RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
La résonance magnétique est une technique de spectroscopie appliquée aux particules ou ensembles de particules atomiques ayant la propriété d'être de petits aimants comme les électrons et un certain nombre de noyaux atomiques (environ une centaine). On dit que ces particules possèdent un moment magnétique. Le principe de la résonance magnétique est le suivant : lorsqu'un moment magnétique situé dans un champ magnétique fixe est soumis à une excitation magnétique périodique, son comportement n'est influencé par l'excitation que si celle-ci a une fréquence bien déterminée. Cette modification de comportement se manifeste par des effets électromagnétiques que l'on peut mesurer et dont la courbe de variation avec la fréquence d'excitation est appelée raie de résonance.
Le comportement résonant des systèmes électroniques et nucléaires avait été découvert peu après le début du siècle par l'apparition de structures finies des raies spectroscopiques optiques en présence du champ magnétique, et interprété notamment par A. Sommerfeld, A. Landé et W. Pauli. L'existence du magnétisme électronique a également été étudié au moyen de la très belle méthode de O. Stern et W. Gerlach : la séparation, en plusieurs trajectoires, d'un jet d'atomes traversant une zone de champ magnétique inhomogène. Un important progrès a été réalisé en 1938 par I. I. Rabi, qui a utilisé l'excitation de la résonance magnétique pour perturber les trajectoires des jets atomiques ou moléculaires. Ces méthodes réalisent une détection indirecte de la résonance magnétique et sont d'une précision limitée.
La détection directe de la résonance magnétique, beaucoup plus précise que les précédentes, mais beaucoup moins sensible, n'a été rendue possible que par les progrès réalisés en électronique au cours de la Seconde Guerre mondiale, notamment à l'occasion des études sur le radar. Dans les champs magnétiques habituels de quelques teslas (1 tesla égale 10 000 gauss), les fréquences de résonance électronique vont de 10 GHz à 100 ou 200 GHz, correspondant à des longueurs d'onde d'environ 3 cm à 2 mm. Les fréquences de résonance nucléaire sont un millier de fois plus faibles, de 1 à 500 MHz.
La résonance électronique a été découverte en 1945 par le physicien soviétique E. Zavoisky. La résonance nucléaire l'a été également en 1945, indépendamment par F. Bloch, N. W. Hansen et M. Packard à l'université Stanford et par E. M. Purcell, R. V. Pound et H. C. Torrey à l'université Harvard, aux États-Unis, et couronnée par l'attribution en 1952 du prix Nobel de physique à F. Bloch et E. M. Purcell.
La faible sensibilité relative de la résonance magnétique impose en pratique son observation dans la matière condensée, c'est-à-dire essentiellement les liquides et les solides. Dans un milieu condensé, les moments magnétiques subissent des interactions avec leur environnement qui perturbent leur mouvement et ont, entre autres, pour effet d'élargir la raie de résonance, de la déplacer ou de la séparer en plusieurs raies distinctes. Ces perturbations dépendent de la nature, de la position et du mouvement relatifs des diverses espèces atomiques ainsi que de la structure des couches électroniques. Loin d'être une gêne, elles donnent tout son intérêt à la résonance magnétique. Ce sont elles que l'on étudie, car elles portent témoignage du comportement à l'échelle atomique de la matière condensée. Elles fournissent des renseignements souvent détaillés sur les positions et les mouvements des atomes ainsi que sur les structures électroniques et chimiques. De très nombreux travaux dans le monde entier ont consacré l'importance de la résonance magnétique comme instrument de premier ordre pour l'étude fine et détaillée de la matière condensée dans les domaines de la physique, de la chimie et de la biologie.
On assiste en outre depuis peu à un développement considérable de la résonance magnétique nucléaire sur des organismes vivants, qui promet de devenir un instrument de première importance dans la recherche et le diagnostic médicaux.
Après une analyse du phénomène de résonance magnétique, viendra une description de ses principales applications en physique, en chimie et en médecine.
Principe de la résonance magnétique
Chaque électron d'un atome possède une propriété analogue à ce que lui conférerait une rotation autour du noyau atomique, que l'on caractérise par une grandeur vectorielle appelée moment angulaire orbital. Il possède de plus un moment angulaire intrinsèque, analogue à celui d'un gyroscope, appelé spin(de l'anglais spinning top : toupie). À chaque moment angulaire est associé un moment magnétique. Dans un édifice électronique, molécule ou ion, le couplage entre les divers moments des électrons individuels conduit à un moment angulaire global et un moment magnétique global qui, dans la plupart des cas, sont nuls. Seuls font exception quelques molécules et les ions de quelques métaux. On les appelle centres paramagnétiques ou, par un abus de langage, spins électroniques ; leur résonance magnétique porte le nom de résonance paramagnétique électronique, ou R.P.E. Les noyaux atomiques dont le spin est non nul possèdent eux aussi un moment magnétique, environ un millier de fois plus faible que les moments électroniques ; leur résonance s'appelle résonance magnétique nucléaire ou R.M.N.
Dans le cas des noyaux et de beaucoup de centres paramagnétiques, les moments angulaire et magnétique sont parallèles. Leur rapport est appelé rapport gyromagnétique. Pour les centres paramagnétiques, il dépend du couplage des électrons individuels entre eux et avec le milieu environnant ; pour les spins nucléaires, ce rapport est caractéristique de chaque espèce nucléaire.
