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PHILOLOGIE

Situation actuelle

Des buts que visait jadis la philologie, seul le premier (l'établissement du texte authentique) demeure spécifique ; les autres (interprétation, jugement qualitatif) relèvent de disciplines diverses ou même ont cessé d'être considérés comme scientifiques (ainsi, jusqu'à un certain point, la recherche des sources). L'étude philologique d'un document comporte sa datation, son déchiffrement (paléographique, codicologique ou bibliologique), la collation des versions, l'examen comparatif et critique des variantes, la recension du texte (vérification sur l'original ou par rapport à d'autres éditions), l'émendation, le classement et l'interprétation des fautes, le repérage des interpolations, l'établissement des critères d'authenticité ; tâches diverses qui trouvent leur aboutissement commun dans la composition d'une « édition critique ». Celle-ci rassemble et classe un matériel dont l'élaboration finale demeure réservée au linguiste, à l'historien ou au critique : données objectives résultant synchroniquement de l'examen des « leçons » du texte, diachroniquement de la tradition manuscrite, et que réunit, en note ou en appendice, un « apparat critique ». Depuis 1950-1960, une tendance générale s'est marquée à mécaniser, grâce à l'emploi d'ordinateurs, l'établissement des textes critiques : les questions théoriques que pose l'emploi d'une telle technique ont fait l'objet de nombreuses discussions. L'informatique fascina les philologues dans les années 1970-1980. Elle rendit possible la « critique génétique ». Par la suite, l'enthousiasme retombe : utile à la collecte des faits, l'informatique paraît stérile sur le plan notionnel. Si un accord global règne sur la nature et les moyens des opérations philologiques, il n'en va pas de même au sujet de la finalité d'une édition critique. Sur ce point s'affrontent des opinions mal conciliables, fondées en dernière analyse sur des conceptions opposées de la nature de l'écrit : l'on admet (au moins implicitement) ou bien que tout texte possède un état de perfection idéal, extérieur à ses réalisations particulières, ou bien au contraire que toute réalisation particulière possède une authenticité irréductible. Quant à l'interprétation du texte, une fois que celui-ci a été établi, elle est revendiquée par la stylistique, elle-même branche, mal identifiée, soit de la linguistique soit d'une science hypothétique de la littérature ; dans la mesure où cette interprétation fait appel à l'univers sémantique de l'auteur, elle relève de la sémiologie ou de l'histoire des institutions et des mentalités, voire de l'étude des mythes individuels et collectifs telle que la rendent possible aujourd'hui l'ethnographie, la sociologie ou la psychanalyse.

On comprend que, dans ces conditions, la notion de philologie se soit beaucoup appauvrie et que le mot lui-même montre une tendance à tomber en défaveur. Trop large, si on le prend dans son acception ancienne, pour avoir la précision qu'exige la science actuelle, il fait double emploi, dans son sens étroit, avec l'expression plus claire de « critique textuelle ». On remarque du reste, à cet égard, des différences d'usage de langue à langue ; sur le continent européen, le mot entre plutôt dans le champ sémantique des études littéraires, alors qu'en anglais il se rapporte davantage à la langue : comparative philology y désigne en fait la linguistique comparée et historique par opposition à la linguistique descriptive. En français, en dehors de la terminologie figée de l'enseignement, le mot semble moins vivant et de contenu plus restreint qu'en allemand ou en italien. Ce recul et ces variations s'expliquent[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur aux universités d'Amsterdam, de Paris-VII, de Montréal

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Pour citer cet article

Paul ZUMTHOR. PHILOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Robert Estienne - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Robert Estienne

Autres références

  • AMPÈRE JEAN-JACQUES (1800-1864)

    • Écrit par Universalis
    • 329 mots

    Historien et philologue français né le 12 août 1800 à Lyon, mort le 27 mars 1864 à Pau.

    Fils du physicien André-Marie Ampère, Jean-Jacques Ampère se consacre à l'étude des origines culturelles des langues et mythologies de l'Europe occidentale. Il entreprend son premier voyage en Allemagne en...

  • ARABE (MONDE) - Littérature

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD, Élisabeth VAUTHIER
    • 29 245 mots
    • 2 médias
    ...méthodologique fut dictée par le mode de transmission orale qui exposait le patrimoine à toutes sortes de vicissitudes, d'où la nécessité de l'approche philologique et chronologique pour authentifier les textes, fixer les étapes d'une évolution et détecter ses variations : travail nécessaire à toute histoire,...
  • ARISTARQUE DE SAMOTHRACE (220-143 av. J.-C.)

    • Écrit par Alain LABROUSSE
    • 175 mots

    Critique et grammairien grec, remarqué pour sa contribution aux études homériques. Aristarque se fixa à Alexandrie où il fut un élève d'Aristophane de Byzance et devint, en ~ 153, directeur de la Bibliothèque. Plus tard, il se retira à Chypre. Il fonda une école de philologues (qui recevront,...

  • BIBLE - L'étude de la Bible

    • Écrit par André PAUL
    • 6 436 mots
    ...préconisa en effet le recours aux langues anciennes ainsi que l'utilisation de « toutes les ressources que fournissent les différentes branches de la philologie ». Et il affirma que « le texte primitif a plus d'autorité et plus de poids qu'aucune version, même la meilleure, ancienne ou moderne ». Dès...
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