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PARK ROBERT EZRA (1864-1944)

Si William I. Thomas doit être considéré comme le fondateur de l'école sociologique de Chicago, c'est Robert Park qui en devient la figure la plus marquante au cours des années 1920. Ce dernier n'entre pourtant à l'université de Chicago qu'à l'âge de quarante-neuf ans, après un parcours mouvementé. D'abord journaliste pendant une dizaine d'années, il est ensuite l'élève de William James à Harvard, puis de Georg Simmel à Berlin. De retour aux États-Unis, il prend une part active au débat sur les relations raciales et devient l'assistant du leader noir Booker Washington. Le problème des minorités ethniques demeurera l'un des thèmes majeurs de son œuvre sociologique, et sa vision du monde urbain porte la marque des multiples expériences qu'il a accumulées à la faveur de ses enquêtes-reportages.

Deux ans après son arrivée à l'université de Chicago, Park publie en 1915 son premier article (La Ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain). Ce texte célèbre définit les grandes orientations théoriques et le programme scientifique de ce qui deviendra très vite l'« école » de l'écologie humaine. « Laboratoire social » par excellence, la ville est pour Park l'objet d'étude privilégié du sociologue. En continuité plutôt qu'en rupture avec le travail du journaliste, les enquêtes ethnographiques doivent être multipliées pour en saisir l'infinie diversité. Simultanément, l'intelligence de ses principes d'organisation appelle une approche de type écologique, sur le modèle de l'écologie naturelle qui étudie les relations entre les différentes espèces animales et végétales présentes sur un même territoire. L'intention de Park est en effet de saisir dans toute leur complexité les rapports que les citadins entretiennent avec un milieu à la fois matériel et humain qu'ils ont eux-mêmes façonné, et qui se transforme en permanence.

Communauté humaine élargie qui se nourrit en permanence de nouveaux apports, la ville « est à l'homme civilisé ce que la maison est au paysan », selon le mot que Park reprend de Spengler. Elle doit être analysée à la fois comme un système d'individus et d'institutions en interdépendance, et comme un ordre spatial. Elle se compose d'une « mosaïque » de communautés et de groupes ayant chacun sa culture, son histoire et ses intérêts propres. Les citadins se distribuent dans l'espace de l'agglomération en fonction de processus de filtrage, de regroupement, de ségrégation, qui tout à la fois se fondent sur les diversités d'origines et d'appartenances, les réaménagent et produisent de nouvelles différenciations. La compétition économique pour l'espace produit ainsi des zones, des quartiers, des aires que Park qualifie parfois de « naturelles » dans la mesure où elles se forment et se transforment indépendamment de tout plan concerté d'aménagement urbain.

Les unités de voisinage peuvent servir de cadre à de nouvelles formes d'enracinement, même précaires, dans des territoires et des réseaux. Aussi le quartier peut-il être considéré dans certains cas comme un véritable milieu de vie, justiciable d'une analyse proprement écologique. Tel est notamment le cas des ghettos et, d'une façon plus générale, de tous les quartiers où une minorité ethnique ou religieuse préserve ses liens communautaires et son identité à la faveur de processus qui mettent en jeu simultanément la recherche du semblable et l'exclusion par autrui. Il en va de même, dans une certaine mesure, pour les secteurs résidentiels suburbains où l'agrégation de ménages aisés, l'aspiration à un même mode de vie et le développement d'un fort contrôle social local tendent à réactiver les appartenances héritées[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Lyon-II-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Yves GRAFMEYER. PARK ROBERT EZRA (1864-1944) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE URBAINE

    • Écrit par Thierry BOISSIÈRE
    • 4 898 mots
    • 2 médias
    C’est cependant l’influence de Robert Ezra Park qui marquera le plus durablement le département, d’un point de vue tant méthodologique que théorique. Ancien journaliste de faits-divers, docteur en philosophie, ancien assistant du réformiste noir Booker T. Washington et successeur de W. I. Thomas...
  • ATTITUDE

    • Écrit par Raymond BOUDON
    • 4 175 mots
    • 2 médias
    ...par ces auteurs comme « un état d'esprit de l'individu envers une valeur ». Cette idée d'une liaison nécessaire entre attitude et valeur est reprise par Park. Mais ce dernier précise la définition en y ajoutant un certain nombre de propriétés : une attitude varie en intensité ; elle est fondée sur une expérience....
  • BURGESS ERNEST W. (1886-1966)

    • Écrit par Yves GRAFMEYER
    • 688 mots
    • 1 média

    Le sociologue Ernest Burgess est l'un des principaux représentants de l'école de l'écologie humaine qui s'est constituée au début du xxe siècle à l'université de Chicago. Né au Canada, Burgess passe sa jeunesse dans le Middle West et fait ses études supérieures à Chicago...

  • CHICAGO ÉCOLE DE, sociologie

    • Écrit par Christian TOPALOV
    • 3 219 mots

    L'école de Chicago n'existe pas – ou plutôt elle n'existe que parce qu'on en parle. Si on la considère aujourd'hui comme un fait d'histoire, c'est que cette étiquette a été inventée après-coup par plusieurs générations successives de sociologues nord-américains qui avaient besoin du secours de...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi