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ORÉNOQUE

Grand fleuve d'Amérique du Sud, l'Orénoque s'écoule en formant un croissant géant sur plus de 2 740 kilomètres depuis sa source, dans le massif des Guyanes, jusqu'à son embouchure, dans l'océan Atlantique. Il traverse ainsi le Venezuela et forme, sur une section, la frontière entre ce pays et la Colombie. Le fleuve tire son nom d'une expression warao qui signifie « lieu où l'on peut pagayer ».

Le bassin fluvial formé par l'Orénoque et ses affluents est bordé par les Andes à l'ouest et au nord, par le massif des Guyanes à l'est et par le bassin de l'Amazone au sud. D'une superficie d'environ 948 000 kilomètres carrés, il couvre près des quatre cinquièmes du Venezuela et un quart de la Colombie.

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Sur une grande partie de son cours, l'Orénoque traverse une forêt tropicale impénétrable ou une vaste région de savane : les llanos (« plaines »). Cette dernière, qui doit son nom aux Espagnols du xvie siècle, occupe trois cinquièmes du bassin de l'Orénoque au nord de la rivière Guaviare et à l'ouest du bas Orénoque et du massif des Guyanes. Elle sert traditionnellement de pâturage aux troupeaux de bovins mais est devenue, depuis les années 1930, l'une des régions les plus industrialisées de l'Amérique du Sud. L'ensemble du bassin de l'Orénoque abrite une faune et une flore très riches, constituant une des biodiversités les plus remarquables de la planète.

Caractéristiques physiques

Le fleuve

Le versant occidental de la sierra Parima, qui sert de frontière entre le Venezuela et le Brésil, est drainé par des cours d'eau jaillis de sources qui donnent naissance à l'Orénoque. Ce dernier prend sa source au Venezuela, à la pointe sud de la sierra Parima, près du mont Delgado Chalbaud à environ 1 000 mètres d'altitude. Le fleuve coule d'abord dans une direction ouest-nord-ouest, quittant les montagnes pour serpenter dans les llanos. Son débit augmente à mesure qu'il reçoit de nombreux affluents de montagne, dont les rivières Mavaca sur la rive gauche et Manaviche, Ocamo, Padamo et Cunucunuma sur la rive droite.

En aval de la ville de La Esmeralda, une partie des eaux de l'Orénoque se dirige vers le sud pour se jeter dans la rivière Casiquiare (parfois appelée « canal » Casiquiare). Ce canal, caractéristique du réseau fluvial de l'Orénoque, est un passage naturel qui s'écoule en général vers le sud avant de se mêler à la rivière Guainía pour former le río Negro, reliant ainsi le système fluvial de l'Orénoque à celui de l'Amazone.

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Après s'être dédoublé au niveau du Casiquiare, l'Orénoque forme un coude vers le nord-ouest et s'écoule en formant de larges méandres jusqu'à sa confluence avec le río Ventuari. Le fleuve s'oriente alors vers l'ouest pour s'écouler entre de hautes rives alluviales, son cours étant marqué par la présence de vastes barres de sable. Près de San Fernando de Atabapo, les ríos Atabapo et Guaviare rejoignent l'Orénoque, marquant la fin de son cours supérieur.

En aval de San Fernando de Atabapo, le fleuve s'écoule vers le nord et forme une partie de la frontière entre le Venezuela et la Colombie. Cette zone de transition, marquée par une série de rapides (raudales), se termine aux cataractes d'Atures. Le fleuve franchit ainsi plusieurs passages étroits entre d'énormes blocs de granite, tandis qu'il est rejoint par les ríos Vichada et Tomo, venus des llanos colombiens, et par les ríos Guayapo, Sipapo, Autana et Cuao, venus du massif des Guyanes.

Les rapides d'Atures marquent le début du cours inférieur de l'Orénoque. Le fleuve dessine alors une large courbe vers l'est. Dans cette section, il traverse lentement les basses plaines et atteint progressivement une largeur d'environ 8 kilomètres. Il y reçoit ses affluents les plus importants, dont le Meta, l'Arauca et le Capanaparo. L'Apure grossit le fleuve avec les eaux de nombreux ríos venus des Andes, formant un dédale marécageux dans leurs cours inférieurs.

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À partir de sa jonction avec l'Apure, l'Orénoque dessine des méandres vers l'est dans des plaines légèrement ondulées. Les bancs de sable et les îles alluviales abondent dans cette section. Certaines îles sont assez grandes pour diviser le bras en d'étroits passages. Le fleuve y reçoit les eaux des ríos Guárico, Manapire, Zuata, Pao et Caris, sur la rive gauche, et des ríos Cuchivero et Caura, sur la rive droite. Ces cours d'eau charrient tellement de sédiments que des îles se forment souvent à leur embouchure. Le río Caroní, l'un des plus grands affluents de l'Orénoque, rejoint le fleuve sur sa rive droite après avoir traversé la retenue d'eau formée à Guri par le barrage Raúl Leoni, en amont de la ville de Ciudad Guayana (également dénommée Santo Tomé de Guayana). Plus en amont, sur le río Churún (tributaire du Caroní), se trouvent le Salto del Angel, plus haute chute d'eau au monde (979 m). De nombreuses lagunes, dont celles de Mamo, Amana et Colorada, bordent les rives de l'Orénoque entre Ciudad Bolívar et la confluence avec le Caroní.

