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RÉALISME, notion de

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Au sens strict, la notion de « réalisme » renvoie à un courant littéraire apparu en France dans les années 1850, étroitement lié à des peintres dont le plus important est Gustave Courbet. Il trouve son premier théoricien chez l'écrivain et critique d'art Champfleury (Le Réalisme, 1857), son champion avec le romancier Edmond Duranty (Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860 ; La Cause du beau Guillaume, 1862), créateur de l'éphémère revue Réalisme (1856-1857). À en croire ce dernier, « le réalisme reproduit simplement ce qu'il a sous les yeux ». Programme paradoxal, puisque au moins à première vue, il nie ce qui se donne comme l'apanage du roman : le droit à la fiction et le souci de l'art. Paradoxe d'autant plus frappant qu'il est formulé par des auteurs très proches des milieux de l'art, et confrontés à l'apparition d'une technique révolutionnaire de reproduction : la photographie, qui semble à la fois accomplir et détruire le destin imitatif de la peinture. Aussi le réalisme doit-il d'abord être compris comme un refus : celui de mettre l'art au service de toute forme d'idéalisation, tenue pour rejet du réel – reproche qui vaut à l'évidence pour le néo-classicisme, dévoyé aux yeux des réalistes en pur académisme, mais aussi pour le romantisme, qu'ils considèrent comme une sorte de trahison du vrai. On n'a pas manqué en retour de lui reprocher le « culte de la laideur » (comme on l'a dit de Courbet), une complaisance pour le sordide, le pathologique, le mesquin, et pour finir l'absence de toute morale : le terme « réalisme » prend alors une connotation violemment péjorative, lorsqu'il est employé contre Gustave Flaubert, lors du procès de Madame Bovary, et même contre Charles Baudelaire, pourtant très éloigné de l'esthétique réaliste, lors du procès, la même année 1857, des Fleurs du mal.

Le comble de l'illusion

Une première issue au paradoxe sera de l'assumer par la revendication d'un style : le comble de l'art serait en quelque sorte de transcender la bassesse de son sujet. Une telle revendication peut aller jusqu'à contredire l'intention du premier réalisme, faite de compassion et d'engagement social. Dans une lettre de 1854, Flaubert soutient qu'il a écrit Madame Bovary pour « montrer que les tristesses bourgeoises et les sentiments médiocres peuvent supporter la belle langue ». Les frères Goncourt, auteurs avec Germinie Lacerteux (1864) d'un roman manifeste du réalisme, en arrivent à une « écriture artiste », jugeant dans leur Journal (1866) « ridicule qu'on demande à une œuvre d'art qu'elle serve à quelque chose ».

Une deuxième issue – permettant, au moins en théorie, de tenir à l'écart aussi bien le débat moral que celui sur l'écriture – sera de prendre au sérieux l'objectif initial de « l'étude de [son] époque », en assimilant le travail du romancier à celui du savant : c'est la thèse d'Émile Zola, qui emprunte au physiologiste Claude Bernard la notion de « méthode expérimentale » pour la transposer au roman (Le Roman expérimental, 1880). Le terme réalisme étant devenu suspect, il impose à la place celui de naturalisme, dont il va donner le chef-d'œuvre avec Germinal (1888). La description la plus exacte d'un milieu permet d'isoler les déterminants de l'action individuelle, en quelque sorte expliquée par le conditionnement social et ses effets sur l'organisme.

Se plaçant sous l'invocation du principal des disciples de Zola, Guy de Maupassant (« Faire vrai consiste à donner l'illusion complète du vrai [...] J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt illusionnistes », Préface de Pierre et Jean, 1888), [...]

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François TRÉMOLIÈRES. RÉALISME, notion de [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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