NANKIN, chin. NANJING [NAN-KING]

Chine : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chine : carte administrative

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Capitale de la province chinoise du Jiangsu, Nankin est située sur la rive droite du Yangzi, à 250 kilomètres de son embouchure. Le site est protégé par le fleuve (au nord et à l'ouest) et par la montagne Pourpre (à l'est), qu'on a comparés à « un dragon lové et un tigre tapi ». Le royaume de Chu, qui conquiert la région à la fin du ~ ive siècle, y établit la ville de Jinling, ce qui restera par la suite le nom littéraire de Nankin. Siège de commanderie sous les Qin et les Han, Nankin et son hinterland ne connaissent de développement décisif qu'à partir du iiie siècle de notre ère. Le royaume de Wu y établit sa capitale en 229. L'ancienne Jinling, sise dans les collines, est remplacée par une ville murée de 10 kilomètres de périmètre, correspondant au nord de l'agglomération moderne. Nankin reste capitale impériale sous les Jin (qui lui donnent son nom de Jiankang), les Song, les Qi, les Liang et les Chen. Centre économique majeur (forges et fonderies, tissages, céramiques, échanges avec l'outre-mer), c'est surtout la métropole culturelle de la Chine « chinoise » du Sud (par opposition au Nord dominé par des dynasties barbares). Les artistes les plus éminents de la période y résident, tels le poète Xie Lingyun, le calligraphe Wang Xizhi, le peintre Gu Kaizhi. Le premier temple bouddhique est fondé en 247, mais le bouddhisme triomphe surtout sous l'empereur Wu des Liang (règne : 502-549) avec notamment la construction de nombreux édifices dans et autour de la ville, le creusement de la falaise des Mille Bouddhas qu'on visite encore près du temple Qixiasi. La cité serait alors peuplée de 280 000 familles (un chiffre probablement exagéré).

Redevenue simple préfecture sous le nom de Jiangning après l'unification de l'empire par les Sui, la ville souffre de la construction du Grand Canal, qui déplace le centre économique et culturel de la région à Yangzhou. Mais elle connaît un nouvel essor pendant la courte période de fragmentation impériale à la fin des Tang. L'État de Wu (902-937) puis les Tang méridionaux (937-975) y ont leur capitale et construisent une nouvelle ville, correspondant à la partie sud du Nankin actuel. La ville reste une capitale préfectorale importante sous les Song et les Yuan.

Nankin doit sa physionomie actuelle à Zhu Yuanzhang, le premier empereur des Ming. Il y installe sa capitale en 1356 alors qu'il n'est encore qu'un chef rebelle parmi d'autres. La dynastie des Ming y est fondée en 1368, mais l'imposante muraille dont subsistent encore de vastes pans date de 1366. L'ouvrage, construit avec des briques réquisitionnées dans cent cinquante-deux sous-préfectures du moyen Yangzi, était long de 35 kilomètres et englobait de vastes espaces ruraux, notamment au nord-ouest, où il rejoignait le Yangzi. Zhu Yuanzhang construit également un palais impérial aujourd'hui disparu, mais dont les plans se retrouvent en partie dans le palais de Pékin. En 1421, en effet, l'empereur Yongle transfert le gouvernement dans son ancien fief de Pékin, et Nankin n'est plus que la « capitale du Sud » (Nanjing). Elle n'en demeure pas moins une grande métropole où lettrés et artistes se donnent rendez-vous et côtoient les fonctionnaires, relativement peu occupés, qui peuplent le gouvernement bis qu'on y a maintenu. Le dernier siècle de la dynastie est par excellence celui de la dolce vita nankinoise. Lettrés et poètes dans le vent vont festoyer dans le quartier de plaisir de la rivière Qinhuai, célèbre pour ses « bateaux fleuris » et ses courtisanes, elles-mêmes artistes accomplies. Des intrigues s'y nouent, dont la plus connue reste celle que narre le drame L'Éventail aux fleurs de pêcher. Mais Nankin est aussi un centre d'édition réputé (imprimerie du Collège impérial, nombreux libraires commerciaux), un centre économique important (chantiers navals, soieries impériales et privées, céramiques, etc.), et à la fin de la période une des bases du mouvement fondamentaliste confucéen qui constitue une opposition politique bruyante au gouvernement de Pékin.

