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BURGESS ERNEST W. (1886-1966)

Le sociologue Ernest Burgess est l'un des principaux représentants de l'école de l'écologie humaine qui s'est constituée au début du xxe siècle à l'université de Chicago. Né au Canada, Burgess passe sa jeunesse dans le Middle West et fait ses études supérieures à Chicago entre 1908 et 1913. Il y suit en particulier les enseignements de William Thomas. Après un court passage à l'université du Kansas, où il se forme aux méthodes de l'enquête sociale, il rejoint le département de sociologie de l'université de Chicago en 1916. Il y effectue toute sa carrière de professeur, jusqu'à sa retraite qui intervient en 1952.

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess - crédits : Encyclopædia Universalis France

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess

Dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale, le développement de la recherche sociologique à Chicago doit beaucoup à l'action conjointe de Burgess et de son collègue Robert Park. Leur Introduction à la science de la sociologie (1921) devient l'ouvrage de référence qui fournit le cadre conceptuel des très nombreuses monographies que tous deux animent ou supervisent. Quatre ans plus tard, Burgess précise ses hypothèses sur la structure écologique des villes dans un article dont la célébrité doit beaucoup au modèle des zones concentriques qu'il applique à l'agglomération de Chicago, tout en lui prêtant une portée plus générale. Réglée par la compétition économique pour l'espace, la croissance urbaine procède par extension, « succession » et concentration. En se développant, le centre des affaires recouvre progressivement ses pourtours, que les habitants les plus aisés abandonnent au profit des quartiers résidentiels périphériques. Ces derniers se trouvent séparés du centre par une « zone de transition » instable et souvent dégradée, que les immigrants les plus anciens tendent eux-mêmes à délaisser au fur et à mesure de leur intégration à la société d'accueil. La mobilité sous toutes ses formes (déplacements quotidiens, changements de résidence, etc.) est l'une des manifestations les plus aisément repérables du métabolisme urbain. Véritable « pouls de l'agglomération », elle traduit les tensions permanentes entre des processus contradictoires de désorganisation et d'adaptation qui affectent aussi bien les individus que les institutions et les espaces urbains. Les diverses pathologies urbaines, auxquelles Burgess a personnellement consacré une bonne part de ses recherches, sont autant de perturbations qui affectent ce métabolisme lorsqu'il se trouve déséquilibré par une croissance trop rapide et par la confrontation de modèles culturels hétérogènes. Les analyses de la déviance, de la criminalité organisée, de la délinquance juvénile passent par une étude statistique de leur inscription dans les espaces urbains, préalable obligé à l'observation directe des conduites individuelles.

Moins enclin que Park aux spéculations théoriques, Burgess a exercé une influence considérable sur les orientations méthodologiques de l'école de Chicago en donnant une forme opérationnelle aux concepts généraux de l'écologie humaine. Très attentif à la distribution spatiale des phénomènes sociaux, il a contribué au développement des usages scientifiques de la cartographie et à l'amélioration des séries statistiques intra-urbaines produites par les services de recensement. Si l'on peut en faire à ce titre le précurseur des travaux de l'écologie factorielle, il n'en défendit pas moins une position médiane dans le débat qui s'instaura dès la fin des années 1920 entre les défenseurs des méthodes qualitatives et les partisans des techniques quantitatives. C'est bien en effet dans l'observation directe et le recours aux histoires de vie qu'il voyait « la meilleure manière de comprendre les aspects subjectifs de l'existence urbaine », conformément au parti méthodologique dont l'école de Chicago est le plus couramment créditée.[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Lyon-II-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Yves GRAFMEYER. BURGESS ERNEST W. (1886-1966) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess - crédits : Encyclopædia Universalis France

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE URBAINE

    • Écrit par Thierry BOISSIÈRE
    • 4 898 mots
    • 2 médias
    Cette approche globale d’une ville à la fois segmentée et en mouvement trouve son expression formelle dans le schéma des « aires concentriques » proposé par Ernest Burgess (1925) : un centre consacré aux affaires (le loop) entouré par une zone (le slum) où sont concentrées les aires naturelles,...
  • CHICAGO ÉCOLE DE, sociologie

    • Écrit par Christian TOPALOV
    • 3 219 mots

    L'école de Chicago n'existe pas – ou plutôt elle n'existe que parce qu'on en parle. Si on la considère aujourd'hui comme un fait d'histoire, c'est que cette étiquette a été inventée après-coup par plusieurs générations successives de sociologues nord-américains qui avaient besoin du secours de...

  • INTERACTION, sciences humaines

    • Écrit par Pierre KAUFMANN
    • 3 848 mots
    • 1 média

    « L'idée d'interaction n'est pas une notion de sens commun », écrivaient Park et Burgess en 1907, dans leur Introduction à la science de la sociologie ; « elle représente l'aboutissement d'une réflexion longuement développée par les êtres humains, dans leur inlassable effort...

Voir aussi