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RACE

Utilisé pour signifier la différence entre les groupes humains (et plus généralement la différence des types au sein d'une espèce animale quelconque), le mot « race » s'attache à des caractères apparents, le plus souvent immédiatement visibles. Les plus frappantes de ces différences sont chez l' homme la couleur de la peau, la forme générale du visage avec ses traits distinctifs, le type de chevelure. Ces variations sensibles, sitôt reconnues, sont interprétées par le système de valeurs propre à chaque culture. Ce comportement, repérable chez les enfants, marque la découverte d'une différence qu'ils demanderont à l'adulte d'expliquer ; ici commence le discours sur les « variétés dans l'espèce humaine ».

Aux différences physiques visibles s'ajoutent celles du vêtement, de la parure, de la langue et des mœurs. Il est loisible aussitôt de les mêler toutes en un amalgame significatif d'une distance entre les « gens du soi » et les autres. Plus radicalement en nous opposant, nous les « hommes », aux autres, les « non-hommes ». Ce rapport à l' identité, que tous les peuples élaborent et définissent par l'interprétation systématique de la différence, place chaque discours culturel et historique particulier dans l'obligation de rendre compte non seulement de la distinction de l'homme et de l'animal, et des hommes entre eux, mais aussi de la relation au surnaturel ; ce faisant, il est chaque fois possible de penser un ordre du monde et de la société sans cesse confronté au réel, mais toujours appuyé sur des idéologies. Cette mise en présence dans le monde place les hommes en face des autres hommes dans une structure d'échange qui constitue autant d'histoires pour dire la vie et la mort des sociétés humaines.

La question de la race s'inscrit plus particulièrement, au niveau tant biologique qu'anthropologique, dans le devenir historique propre à l'Occident cherchant à dominer tous les peuples de la terre. Dans la langue française, le mot « race », dès le xvie siècle, signifie la différenciation des espèces, mais également celle des classes sociales ou des grandes familles ; la race est considérée comme étant composée des descendants d'une même lignée et d'un même ancêtre : ainsi chaque dynastie royale constituait-elle en elle-même une race. On opposait couramment au xviie siècle la noblesse de race transmise de génération en génération et la noblesse acquise de fraîche date. La race fait donc référence explicite à la lignée généalogique enfermée dans un contexte social, où elle tient une place déterminée par rapport à toutes les autres ; certains mariages pouvaient faire « dégénérer la race », à tel point que la race se trouvait même ne plus pouvoir être estimée en termes de rang social ; de là vient que l'on opposait la race aux races serviles, méchantes, infidèles et parjures. Aussi les avatars du concept de race dans les sciences sont-ils d'un grand enseignement, non seulement pour connaître l'histoire de la méthode scientifique, mais pour comprendre les relations entre le discours scientifique, le discours idéologique et la réalité de l'histoire.

Argument scientifique pour légitimer d'abord inégalités et domination sociales, puis de nombreuses lois eugénistes adoptées au début du xxe siècle, enfin exterminations et génocides, le concept de race s'est brusquement déprécié aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Sous les auspices de l'U.N.E.S.C.O, une Déclaration d'experts sur les questions de race, adoptée le 14 décembre 1949, dénonçait son utilisation « erronée » et préconisait l'adoption de l'expression de « groupes ethniques ». Spécialement engagée dans la lutte contre le racisme et les préjugés raciaux, cette instance[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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