Lorsqu'un aimant dont les moments magnétique et angulaire sont colinéaires est placé dans un champ magnétique, son aimantation effectue autour de la direction du champ un mouvement de précession à une fréquence proportionnelle à l'intensité du champ et au rapport gyromagnétique de l'aimant, que l'on appelle fréquence de Larmor (du nom du physicien anglais qui a, le premier, abordé ces problèmes).
Considérons un moment magnétique dans un champ magnétique statique, dans lequel sa fréquence de Larmor a une valeur bien déterminée, et ajoutons un autre champ magnétique, beaucoup plus petit, perpendiculaire au champ statique et tournant autour de lui. Si la fréquence de rotation de ce second champ est très différente de la fréquence de Larmor, l'influence de ce champ sur le mouvement de l'aimantation est négligeable. Si, par contre, ces fréquences sont égales ou très proches, le mouvement de l'aimantation est fortement perturbé. Cette réponse sélective du système à une excitation périodique de fréquence bien déterminée constitue le phénomène de résonance. La perturbation du mouvement de l'aimantation est détectée par l'intermédiaire de la force électromotrice que cette aimantation induit dans une bobine entourant l'échantillon. Seule la composante de l'aimantation, qui est perpendiculaire au champ statique appliqué, induit un signal.
Il est utile de considérer, parallèlement à la précédente, une seconde description du phénomène de résonance magnétique basée sur la mécanique quantique. Si l'on mesure la projection d'un moment magnétique, nucléaire ou électronique, le long d'une direction fixée, on ne peut trouver qu'un nombre limité de valeurs bien déterminées ; on dit que le moment magnétique est quantifié. Comme l'énergie d'interaction d'un moment magnétique avec un champ magnétique appliqué est proportionnelle à la projection de ce moment sur la direction du champ, il résulte de la propriété précédente qu'un moment magnétique placé dans un champ magnétique ne possède qu'un nombre limité d'états d'énergie bien déterminés, correspondant chacun à une valeur différente de la projection du moment magnétique le long de la direction du champ ( effet Zeeman). Le cas le plus simple est celui du proton, ou noyau d'hydrogène, qui ne possède que deux états d'énergie différents dans un champ magnétique, car la projection de son moment magnétique sur la direction du champ ne peut avoir que deux valeurs opposées. De plus, un champ électromagnétique périodique est également quantifié en « grains », appelés photons, dont l'énergie est proportionnelle à la fréquence du champ. Si, dans un champ magnétique statique, un moment magnétique est soumis à un second champ périodique, c'est-à-dire s'il est environné de photons, il peut se produire une transition au cours de laquelle le moment magnétique passe d'un état d'énergie déterminée à un autre état d'énergie différente, tandis qu'un photon disparaît ou apparaît ; on dit qu'il est absorbé ou émis. Une telle transition ne peut se produire que si l'énergie totale ne varie pas, c'est-à-dire si l'énergie du photon absorbé est égale au gain d'énergie réalisé par le moment magnétique en passant d'un état à l'autre. Puisque l'énergie du photon est proportionnelle à la fréquence du champ magnétique périodique appliqué, cela signifie que ce dernier ne peut induire de transition que si sa fréquence a une valeur bien déterminée. On retrouve le phénomène de résonance. Les deux processus possibles, transition avec absorption de photon et transition avec émission de photon, ont des probabilités égales de se produire. Pour une assemblée de moments magnétiques, le signal de résonance, qui est proportionnel au bilan total des photons absorbés et émis, ne pourra exister que si les populations des différents états d'énergie ne sont pas toutes égales, car alors il y aurait autant de photons absorbés qu'émis. Cette inégalité de populations est assurée par l'équilibre thermique entre les spins et les autres types d'interactions existant dans le milieu qui les contient, interactions que l'on englobe sous le nom conventionnel de réseau (parce qu'à l'origine les interactions considérées avaient été celles qui existent au sein des réseaux cristallins). La thermodynamique nous apprend que la population d'un état est d'autant plus élevée que son énergie est plus basse, et ce d'autant plus que la température de l'échantillon est plus faible. Dans la grande majorité des cas expérimentaux, les différences de populations sont très faibles et le signal de résonance ne peut être observé que sur un grand nombre de spins. Pour les moments nucléaires, cela implique des concentrations telles qu'on ne puisse négliger leurs interactions mutuelles. Les spins électroniques, dont la résonance est plus sensible, peuvent être étudiés à faible concentration : un millième à un cent-millième.
Deux méthodes expérimentales sont principalement utilisées. L'une consiste à utiliser une petite excitation dont la fréquence varie et à observer en fonction de cette fréquence la faible perturbation de l'aimantation de spin. L'autre consiste à appliquer pendant un temps bref une forte excitation, de fréquence proche de la fréquence de Larmor, et à observer l'évolution au cours du temps de l'aimantation transversale des spins. Il existe entre les réponses à ces deux modes d'excitation une relation mathématique simple, appelée transformation de Fourier, que l'on sait effectuer rapidement et commodément sur ordinateur.
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Écrit par
- Jacques COURTIEU : docteur ès sciences, maître assistant au laboratoire de chimie structurale organique de l'université de Paris-XI, Orsay
- Maurice GOLDMAN : sous-directeur de laboratoire au Collège de France, conseiller scientifique au Commissariat à l'énergie atomique
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- CHAMP MAGNÉTIQUE
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- PARAMAGNÉTISME
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- AIMANTATION
- COUPLAGE CONSTANTE DE
- RMN (résonance magnétique nucléaire), physico-chimie
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- IRM (imagerie par résonance magnétique) ou RMN (résonance magnétique nucléaire), applications biomédicales
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