrivain y dépeint les bas-fonds parisiens avec un réalisme d'une telle force qu'il se transforme, de par l'horrible et le terrifiant du sujet, en une vision d'une extraordinaire poésie fantastique. Sue se livre à une révision des jugements sur le mal et le crime,[...]

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Pour citer cet article

France CANH-GRUYER. SUE MARIE-JOSEPH dit EUGÈNE (1804-1857) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LES MYSTÈRES DE PARIS, Eugène Sue - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 188 mots

    Les Mystères de Paris fut un des plus incroyables succès littéraires que la France ait connus au xixe siècle. Du 19 juin 1842 au 15 octobre 1843, tout ce que le pays comptait de lecteurs attendit chaque jour la parution du Journal des Débats, pour y découvrir le dernier épisode du feuilleton...

  • JUIF ERRANT MYTHE DU

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 867 mots

    L'histoire de ce personnage légendaire contient, dès le début de sa diffusion, certains éléments constitutifs d'un mythe. Cependant, il lui manque, et ce jusqu'à l'époque romantique, cette « prégnance symbolique » dont parle Cassirer. À ses débuts, la légende n'est en effet qu'un canevas qui...

  • LAUTRÉAMONT ISIDORE DUCASSE dit COMTE DE (1846-1870)

    • Écrit par Jean-Luc STEINMETZ
    • 3 187 mots
    ...voire l'« or », comment en disconvenir ? Quant au pseudonyme choisi par Ducasse, il est juste de présumer qu'il revient au Latréaumont d'Eugène Sue, roman plus historique que noir cependant, contrairement à ce que l'on a prétendu. Peut-être Ducasse n'en fut-il pas même responsable. Sur les conseils...
  • POLICIER ROMAN

    • Écrit par Claude MESPLÈDE, Jean TULARD
    • 16 394 mots
    • 14 médias
    ...dangereuse », analysé en 1840 par Frégier, provoqua une peur dans la bourgeoisie, que traduisent bien Les Mystères de Paris (1842-1843) d'Eugène Sue et la fascination exercée par le poète-assassin Lacenaire. Face au péril : la police. Après la chute de l'Empire et celle de son tout-puissant...
  • ROMAN - Essai de typologie

    • Écrit par Jean CABRIÈS
    • 5 909 mots
    • 5 médias
    ...de son public : à long terme, le méchant est puni, la vertu récompensée. Pourtant, ce manichéisme n'est pas absolument gratuit, du moins chez Eugène Sue, qui, en 1842, avec Les Mystères de Parispubliés dans Le Journal des débats, fait un coup de génie : il dépayse sur place son lecteur en représentant...

Voir aussi