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PROPRIÉTÉ

Le sujet de droit

Une thèse classique prétend enfermer l'évolution du droit de propriété (foncière essentiellement) en un schéma simple et bien ordonné : de la propriété collective à la propriété individuelle, par un rétrécissement continu, on serait passé d'un communisme clanique à une communauté de village accompagnée d'attributions provisoires de terres, puis à une communauté de famille indivise, enfin à la propriété du groupe familial restreint et à la propriété individuelle.

Pour être discutable, ce schéma n'en est pas moins présenté parfois comme exprimant une sorte de loi scientifique. Non pas en ce sens que la propriété individuelle constituerait l'aboutissement de l'évolution ; tout au contraire, la donnée du communisme initial aurait indiqué, pour les écoles socialistes, que la propriété individuelle n'était qu'une phase transitoire de l'histoire de la propriété, laquelle s'accomplirait dans la socialisation.

De ces reconstructions et anticipations conjecturales ou tendancieuses, on ne retiendra que les trois espèces de propriétaire qu'apparemment elles découvrent : l'individu, le groupe, l'État.

L'individu

La propriété individuelle ne dénote pas fatalement un système social individualiste : on la rencontre à toutes les époques et sous tous les régimes. Elle peut revêtir diverses formes : non seulement l'appropriation privative, mais encore l'appropriation plurale.

Appropriation privative

Selon les sociétés, le problème que pose l'appropriation privative est celui de son importance ou de ses caractères. Les sociétés traditionnelles, quoi qu'on en dise, admettent la propriété privée, non seulement des meubles mais même des immeubles. Il reste que la propriété individuelle n'est pas la plus conforme à la mentalité archaïque. Aussi est-ce un grave problème que de savoir si le développement doit s'opérer à travers la propriété individuelle. Il est notable que les gouvernements se sont en général abstenus de prendre une position de principe sur la question (là où elle était posée, c'est-à-dire en matière foncière) ; d'autre part, les programmes mis en œuvre sont variés. Il semble cependant que la modernisation du régime foncier se réalise assez largement par le moyen d'une individualisation de la propriété, lorsqu'elle ne l'encourage pas. Il ne saurait être question toutefois de discerner là une extension du domaine de la propriété privative, tant est grande l'ineffectivité des textes dans les pays en voie d'évolution.

C'est, assez naturellement, dans les sociétés socialistes que le phénomène de l'appropriation privative a offert le plus d'intérêt. Ces sociétés – on l'a vu – connaissaient deux espèces de propriété individuelle : la propriété privée et la propriété personnelle. La propriété privée est celle des moyens de production (la Chine a même laissé se développer une propriété dénommée expressément « capitaliste »). Vouée à disparaître une fois atteinte l'étape du socialisme, elle se voyait admise plus ou moins largement selon les secteurs productifs et selon que l'on s'efforçait de ménager des transitions ou que l'on voulait hâter le processus de socialisation.

La propriété personnelle porte sur les biens de consommation. Il y eut à son égard deux attitudes. Dans la conception soviétique (qui fut celle de la généralité des démocraties populaires), le développement de la propriété personnelle était le signe d'un haut niveau de vie, conforme à l'idéal socialiste d'épanouissement de l'homme ; il devait donc être favorisé, c'est-à-dire que l'on devait encourager les citoyens à s'enrichir, par le travail cela va sans dire. L'espérance de la propriété était ainsi un stimulant de la production. Mais il y avait là une[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar

Classification

Pour citer cet article

Georges ROUHETTE. PROPRIÉTÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTIONNAIRES

    • Écrit par Pierre BALLEY
    • 8 189 mots
    • 2 médias
    Ces particularités ne peuvent manquer d'influer sur l'exercice des droits traditionnels du propriétaire : le fructus, l'usus et l'abusus. Le fructus, c'est-à-dire le droit aux fruits, ou bénéfices, ne pose pas de problème grave. Les bénéfices étant établis en monnaie, il suffit...
  • AGRICULTURE - Accès aux ressources productives

    • Écrit par Michel MERLET, Olivier PETIT
    • 7 339 mots
    • 5 médias
    ...correspondent à une situation historique particulière, développée en Europe à partir des régimes féodaux et transformée par la Révolution française. Ils privilégient la figure du propriétaire, détenant la quasi-totalité des droits. En France, le Code civil reprend les termes d'usus, fructus, et...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    ...moi à la chose par la relation longue de la reconnaissance juridique. Le contrat de volonté à volonté transpose la prise de possession en droit de propriété. « La propriété, dont le côté d'existence et d'extériorité ne se borne plus à une chose, mais contient aussi le facteur d'une volonté (par suite...
  • ANARCHISME

    • Écrit par Henri ARVON, Universalis, Jean MAITRON, Robert PARIS
    • 13 391 mots
    • 7 médias
    Alors que Proudhon, loin de condamner la propriété privée, soutient que la possession constitue la base même de la liberté individuelle, les anarchistes communistes suppriment la propriété en affirmant que, née de l'injustice, elle l'engendre à son tour. Or, le rétablissement de l'égalité économique...
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Voir aussi