Le large delta de l'Orénoque se forme à Barrancas, environ 50 kilomètres en aval de Ciudad Guayana. Il longe la côte atlantique sur près de 440 kilomètres, de Pedernales dans le golfe de Paria, au nord-ouest, à l'embouchure du río Barima, au sud-est, dans la Boca Grande (« grande bouche »). Des dizaines d'îles y sont reliées par un réseau complexe d'innombrables canaux (caños). Le principal canal de l'Orénoque coule vers l'est à partir de Barrancas avant de se jeter dans la Boca Grande.

Les llanos de l'Orénoque

Les llanos couvrent presque tout le bassin occidental du bas Orénoque, soit près de 570 000 kilomètres carrés. Ils ne dépassent pas, en général, 300 mètres d'altitude. Les hautes plaines (llanos altos), près des Andes, forment de vastes plates-formes entre des ríos, s'élevant de 30 à 60 mètres au-dessus des vallées. En s'éloignant des montagnes, elles se fragmentent de plus en plus, comme dans la mesa découpée que forment les llanos central et oriental (dans la région de Gran Sabana) et dans la région vallonnée (serranía) au sud du Meta en Colombie. Les basses plaines (llanos bajos), délimitées par deux cours d'eau, l'Apure au nord et le Meta au sud, s'étendent à l'ouest de la vallée du bas Orénoque. Des inondations transforment chaque année cette région en un lac intérieur.

Outre l'Apure et le Meta, les principaux cours d'eau drainant les llanos sont le Guaviare et l'Arauca. Le va-et-vient permanent entre des périodes de saturation en eau et de déshydratation a provoqué une ferrallitisation avancée des sols (appauvrissement en bases, exportées dans les eaux de lessivage ou incorporées dans des silicates de fer et d'aluminium insolubles). Des sols à grains fins forment des carapaces (couches de sols cimentées) et, dans les zones caillouteuses, des conglomérats de quartz cimentés par du fer se trouvent juste sous la surface du sol. L'acidité excessive et le manque de bases nutritives, de matière organique et d'azote rendent presque tous les sols évolués stériles.

Le climat

Le bassin de l'Orénoque présente un climat tropical, avec des saisons davantage marquées par des différences de pluviométrie que de température. L'année est ainsi divisée en une saison des pluies (hiver) et une saison sèche (été), de novembre à mars ou avril. Ces deux saisons résultent de la migration saisonnière de la zone de convergence intertropicale, zone dépressionnaire où se rejoignent les alizés des deux hémisphères. Le déplacement de la zone vers le nord depuis sa position estivale au sud de l'équateur apporte en effet les pluies hivernales.

Les précipitations varient fortement dans le bassin fluvial. Les alizés du nord-est soufflent parallèlement aux districts côtiers sans perdre leur humidité et font tomber parfois moins de 500 millimètres de précipitations par an. Les zones situées au-delà des barrières topographiques sont également peu arrosées, tandis que les versants exposés au vent reçoivent en général des pluies abondantes. Dans certaines régions, l'abondance des pluies permet le développement d'une jungle luxuriante et, même dans certains cas, d'une véritable forêt tropicale (selva). Les llanos connaissent une sécheresse sévère de janvier à avril environ, puis subissent des inondations massives entre juin et octobre. Les précipitations mensuelles sont rarement inférieures à 250 millimètres dans les llanos colombiens entre avril et novembre. Les pluies atteignent leur niveau maximum vers le milieu de l'année dans le nord du Venezuela, avec une moyenne mensuelle située autour de 250 millimètres. Les précipitations annuelles sont très élevées près des Andes, où la ville de Villavicencio (Colombie) reçoit 4 500 millimètres. Elles diminuent fortement à mesure que l'on s'approche des plaines centrales, où la ville de Puerto de Nutrias (Venezuela) reçoit 1 150 millimètres.

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Contrairement aux précipitations, les températures varient très peu dans le bassin au fil de l'année. Les moyennes mensuelles oscillent toujours entre 18 et 21 0C. La variation d'un mois à l'autre est également très faible. Le seul écart de température important se trouve entre le jour et la nuit. Dans les llanos, la température peut dépasser 35 0C en journée pendant la saison sèche, tandis que les vents secs la font descendre entre 18 et 24 0C la nuit.

