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ANDERSON PAUL THOMAS (1970- )

Né le 26 juin 1970 à Studio City, dans la banlieue de Los Angeles, près des studios Warner et Universal, Paul Thomas Anderson grandit dans la vallée de San Fernando, parfois surnommée San Pornando Valley. Sa famille, de confession catholique, fréquente quelques artistes hollywoodiens de second rang. En enfant du pays, éclairé et effronté, il aborde le cinéma avec un mélange de naturel et de nervosité : dédaignant la formation universitaire, il réalise en 1988 son premier court-métrage, The Dirk Diggler Story, où il évoque l’industrie du film pornographique. Il reprendra ce sujet et le nom du protagoniste dans Boogie Nights, neuf ans plus tard.

Brouiller les pistes

Admirateur de cinéastes au style tranchant et au regard pénétrant tels que Kubrick, Scorsese, Demme et Tarantino, Anderson établit promptement la forme typique de ses films : présenter l’action de manière à suspendre son intégration à un récit. La réalisation ménage en apparence les habitudes hollywoodiennes : elle n’évite ni le champ-contrechamp ni le mouvement d’approche vers le visage ou le fait dramatique importants ; les dialogues sont volontiers cadrés en gros plan ou en plan rapproché à deux personnages. Mais ils s’émaillent de silences, de répétitions, de ruptures de ton, de froideur inattendue. Les tournures énigmatiques abondent. Elles tiennent autant aux scénarios, de la main d’Anderson, qu’à la mise en scène. Un inconnu surgit inopinément et revêt sans s’expliquer un rôle crucial : le procédé, déjà fondamental dans Double mise (Sydney, 1996), se répète à loisir dans Inherent Vice (2014). Dans cette adaptation du roman de Thomas Pynchon, l’enquêteur voit venir à lui une kyrielle de témoins qu’il n’avait pas sollicités : ils indiquent une multitude de pistes propres à égarer les spectateurs, dont lui-même s’accommode mal, mais qui vont lui offrir la solution de tous ses problèmes. Déjà, Magnolia (1999, ours d’or au festival de Berlin 2000) mettait rudement en cause l’unité de la fable : certains fils narratifs ne s’attachaient à l’émission de télévision, qui en constitue le point de convergence et en définit la chronologie, qu’au moyen de liens de parenté, de souvenirs anciens, d’activités annexes.

<em>There Will Be Blood</em>, Paul Thomas Anderson - crédits : Paramount/ Vantage / The Kobal collection/ Aurimages

There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson

Ces inconséquences ne doivent rien à l’indifférence. Les coups de folie du héros burlesque d’Ivre d’amour (Punch-Drunk Love, prix de la mise en scène au festival de Cannes 2002) relèvent d’une absurdité universelle que signale aussi l’apparition d’un harmonium sur le trottoir. La tâche mystérieuse que montrent les premières séquences de There Will Be Blood (2007) introduit le thème primordial de l’engloutissement matériel, moral, puis infernal des personnages. Dans Boogie Nights, la mobilité désinvolte de la patineuse résume un monde qui ignore toute contrainte. Quant au déluge de grenouilles qui s’abat au dénouement de Magnolia, il suggère de prêter aux coïncidences qui marquaient le prologue le sens biblique d’unedestinée providentielle qui ne saurait être insignifiante.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, rédacteur à la revue Positif

Classification

Pour citer cet article

Alain MASSON. ANDERSON PAUL THOMAS (1970- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>There Will Be Blood</em>, Paul Thomas Anderson - crédits : Paramount/ Vantage / The Kobal collection/ Aurimages

There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson

<em>Phantom Thread</em>, P. T. Anderson - crédits : Universal - Annapurna Pictures - Focus Features - Ghoulardi Film Company/ Prod DB/ AllPix/ Aurimages

Phantom Thread, P. T. Anderson

Autres références

  • PHANTOM THREAD (P. T. Anderson)

    • Écrit par Michel CIEUTAT
    • 1 126 mots
    • 1 média

    Pour son huitième long-métrage, Paul Thomas Anderson est demeuré fidèle à sa manière de s'approprier des genres bien définis en les personnalisant très fortement. C’est ce qu’il avait fait, en 2007, avec There Will Be Blood, son adaptation du roman Oil! d'Upton Sinclair. Ainsi a-t-il...

  • THERE WILL BE BLOOD (P. T. Anderson)

    • Écrit par Michel CIEUTAT
    • 1 039 mots

    L'un des points forts de la littérature américaine a souvent résidé dans son art de dénoncer avec virulence les contradictions du mode de vie national. D'où le surnom de « muckrakers » donné à ces écrivains qui, dès le début du xxe siècle et surtout dans les années 1920, se...

  • DAY-LEWIS DANIEL (1957- )

    • Écrit par Universalis
    • 572 mots

    L 'acteur britannique Daniel Michael Blake Day-Lewis est né le 29 avril 1957 à Londres dans une famille qui appartenait au monde des arts et du spectacle : deuxième enfant du poète Cecil Day Lewis et de l'actrice Jill Balcon, il est également le petit-fils du producteur de cinéma Michael Balcon....

  • HOFFMAN PHILIP SEYMOUR (1967-2014)

    • Écrit par Universalis
    • 576 mots
    • 1 média

    Acteur américain, né le 23 juillet 1967 à Fairport, dans l'État de New York.

    Attiré par le théâtre dès le lycée, Philip Seymour Hoffman suit des études à la Tisch School of the Arts de l'université de New York, dont il sort diplômé en 1989. Il monte alors sur scène à New York et à Chicago avant...

  • MOORE JULIANNE (1960- )

    • Écrit par Richard PALLARDY
    • 1 083 mots
    • 1 média
    ...Néanmoins, c’est pour son interprétation, tout en nuances et pleine de sympathie envers son personnage d’Amber Waves, une actrice de porno, dans le film de Paul Thomas AndersonBoogieNights (1997), que Julianne Moore est nominée aux oscars (meilleure actrice dans un second rôle). Elle interprète ensuite avec...

Voir aussi