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PAUL saint (entre 5 et 15-67)

Esquisse théologique

Une pensée en mouvement

Dans l'activité débordante de Paul et dans les sujets de tous genres abordés par ses lettres, est-il possible de discerner une ligne, une motivation cohérente ? On a tout fait de Paul, y compris le destructeur du message de Jésus. Pour répondre à cette question, il faut d'abord relever un fait que l'esquisse biographique a peut-être déjà fait remarquer. Dans son action comme dans sa pensée, Paul ne crée pas ex nihilo. La foi au Christ l'a précédé, et même dans son orientation universaliste, principalement chez les « hellénistes ». À Damas puis surtout à Antioche, Paul a été accueilli dans une vie communautaire, liturgique et théologique certes non encore hiérarchiquement instituée, mais déjà fort riche. On trouve dans ses lettres de nombreux textes que l'analyse littéraire n'hésite pas à tenir pour pré-pauliniens (par exemple, I Cor., xv, 3-6 ; I Cor., xi, 23-26 ; Phil., ii, 5-11 ; Rom., i, 2-6 et même peut-être le fond de Rom., iii, 21-30, où l'on reconnaît le programme théologique paulinien) ; et ces textes sont capitaux. Quand Paul dit qu'il a « reçu du Seigneur » ce qu'il a enseigné aux Corinthiens (I Cor., xi, 23), il ne fait pas allusion à une communication individuelle du Ressuscité ; il veut dire que ce qu'il a reçu de ses devanciers (Églises, autres apôtres, trésor anonyme liturgique et kérygmatique), il se l'est approprié comme venant du Seigneur lui-même agissant dans son Église. Les textes cités plus haut montrent bien le comportement de Paul à l'égard de ce trésor traditionnel : bien loin de le transmettre mécaniquement, il le commente, le malaxe, l'applique à des situations concrètes, en insistant sur sa portée polémique et sur ses implications insoupçonnées. On en aura une idée en examinant dans le détail, par exemple, ce qu'il fait du credo primitif dans la Ire Épître aux Corinthiens (chap. xv).

Un autre fait à souligner est la mobilité incessante de cette vie et de cette pensée. Paul « voyage » en théologie autant que sur les mers et sur les routes. Il n'eut jamais pour ambition d'aboutir à des formules satisfaisantes et définitives. Bien que ses lettres fourmillent de formulations originales et synthétiques, son langage demeure incandescent et se modifie à chaque étape de ses voyages missionnaires et de ses polémiques avec les Églises. Ainsi, dans sa lettre aux Thessaloniciens, il se meut encore dans des catégories apocalyptiques juives ; le Christ est celui « qui nous délivre de la colère à venir », c'est-à-dire du jugement à la fin des temps, que Paul tient pour imminent (I Thess., i, 10). Quatre ans plus tard, reprenant les formules traditionnelles, il présente surtout le Christ dans son œuvre historique, sur la croix ; et il résume sa polémique contre la tentation légaliste, à laquelle succombaient déjà les Églises de Galatie, dans l'exclamation célèbre : « Loin de moi la pensée de me glorifier [de donner un sens à ma vie] en autre chose que la croix de notre Seigneur Jésus-Christ » (Gal., vi, 14). Mais, pendant cette même période éphésienne, dans ses discussions avec les chrétiens de Corinthe, il amorce une réflexion totalement nouvelle sur le thème, central pour des Grecs de l'époque hellénistique, de la puissance divine dans la faiblesse de l'homme. Bien loin d'affirmer simplement, comme le ferait une apologétique de bas étage, que le christianisme seul est source de puissance divinisante, il présente paradoxalement Jésus-Christ, son Église et son apôtre comme « faiblesse de Dieu » pour le salut des hommes (I Cor., i, 17-31). Un dernier exemple de cette mobilité constante, non seulement du langage mais du propos théologique, est fourni par l'Épître aux Romains, dictée à la fin de la crise corinthienne : elle témoigne[...]

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Pour citer cet article

Pierre BONNARD. PAUL saint (entre 5 et 15-67) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Saint Paul, Bible de Charles le Chauve ou Bible de Vivien - crédits : AKG-images

Saint Paul, Bible de Charles le Chauve ou Bible de Vivien

Autres références

  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    Pour saint Paul(I Corinthiens, xv, 35-53), comme pour la tradition biblique, la ψυχή (néfesh) est le principe de vie qui anime le corps ; elle est son âme vivante et peut servir à désigner tout l'homme. Mais elle est dominée par le ευ̃μα (ruah) pour que l'homme soit rempli de vie...
  • ANTIQUITÉ - Le christianisme primitif

    • Écrit par Jean PÉPIN
    • 3 642 mots
    ...toutefois, ces emprunts considérables s'accompagnèrent souvent, et parfois chez les mêmes auteurs, d'une grande défiance à l'égard de la philosophie profane. Or il est une œuvre chrétienne qui incarne excellemment cette double disposition et qui, par son prestige comme par son ancienneté, a valeur d'exemple...
  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean HADOT, André PAUL
    • 9 934 mots
    Les épîtres apocryphes ont surtout été attribuées à l'apôtre Paul, dont on a voulu compléter la correspondance. La Troisième Épître aux Corinthiens est une suite aux Actes de Paul. L'Épître aux Laodicéens est composée de fragments canoniques. Les quatorze lettres de la correspondance...
  • APÔTRES ACTES DES

    • Écrit par André PAUL
    • 844 mots

    Second tome d'une œuvre unique, attribuée à Luc, dont le premier est le troisième Évangile canonique. Les articulations entre les deux livres sont nombreuses. L'un et l'autre débutent par un prologue à l'adresse d'un même personnage, Théophile : manière hellénistique de composer l'histoire qu'accompagne...

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Voir aussi