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PROPRIÉTÉ

La relation du propriétaire à son bien

L'article 544 du Code civil donne de la propriété une définition célèbre : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » Outre que cette définition n'a pas vocation à s'appliquer à toutes les espèces concevables de propriété, elle a l'inconvénient de ne découvrir (imparfaitement) que la structure de la relation du propriétaire à son bien, en dissimulant sa genèse.

Genèse de la propriété

La propriété s'acquiert par des modes qui varient selon le temps et les lieux, qui dépendent de facteurs historiques et techniques mais aussi d'exigences de politique juridique. On distingue des systèmes, et, dans ces systèmes, on distingue encore selon qu'il s'agit de meubles ou d'immeubles, selon que le mode d'acquisition est originaire ou dérivé, selon que le transfert opère erga omnes ou non, etc. Et ce chapitre est l'occasion de développements philosophiques sur l'origine et la justification de la propriété.

De toutes les discussions possibles, on en évoquera seulement une, qui touche à la conception même de la propriété comme relation. On a soutenu que l'acquisition à titre dérivé –  le transfert de propriété – était logiquement impossible car, la propriété étant une relation, modifier un de ses termes (le titulaire) revenait à détruire la relation. L'acte dit de transfert serait en réalité complexe : extinction du droit existant, puis création d'un droit nouveau ; et donc tous les modes d'acquisition de la propriété seraient des modes originaires. Cette thèse qui lie la relation à la personne de son titulaire comporte une faible part de vérité : il est des propriétés, surtout parmi les propriétés incorporelles, qui sont attachées à certaines qualités personnelles. Mais le droit de propriété ne vaut pas par la seule personnalité de son titulaire : c'est un mode d'accès aux utilités procurées par une chose, et on n'aperçoit pas a priori ce qui pourrait logiquement interdire de concevoir que ce mode demeure inchangé alors que change la personne de son bénéficiaire.

Il faut donc passer à l'analyse de la relation, sous bénéfice de l'avertissement suivant. Parmi les éléments de la propriété, on range précisément la faculté en vertu de laquelle le propriétaire peut transférer son droit : le pouvoir de disposition. Mais, d'une part, ce pouvoir n'est pas essentiel, car il peut être limité, voire supprimé par la volonté du propriétaire ou par le droit objectif (on n'a aucune bonne raison de refuser la qualification de propriété à une propriété inaliénable, la propriété collective des sociétés africaines, par exemple) ; et, d'autre part, il n'est pas caractéristique, étant inhérent à tous les droits patrimoniaux.

Structure du droit de propriété

Le droit de propriété est souvent décrit comme un ensemble d'attributs, de pouvoirs, de prérogatives : c'est un droit subjectif. Mais il tend aussi à apparaître comme un statut légal, un complexe de droits et de devoirs, conférés ou imposés par l'État, organe du bien public.

Les prérogatives

Dans le droit de propriété, les jurisconsultes romains ont reconnu trois éléments : l'usus, droit d'user de la chose ; le fructus, droit d'en recueillir les fruits ou plus généralement les revenus ; l'abusus, droit de disposer de la chose, en termes juridiques essentiellement, c'est-à-dire en l'aliénant. Dans les systèmes qui ont recueilli l'héritage du droit romain (et singulièrement en droit français), l'opinion orthodoxe consiste à considérer ces trois prérogatives comme liées en un faisceau indissociable, concentrées entre[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar

Classification

Pour citer cet article

Georges ROUHETTE. PROPRIÉTÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTIONNAIRES

    • Écrit par Pierre BALLEY
    • 8 189 mots
    • 2 médias
    Ces particularités ne peuvent manquer d'influer sur l'exercice des droits traditionnels du propriétaire : le fructus, l'usus et l'abusus. Le fructus, c'est-à-dire le droit aux fruits, ou bénéfices, ne pose pas de problème grave. Les bénéfices étant établis en monnaie, il suffit...
  • AGRICULTURE - Accès aux ressources productives

    • Écrit par Michel MERLET, Olivier PETIT
    • 7 339 mots
    • 5 médias
    ...correspondent à une situation historique particulière, développée en Europe à partir des régimes féodaux et transformée par la Révolution française. Ils privilégient la figure du propriétaire, détenant la quasi-totalité des droits. En France, le Code civil reprend les termes d'usus, fructus, et...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    ...moi à la chose par la relation longue de la reconnaissance juridique. Le contrat de volonté à volonté transpose la prise de possession en droit de propriété. « La propriété, dont le côté d'existence et d'extériorité ne se borne plus à une chose, mais contient aussi le facteur d'une volonté (par suite...
  • ANARCHISME

    • Écrit par Henri ARVON, Universalis, Jean MAITRON, Robert PARIS
    • 13 391 mots
    • 7 médias
    Alors que Proudhon, loin de condamner la propriété privée, soutient que la possession constitue la base même de la liberté individuelle, les anarchistes communistes suppriment la propriété en affirmant que, née de l'injustice, elle l'engendre à son tour. Or, le rétablissement de l'égalité économique...
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Voir aussi