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Après avoir été brièvement capitale des Ming du Sud (1644-1645), la ville reste sous les Qing le siège des plus hautes autorités provinciales du bas Yangzi. La vie culturelle y demeure brillante. Le roman satirique La Chronique indiscrète des mandarins, publié au milieu du xviiie siècle, donne une bonne idée du milieu des lettrés de Nankin à cette époque. Les empereurs Kangxi et Qianlong visitent plusieurs fois la cité au cours de leurs « tournées au sud ».

Les rebelles Taiping s'emparent de Nankin en 1853 et en font leur « capitale céleste » (Tianjing) pendant douze ans. La ville semble avoir été fort active pendant ces années, mais les destructions sont considérables lors de sa reprise par les impériaux.

Guerre sino-japonaise, 1937-1945 - crédits : National Archives

Guerre sino-japonaise, 1937-1945

C'est à Nankin qu'est constitué en 1912 le gouvernement provisoire de la république de Chine sous la présidence éphémère de Sun Yat-sen, dont les cendres reposent depuis 1929 dans le fameux mausolée de la montagne Pourpre ; mais le pouvoir revient rapidement à Pékin. En 1927 Jiang Jieshi (Tchiang Kai-chek), en route pour l'« expédition du Nord », y installe le régime du Guomindang, et Nankin redevient capitale de la Chine jusqu'à l'invasion japonaise : c'est la « décennie de Nankin ». La prise de la ville par les Japonais, le 13 décembre 1937, est suivie d'un mois de pillages et de massacres ; plus de 300 000 civils y auraient trouvé la mort.

Aujourd’hui l’une des principales villes du pays, Nankin (6 millions d’hab. en 2006), est un important centre industriel : électronique (télécommunications, informatique, logiciels, vidéo), pétrochimie (éthylène, engrais, polyester), automobile (joint-venture entre Fiat et Suzuki), construction mécanique, produits pharmaceutiques (à partir des plantes de la médecine traditionnelle chinoise), sans oublier la sidérurgie, l’agroalimentaire, les industries légères (textiles). Concernant les nouvelles technologies, plusieurs pôles de compétitivité ont été créés (biologie, semi-conducteurs de dernière génération, etc.) qui attirent les investissements directs étrangers, essentiellement européens. Nankin est également un nœud de communications routières et ferroviaires entre le nord et le sud de la Chine ainsi qu’un centre intellectuel (université réputée, nombreux instituts de recherche), touristique et commercial (implantation d’enseignes de grande distribution étrangères).

— Pierre-Étienne WILL

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Guerre sino-japonaise, 1937-1945 - crédits : National Archives

Guerre sino-japonaise, 1937-1945

Autres références

  • CHINE - Les régions chinoises

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    • 11 778 mots
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    Les collines septentrionales s'effacent au-delà deNankin, capitale du Jiangsu (avec 3,3 millions d'habitants), où la plaine alluviale n'a que 3 kilomètres de large, cependant que les montagnes méridionales s'abaissent jusqu'à disparaître peu au-delà de Zhenjiang, à 220 kilomètres de la mer....
  • HONGWU [HONG-WOU] ou ZHU YUANZHANG (1328-1398) empereur de Chine (1368-1398)

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    Fondateur de la dynastie des Ming, Zhu Yuanzhang se proclame empereur avec pour nom de règne Hongwu (nom posthume : Taizu). Il est le seul rebelle d'origine paysanne avec Liu Bang, fondateur des Han, à avoir établi une dynastie durable. Il perd la plupart des membres de sa famille, des tenanciers...

  • JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire

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    Néanmoins, un appui fut trouvé en Chine : Wang Jingwei fondait àNankin un gouvernement projaponais, en mars 1940. Konoe reprit alors son activité politique : il obtint la dissolution de tous les partis, revint au pouvoir en juillet et, en octobre, devint président de la Taisei Yokusankai (Association...
  • JIANGSU [KIANG-SOU]

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    Province de la Chine orientale, le Jiangsu couvre 100 000 kilomètres carrés et comptait 75,5 millions d'habitants en 2006 : c'est une des régions les plus peuplées de la terre. Le Jiangsu (« pays de l'eau », « confluence des fleuves ») est une vaste région amphibie constituée au nord par les plaines...

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