L'hydrologie

Du point de vue géomorphologique, le bassin fluvial date du Quaternaire (il y a environ 1,6 million d'années). Les pluies torrentielles charrient dans les cours d'eau d'énormes quantités de matière produite dans les plateaux. Les rivières, incapables de contenir cet excès de matière, débordent, produisant des inondations périodiques qui submergent les plaines. Dans de telles conditions, le tracé du réseau hydrographique, instable et mal défini, est marqué par le déplacement des rivières, des lagunes et des marais dans les basses régions. Le delta de l'Orénoque s'étend rapidement vers l'océan, mais les énormes quantités de sédiments qui s'accumulent accélèrent l'affaissement de cette région.

La forte variabilité du débit du fleuve reflète celle que connaissent les précipitations. Pendant la saison sèche, de novembre à mars, l'Orénoque a une profondeur moyenne d'environ 15 mètres dans le bassin inférieur, près de Ciudad Bolívar. La montée des eaux devient régulière en avril, au début de la saison des pluies. La période des hautes eaux, d'avril à octobre, atteint son apogée en juillet. Le fleuve mesure alors près de 50 mètres de profondeur à Ciudad Bolívar. De juin à août, les plaines du bassin sont inondées, parfois sous 20 mètres d'eau. À la fin du mois d'août, les eaux se retirent progressivement jusqu'à leur niveau d'étiage, en octobre.

Flore et faune

Les llanos sont essentiellement recouverts d'une savane presque dépourvue d'arbres. Dans les zones basses, la végétation est constituée de pâturin palustre, de carex et de Trachypogon (graminée). Les graminées à longue tige dominent la savane sèche, où elles se mêlent à des Axonopus affinis, seules graminées naturelles qui fournissent du fourrage vert pendant la saison sèche.

Dans les llanos, les espèces arborées se trouvent cantonnées dans les forêts-galeries qui poussent dans les sols alluviaux le long des rivières et dans les étroites files de palmiers bâche (Mauritia flexuosa) qui suivent les petits cours d'eau. Les feuillus latifoliés couvraient à l'origine le piémont andin, très arrosé. On trouve aussi quelques arbres xérophytiques, dont le chaparro (Curatella americana) et le palmier nain, éparpillés dans la savane. Une grande partie de cette végétation arborée naturelle a cependant disparu en raison de la déforestation. Le massif des Guyanes est recouvert d'une forêt dense et haute interrompue par des poches de savanes, petites ou grandes. La forêt tropicale qui pousse dans la vallée du haut Orénoque renferme des centaines d'espèces d'arbres. Le delta est en grande partie couvert de mangroves.

Crocodile de l'Orénoque - crédits :  Sylvain Cordier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Crocodile de l'Orénoque

Plus de 1 000 espèces d'oiseaux (ibis rouges, arapongas, coracines et innombrables psittacidés) peuplent le bassin de l'Orénoque. Parmi les nombreux poissons figurent des piranhas carnivores, des gymnotes et des bagres laulao (Brachyplatystoma filamentosum), un silure qui pèse souvent plus de 100 kilogrammes. Le crocodile de l'Orénoque (Crocodylus intermedius), l'une des plus grandes espèces du monde (plus de 6 m) est considéré par U.I.C.N. comme en danger critique d'extinction. Les cours d'eau sont également peuplés de caïmans et de serpents, dont le boa constrictor. L'arrau (Podocnemis expansa), tortue d'eau dont la coquille atteint environ 75 centimètres de longueur à l'âge adulte, niche dans les îles sableuses du fleuve. La faune comprend aussi divers insectes (papillons, coléoptères, fourmis, termites).

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La plupart des mammifères des llanos nichent dans les forêts-galeries le long des cours d'eau et se nourrissent dans les prairies. Les seuls véritables habitants de la savane sont quelques rongeurs fouisseurs et une quarantaine d'espèces d'oiseaux (dont l'ibis blanc et rouge, l'oriole moriche et la chevêche des terriers). On trouve aussi plusieurs espèces de cerfs et de lapins, des fourmiliers, des tatous, des tapirs, des jaguars et des cabiais, les plus gros des rongeurs.

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Écrit par

  • : professeur de géographie à l'université d'État du Michigan, East Lansing (États-Unis)
  • : professeur de géographie à l'université d'État du Michigan, East, Lansing
  • : professeur de géographie à l'université centrale du Venezuela, Caracas

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Médias

Crocodile de l'Orénoque - crédits :  Sylvain Cordier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Crocodile de l'Orénoque

L'Orénoque à Curiapo - crédits : Ariel Fuchs/ Gamma-Rapho/ Getty Images

L'Orénoque à Curiapo

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    Deux grandes traditions culturelles naissent et se succèdent le long de l'Orénoque, avant de se diffuser vers le nord et vers l'est dans les Guyanes.
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    L'aménagement le plus important se fit près de la confluence de l'Orénoque et du Caroni : exploitation du fer de Puerto Ordaz, construction du gigantesque barrage hydroélectrique de Guri (sur le Caroni), création de la ville nouvelle de Ciudad Guayana, à partir de 1960, autour d'un pôle...

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