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SPENDER STEPHEN (1909-1995)

Poète, critique et journaliste anglais. Fils du grand journaliste Harold Spender et d'une mère allemande, Stephen Spender se lie au cours de ses études à University College et à Oxford avec Auden, Day Lewis et MacNeice, comme lui représentants de la poésie « nouvelle », à tendance communiste ; mais son adhésion au parti ne durera que quelques semaines. Il est avant tout un idéaliste, impatient de faire triompher sa vision d'une Europe unie par une culture commune. Il a œuvré généreusement dans ce sens par ses voyages, ses conférences, ses études critiques, ses nombreuses traductions (García Lorca, Rilke, Eluard, Büchner, Frank Wedekind). Dans les années 1930, il séjourne à Berlin, où il retrouve Christopher Isherwood. Les problèmes politiques ont été un ferment d'inspiration pour sa prose et sa poésie, d'où les liens entre Au-delà du libéralisme (Forward from Liberalism, 1939) et sa pièce en vers, Le Procès d'un juge (Trial of a Judge, 1938), « une tragédie en cinq actes » contre le totalitarisme. L'ardeur sincère d'un Shelley revit en lui, épris qu'il est de justice, d'indépendance et de liberté. Il est du côté des républicains dans la guerre civile d'Espagne, et partisan d'Israël dès la naissance de cet État. Quand il découvre les ingérences de la C.I.A. dans Encounter, honoré par d'éminentes collaborations, il démissionne, avec Frank Kermode, de son poste de directeur du périodique. Il y a aussi en Stephen Spender un poète moins connu, non engagé, appliquant son lyrisme à l'exploration de son monde intérieur. Ses poèmes introspectifs lui vaudront peut-être une réputation plus durable que ses poèmes très « modernes » : The Pylons, The Landscape Near an Aerodrome et The Express. Ses Selected Poems paraissent en 1965.

Mais Spender doit l'essentiel de son prestige et de sa renommée à son autobiographie, World within World (Monde parmi le monde), qui parut une première fois en 1951 et fut à nouveau publiée en 1977. Il s'y révèle grand mémorialiste : l'enfance et l'âge d'homme s'y rencontrent ; les amants anglais et allemands ainsi que les femmes aimées s'y croisent ; le monde de la politique et celui des arts s'observent, cherchent à bien placer leurs pions sur l'échiquier, comme lorsque le secrétaire du Parti communiste anglais demande à Spender de collaborer à l'organe du parti, soucieux de s'attacher les services d'un intellectuel de premier plan. Les portraits abondent : celui, poignant, de Virginia Woolf à Bloomsbury, peu avant son suicide ; celui d'Auden souffrant de son exil à Greenwich Village et converti à la Croix. L'autobiographie de Spender, c'est un peu la mémoire de toute une génération brisée par les ruptures idéologiques entraînées par la Seconde Guerre mondiale, prise entre la lutte antifasciste, le pacte germano-soviétique, les procès de Moscou et la découverte de la nature du stalinisme. Mais nous y trouvons des leçons plus intimes : l'autre monde parmi le monde, fait de la joie d'aimer et de celle d'écrire ; une prose parmi les plus pures de la langue anglaise, dispensatrice de bonheur.

— Louis BONNEROT

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Louis BONNEROT. SPENDER STEPHEN (1909-1995) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...policée, découvraient la vitalité de la classe ouvrière et renonçaient aux obscurités d'une langue recherchée, pour rapprocher masses et cultures. En 1939, Stephen Spender publiait un pamphlet intitulé Nouveau Réalisme. Naissaient à la même période le Club du livre de gauche et le Mouvement d'observation...
  • AUDEN WYSTAN HUGH (1907-1973)

    • Écrit par Laurette VÊZA
    • 1 076 mots
    • 1 média

    Né en 1907, à York (Angleterre), Wystan Hugh Auden joua un rôle de premier plan dans la poésie des années trente, dominant de haut les disciples auxquels on a coutume de l'associer ; Stephen Spender et Louis MacNeice. Très tôt, avant même qu'il eût trente ans, les poètes de sa génération...

Voir aussi