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RÉVOLUTION RUSSE

La révolution de février 1917 et la chute du tsarisme

Palais d’Hiver, Petrograd, 1917 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Palais d’Hiver, Petrograd, 1917

Spontanéité et improvisation caractérisent les journées de février 1917. Certes, au début de 1917, la crise politique que connaît le régime tsariste est profonde. Néanmoins, ni l'opposition modérée, ni l'opposition révolutionnaire, ni les « masses » de Petrograd, dont le rôle sera capital durant les événements de février, ne semblent prêtes à une révolution, qui, en quelques jours, emporte une dynastie tricentenaire.

Les premiers incidents graves de l'année 1917 éclatent le 20 février, après que les autorités de Petrograd eurent annoncé la mise en place d'un système de rationnement, la ville ne disposant de réserves de farine que pour quelques jours. Le même jour, la plus grande entreprise de Petrograd, l'usine d'armement Poutilov, en rupture d'approvisionnement, annonce le licenciement de milliers d'ouvriers. « Du pain, du travail ! » – ces exigences économiques sont le déclencheur d'un mouvement revendicatif spontané qui, au départ, n'a rien de révolutionnaire.

Cosaques à Petrograd, 1917 - crédits : Slava Katamidze Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Cosaques à Petrograd, 1917

Le 23 février, la Journée internationale des femmes – une date importante dans le calendrier socialiste – offre aux masses un prétexte pour manifester. Plusieurs cortèges de femmes défilent dans le centre-ville : étudiantes, employées, ouvrières du textile des faubourgs ouvriers de Vyborg. Au fil des heures, les rangs des manifestants grossissent, les slogans prennent une tonalité plus politique. Le lendemain, le mouvement de protestation s'étend : près de cent cinquante mille ouvriers grévistes convergent vers le centre-ville. Débordés, n'ayant reçu aucune consigne précise, les cosaques ne parviennent plus à disperser la foule des manifestants. Des centaines d'attroupements se forment, des meetings s'improvisent.

Nicolas II inspecte les troupes - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Nicolas II inspecte les troupes

Le 25 février, la grève est générale. Les manifestations s'amplifient encore, les mots d'ordre sont de plus en plus radicaux : « À bas le tsar ! », « À bas la guerre ! » Face à ce mouvement spontané venu de la rue, les rares dirigeants révolutionnaires présents à Petrograd restent prudents, estimant, comme le bolchevik Alexandre Chliapnikov, qu'il s'agit là plus d'une émeute de la faim que d'une révolution en marche. Dans la soirée du 25, le général Khabalov, commandant du district militaire de Petrograd, reçoit un télégramme de Nicolas II, envoyé du quartier général de Mogilev. Le tsar ordonne de « faire cesser par la force, avant demain, les désordres à Petrograd ». Le refus de toute négociation, de tout compromis va faire basculer ce qui n'est aux yeux de tous qu'une agitation sporadique, comme la ville en a connu régulièrement depuis 1905, en une révolution.

Le 26 février, vers midi, la police et la troupe ouvrent le feu, place Znamenskaïa, sur une colonne de manifestants. Plus de cent cinquante personnes sont tuées. Échaudée par ce massacre, la foule reflue vers les faubourgs. Le gouverneur proclame l'état de siège et ordonne le renvoi de la Douma. La cause semble être entendue.

Dans la nuit du 26 au 27 février se produit l'événement qui, en quelques heures, fait basculer la situation : la mutinerie de deux régiments d'élite (Volynski et Preobrajenski), traumatisés d'avoir tiré sur leurs « frères ouvriers ». En quelques heures, la mutinerie fait tache d'huile. Au matin du 27 février, soldats et ouvriers fraternisent, prennent l'arsenal, où ils s'emparent de dizaines de milliers de fusils, aussitôt distribués à la foule, occupent les points stratégiques de la capitale, saccagent les prisons.

Députés des soviets - crédits :  Central Press/ Getty Images

Députés des soviets

Face à cette révolution populaire, spontanée, non maîtrisée, les « politiques » tentent d'organiser, de canaliser le mouvement. Aucun des grands leaders révolutionnaires n'étant présent à Petrograd (Lénine et Martov sont à Zurich,[...]

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Pour citer cet article

Nicolas WERTH. RÉVOLUTION RUSSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Révolution russe, 1917 - crédits : National Archives

Révolution russe, 1917

Révolutionnaires russes, 1917 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Révolutionnaires russes, 1917

Affiche soviétique, 1970 - crédits : Michael Nicholson/ Corbis/ Getty Images

Affiche soviétique, 1970

Autres références

  • ANTONOV-OVSEÏENKO VLADIMIR ALEXANDROVITCH (1884-1938)

    • Écrit par Claudie WEILL
    • 421 mots

    Fils d'officier, Antonov-Ovseïenko entre à l'école des cadets de Voroneje. Il quitte l'armée, adhère dès 1901 au mouvement révolutionnaire et se rapproche des mencheviks en 1903. Lors de la révolution de 1905, il est l'un des experts militaires de la social-démocratie russe. Il essaye de soulever...

  • ARMÉE BLANCHE

    • Écrit par Pierre KOVALEWSKY
    • 456 mots
    • 4 médias

    Cette expression désigne ordinairement les diverses formations militaires qui ont combattu le pouvoir bolchevique en Russie de 1918 à 1922. Si leur but premier était le renversement du nouveau régime, certains de leurs chefs continuaient à se référer au pouvoir issu de la révolution de Février,...

  • BERDIAEV NICOLAS (1874-1948)

    • Écrit par Olivier CLÉMENT, Marie-Madeleine DAVY
    • 2 309 mots
    ...joue courageusement à Moscou un rôle pacificateur, et qui fait de lui un député à l'éphémère « Conseil de la République », l'inquiète par son irréalisme. La révolution bolchevique où pointe, à travers l'anarchie, l'esprit du grand inquisiteur, lui arrache d'abord un cri d'indignation. Mais bientôt,...
  • BOLCHEVISME

    • Écrit par Georges HAUPT
    • 7 595 mots
    • 6 médias

    Le terme de bolchevisme, dérivé du substantif abstrait bolchinstvo (majorité), désigne la théorie révolutionnaire de Lénine et la praxis du Parti bolchevique dont celui-ci fut le fondateur, le dirigeant et le stratège. Les origines et l'évolution sémantique de ce mot, lointain souvenir d'un...

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