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ORIGINE ET ÉVOLUTION DES OISEAUX

Perte de l’aptitude au vol

Même si on a naturellement tendance à considérer que l’aptitude au vol est une caractéristique essentielle des oiseaux, elle a été perdue au cours de l’évolution dans de nombreuses lignées, et dans des circonstances et à des périodes différentes. On peut même considérer que c’est un phénomène récurrent dans l’histoire évolutive du groupe : à maintes reprises, des oiseaux dont les ancêtres étaient parfaitement capables de voler ont perdu cette capacité pour adopter un mode de vie purement terrestre. Si l’on considère le monde vivant actuel, la perte de l’aptitude au vol est particulièrement notable chez deux groupes d’oiseaux très différents : les sphénisciformes (manchots) et les ratites.

Chez les premiers, elle est clairement associée à une adaptation très poussée à la vie aquatique, qui a de nombreux aspects morphologiques et physiologiques : les ailes se sont en fait transformées en nageoires servant à la locomotion en milieu marin ; les os sont très denses pour faciliter la plongée ; la disposition des veines et des artères permet de conserver le sang à une température convenable même dans des eaux froides. L’évolution des manchots est assez bien connue grâce à la découverte de nombreux fossiles dans des roches cénozoïques en Nouvelle-Zélande, en Antarctique et en Amérique du Sud, dont les plus anciens ont été datés de quelque 60 Ma (Paléocène). D’un point de vue phylogénétique, les manchots apparaissent proches des albatros (procellariiformes). Le grand pingouin (Alcaimpennis), qui appartenait à un groupe tout à fait distinct de celui des manchots, leur ressemblait superficiellement par convergence évolutive, ayant lui aussi perdu l’aptitude au vol en s’adaptant à une vie très aquatique. Il vivait dans l’Atlantique nord et fut exterminé par l’homme au xixe siècle.

Les ratites sont, comme les manchots, incapables de voler, mais présentent des adaptations totalement différentes puisque ce sont de grands oiseaux terrestres. Ils ont une répartition géographique particulière : l’autruche (Struthio) se rencontre en Afrique (largement répandue en Eurasie au Quaternaire, elle a subsisté au Moyen-Orient jusqu’au xxe siècle) ; le nandou (Rhea) peuple l’Amérique du Sud ; le casoar (Casuarius) et l’émeu (Dromaius) vivent en Australasie (Australie et Nouvelle-Guinée) ; le kiwi (Apteryx) habite la Nouvelle-Zélande. Ces ratites sont les survivants actuels d’un groupe plus vaste qui inclut des formes récemment éteintes, telles que les aepyornithiformes (ou « oiseaux-éléphants ») de Madagascar et les dinornithiformes (moas) de Nouvelle-Zélande. L’évolution des ratites a suscité de nombreuses discussions, certains problèmes ayant été résolus depuis le début du xxie siècle grâce à des études de phylogénie moléculaire qui ont fourni des résultats souvent inattendus. Il apparaît ainsi que les Aepyornis de Madagascar, des oiseaux d’une taille gigantesque, seraient de proches parents des kiwis néo-zélandais, qui sont eux de petite taille. Les dinornithiformes de Nouvelle-Zélande ne seraient pas particulièrement proches des kiwis, comme on aurait pu le penser pour des raisons géographiques, mais seraient plus apparentés aux tinamous sud-américains. Ces données moléculaires obligent à supposer que la perte de l’aptitude au vol est intervenue à plusieurs reprises dans l’histoire évolutive du groupe des ratites, ce qui d’ailleurs permet de mieux comprendre leur distribution géographique particulière, dans la mesure où elle s’explique plus facilement si on considère que ce sont des ancêtres volants qui ont atteint des régions isolées, telles que des îles océaniques, où ils ont ensuite évolué en des formes non volantes.

Des oiseaux incapables de voler autres que les ratites sont apparus très tôt dans l’histoire évolutive du groupe.[...]

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Pour citer cet article

Eric BUFFETAUT. ORIGINE ET ÉVOLUTION DES OISEAUX [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Archaeopteryx</em>, spécimen conservé au Musée d’histoire naturelle de Berlin - crédits : AKG-images

Archaeopteryx, spécimen conservé au Musée d’histoire naturelle de Berlin

Dinosaure à plumes : <em>Microraptor gui</em> - crédits : Xing Xu, avec l'aimable autorisation de Nature, 23 janvier 2003, vol. 421, p. 336, Macmillan Publishers Ltd.

Dinosaure à plumes : Microraptor gui

Réduction du plumage des pattes au cours de l’évolution des oiseaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Réduction du plumage des pattes au cours de l’évolution des oiseaux

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