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KIRKPATRICK RALPH (1911-1984)

La musicologie au service de l’interprétation

En 1953, Ralph Kirkpatrick réalise ses premiers travaux sur Domenico Scarlatti, en publiant simultanément une édition critique d'une sélection de soixante sonates pour clavecin et la biographie-catalogue qui fait autorité depuis lors (Domenico Scarlatti). En 1959, il publie en fac-similé le Clavier-Büchlein de Wilhelm Friedemann Bach et, en 1971, toujours en fac-similé, l'intégrale des sonates de Domenico Scarlatti.

La carrière d'instrumentiste de Kirkpatrick ne se limite pourtant pas à jouer les œuvres de ce musicien. Passionné de Jean-Sébastien Bach, dont il enregistre l'intégrale des œuvres pour clavier (à l'exception des pièces pour orgue), il se situe dans la descendance directe de Wanda Landowska en cherchant à redonner aux musiques originellement destinées au clavecin leur véritable visage. Son approche est plus rigoureuse, dépouillée de certains excès „début de siècle“, mais elle ne manque jamais de vie. Kirkpatrick était un adepte de la rythmique, recherchant parfois une certaine bravoure sans sortir de la rigueur stylistique qui s'imposait dans les années 1950.

Le choix des instruments était important pour lui, et il se situait également dans ce domaine à mi-chemin entre les fameux instruments de Wanda Landowska – intermédiaires entre le clavecin et le piano – et le retour systématique aux instruments anciens. Son répertoire allait jusqu'à la musique contemporaine : il a créé la Sonate pour violon et clavecin, opus 257, de Darius Milhaud (1946), la Sonata da camera, pour clavecin et dix instruments,de Goffredo Petrassi (1948), et – avec Charles Rosen – le Double Concerto pour clavecin, piano et deux orchestres de chambre d'Elliott Carter (1961), qui lui est dédié. Stravinski a également composé à son intention. Kirkpatrick a aussi fréquemment interprété Henry Cowell, Walter Piston, Quincy Porter... S'associant volontiers à d'autres musiciens pour faire de la musique de chambre, il a joué fréquemment avec le violoniste Alexander Schneider et le violoncelliste Pierre Fournier. À la fin de sa vie, une cécité croissante ralentit considérablement ses activités, le contraignant à une semi-retraite à Guilford (Conn.), où il meurt le 13 avril 1984.

Son livre sur Scarlatti permet d'apprécier le chemin parcouru par Ralph Kirkpatrick, l'un des premiers interprètes qui aient su réconcilier la musicologie et la pratique instrumentale. Quatorze années de travaux ont été nécessaires pour reclasser les 555 sonates, revenir au texte original, découvrir celles qu'ignorait Longo, résoudre les problèmes posés par les œuvres d'origine douteuse. Toute l'originalité de Kirkpatrick réside dans cette synthèse entre la recherche et la pratique. Il a rendu Domenico Scarlatti aux clavecinistes alors que les pianistes se l'étaient accaparé depuis le xixe siècle. Il a redonné à son œuvre une unité en reconstituant les couples ou les séries de sonates qui évitent une vision morcelée et inexacte. Et, bien que ce visage de Scarlatti reste mineur, il a rendu justice au reste de sa production instrumentale et vocale.

Trait d'union dans le domaine musicologique, Ralph Kirkpatrick a joué un rôle analogue en matière instrumentale entre la renaissance du clavecin suscitée par Wanda Landowska et un „purisme scientifique“ souvent excessif. Parmi les clavecinistes qui ont bénéficié de son enseignement, William Christie et Blandine Verlet ont assuré cette continuité.

— Alain PÂRIS

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Pour citer cet article

Alain PÂRIS. KIRKPATRICK RALPH (1911-1984) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ESSERCIZI PER GRAVICEMBALO (D. Scarlatti)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 227 mots

    Dernier des cinq grands compositeurs pour le clavecin – aux côtés de Couperin, Rameau, Haendel et Bach –, Domenico Scarlatti domine à tel point le langage de son instrument que le reste de sa production – opéras et œuvres sacrées, principalement – semble, en comparaison, manquer de relief....

Voir aussi